L’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) a déclaré jeudi que les juges « sont des citoyens qui exercent leur liberté d’expression conformément aux garanties constitutionnelles et légales et aux règles et conventions internationales », sur fond de polémique après la publication du post du juge Hammadi Rahmani lundi, appelant à la fermeture de la chaîne télé Al Hiwar Ettounsi.
L’Association a précisé que l’opinion publiée par le juge sur sa page à propos du discours de la chaîne reposait sur « les principes, concepts et préceptes régissant la liberté des médias et de la presse, la liberté de communication audiovisuelle et les sanctions prévues pour violation du droit », énoncés par le décret n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de communication audiovisuelle et à la création d’une haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle, incluant la criminalisation du discours de haine, l’utilisation de moyens hostiles, la violence, la non objectivité, le non respect de la dignité humaine qui ont des conséquences sur la sécurité nationale et l’ordre public ».
L’association a estimé que ce que le juge a publié sur sa page « ne représente pas une rupture avec la neutralité et une incitation à la violence contre la chaîne, mais est l’expression de l’opinion des citoyens sur une chaîne de télévision soumise à l’évaluation et au contrôle de l’opinion publique conformément aux lois régissant la liberté de la presse et des médias et la scène audiovisuelle ».
L’AMT a rappelé la mise en garde par le Syndicat national des journalistes le 6 septembre 2019 par le biais de la Commission d’éthique du journalisme dans son évaluation de la performance de certaines chaînes à travers les interviews diffusées avec certains candidats à l’élection présidentielle du « passage de certains médias de l’action d’éclairage de l’opinion publique pour régler des comptes d’une manière qui pourrait nuire à la crédibilité des médias et menacer la transparence du processus électoral ».
Elle a souligné que l’évocation de poursuites contre un juge qui a exercé sa liberté d’opinion et d’expression dans le cadre des garanties constitutionnelles et légales, « constitue une menace pour la liberté d’expression, car cette liberté est garantie non seulement aux journalistes et aux professionnels des médias, mais également au grand public ».
Le juge Hamadi Rahmani a appelé lundi 14 octobre 2019 sur son compte Facebook personnel à « la nécessité de fermer la chaîne Al Hiwar Ettounsi et de poursuivre en justice ses responsables, sinon la Tunisie paiera un lourd tribut ».
Il a estimé que la chaîne « use d’un discours prônant la violence verbale provocatrice et crée un climat propice à exacerber la tension sociale et la violence politique entraînant des réactions et des crimes aux lourdes conséquences ».
Il a décrit les journalistes d’Al-Hiwar comme « une configuration du crime et de la haine », ajoutant que la chaîne diffuse « un discours incendiaire dirigé de manière arbitraire, gratuite, criminelle et délibérée contre des millions de Tunisiens afin de les provoquer et pousser à la confrontation ».
Pour sa part, la chaîne a affirmé son l’intention de déposer mardi une plainte contre le juge Hammadi Rahmani auprès du Conseil supérieur de la magistrature et de l’Inspection générale du ministère de la Justice pour ses commentaires.