Analyse d’Amine BEN GAMRA
La situation de la Tunisie reste contrastée : si d’importants progrès ont été réalisés sur le front du processus de transition politique vers un système de gouvernance ouvert et démocratique, la transition économique n’a pas suivi le même rythme.
La Banque mondiale en Tunisie
La Tunisie compte 15 projets en cours financés par la BIRD, pour un montant total d’engagements de 2,05 milliards de dollars. Ce portefeuille est composé de 11 financements de projets d’investissement (pour un montant de 1,1 milliard de dollars), d’un programme de financement axé sur les résultats (430 millions de dollars), d’un financement à l’appui des politiques de développement (500 millions de dollars) et de deux dons (14,63 millions de dollars). Il comprend trois projets problématiques : le projet pour l’enseignement supérieur et l’employabilité, le projet pour l’inclusion économique des jeunes et le projet de gestion intégrée des paysages.
Le pays a, en outre, pris du retard dans la ratification de trois projets importants approuvés en juin 2019 (amélioration des performances du secteur de l’énergie, numérisation de l’administration publique et start-up et PME innovantes).
Au cours de l’exercice 2020, la Banque prévoit de finaliser un projet d’appui aux partenariats public-privé dans l’assainissement (130 millions de dollars) et un projet de gestion durable des oasis (100 millions de dollars). Des discussions sont toujours en cours en vue de mettre en place des opérations de garantie avec les partenaires de la Banque pour permettre à celle-ci de poursuivre son programme de prêts.
(Source : https://www.banquemondiale.org , Dernière mise à jour: 01 oct. 2019)
Le FMI en Tunisie
Le gouvernement tunisien a signé avec le FMI un accord portant sur l’octroi d’une facilité élargie de crédit d’un montant de 2,8 milliards de dollars, divisée en plusieurs tranches sur une durée de 4 ans (programme quinquennal 2016-2020). La Tunisie a jusque-là reçu cinq tranches d’un montant global de 1,6 milliard de dollars.
Dernièrement, le FMI a bloqué l’attribution à la Tunisie d’une nouvelle tranche de crédits estimée à 1,2 milliard de dollars, soit l’équivalent de 3,4 milliards de dinars, faute d’accélération des réformes, selon l’expression même du représentant du FMI en Tunisie Mr. Jérôme Vacher.
« Nous avons effectué des visites, de nature technique et informelle, en juillet et en octobre, pour continuer à faire le point sur la situation économique. Mais, pour l’instant des arrangements pour préparer une éventuelle revue n’ont pas été engagés. Lorsqu’une nouvelle équipe gouvernementale sera en place, nous serons à même d’aborder les différentes politiques qui pourraient être soutenues par une revue», a-t-il encore expliqué.
Il faut cesser de croire à l’histoire du Père Noël
Il faut tirer les conclusions de l’expérience ghanéenne, le Ghana étant le 2ème producteur d’or d’Afrique, le quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne et le 2ème producteur mondial de cacao. Ce pays est encore pauvre malgré les supposées aides du FMI et de la Banque Mondiale qui visait à redresser son économie. Ce qui a amené le président ghanéen Nana Akufo-Addo dernièrement à dire qu’il faut cesser de croire à « l’histoire du Père Noël qui va venir pour développer le continent ».
Au pouvoir depuis 2017, l’ancien avocat, star des réseaux sociaux en Afrique, a fait de cette doctrine le cœur de son programme électoral de 2020 : celui d’un Ghana affranchi de l’aide internationale (« Ghana beyond aid »).
En clair, M. Akufo-Addo promet de construire un pays dont le développement ne dépendra plus jamais de l’assistance du FMI er de la BM. Le chef de l’État ghanéen n’admet plus qu’on vienne de Paris, de Bruxelles ou de Washington, lui faire la leçon sur l’avenir de l’Afrique. « Nous devons abandonner notre mentalité de dépendance qui compte sur l’aide et la charité, dissocier l’Afrique de l’image de mendiante qui lui est associée », énonce-t-il.
Conclusion
La BM et son jumeau le FMI ont systématiquement prêté à des États afin d’influencer leur politique. L’endettement extérieur a été et est encore utilisé comme un instrument de subordination des débiteurs.
Par ailleurs, les choix de la Banque et du FMI ont été largement déterminés par les critères suivants :
- éviter le maintien de modèles autocentrés; et
- tenter de modifier la politique de certains gouvernements des pays socialistes et soutenir les pays du bloc capitaliste.
La vérité qu’il faut garder à l’esprit c’est qu’il faut faire attention en collaborant avec les institutions de Bretton Woods (le FMI et la BM). En effet, derrières leur mission d’aide au développement se cache des actions politiques directes dans les pays où elles interviennent. Ils ne peuvent résoudre les problèmes qu’ils sont supposés résoudre, mais au contraire les aggrave et les multiplie pour cette raison, toute réforme de la BM et/ou du FMI est vaine.
Le Royaume-Uni tiendra le 20 janvier prochain son sommet sur l’investissement en Afrique. En effet, il s’efforce d’être le plus grand investisseur en Afrique. Le Sommet UK-Africa Investment 2020 accueillera des représentants de gouvernements, d’institutions financières et d’entreprises publiques et privées. La Tunisie est invitée à y prendre part. L’objectif est de promouvoir les opportunités de partenariat et d’investissement sur le continent, de susciter l’intérêt des investisseurs britanniques et de renforcer la coopération bilatérale avec les pays participants.
Expert Comptable- Commissaire Aux Comptes
Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie