TUNIS – UNIVERSNEWS (Agriculture – M.S.) – Les éleveurs laitiers alertent sur des risques de pénurie du lait, après un été très sec et chaud, mais aussi un contexte de forte hausse des prix.Les Tunisiens affluent sur l’achat du lait conditionné dans les grandes surfaces commerciales, lesquelles sont contraintes à rationaliser les quantités autorisées à chaque citoyen face aux craintes d’une crise qui risque de frapper le secteur laitier comme l’affirme Anis Kharbeche, expert en agriculture, qui tire la sonnette d’alarme sur une nouvelle pénurie de lait qui commencerait à partir d’octobre prochain. Un nouveau casse-tête pour les citoyens déjà confrontés à des pénuries de nombreuses denrées alimentaires
- UNIVERSNEWS: Est-ce que les périodes de fortes chaleurs à répétition et la sécheresse inédite de cette année comptent parmi les principaux responsables de ce manque de lait ?
Anis Kharbeche: Des tensions devraient être enregistrées à partir du mois d’octobre qui coïncide avec le début du repos biologique des vaches laitières. La production devrait ainsi baisser de 200 à 300 mille litres par jour. Le marché tunisien absorbe 2 millions de litres quotidiennement en automne, en hiver et au printemps contre 2,2 millions de tonnes en été, en raison de la hausse de la fréquentation touristique. Ces besoins sont majoritairement couverts par la production nationale. Les quantités stockées s’élèvent à environ 17 millions de litres de lait conditionné.
Le secteur laitier est englué, ces dernières années, dans une crise due non seulement à des difficultés liées à l’activité des éleveurs et des producteurs de lait mais également à des facteurs d’ordre externe parmi lesquels la récente pandémie de Covid-19, qui a porté un sérieux coup à la filière ainsi que la guerre Russie-Ukraine dont les répercussions économiques se sont fait durement ressentir dans le monde. Mais la conjoncture mondiale ne serait pas la seule cause de la crise. Le déclin de cette dernière filière n’est pas uniquement lié à la saisonnalité du taux de lactation du cheptel mais résulte, par ailleurs, des épisodes de sécheresse de plus en plus prolongés auxquels s’ajoutent la hausse des prix des fourrages et des charges de plus en plus lourdes (coût des frais du vétérinaire, médicaments, vaccins…). Le prix d’une vache laitière qui était de 4000 dinars, il y a quelques années, atteint, actuellement, 12 mille dinars. Sous l’effet de l’inflation, tous les coûts ont augmenté de façon considérable poussant finalement les éleveurs à sacrifier une partie de leur cheptel.
- Pour faire du lait, il faut des vaches. Et pour nourrir les vaches, il faut du fourrage. Est-ce que la production actuelle pourra répondre aux besoins alimentaires du troupeau ?
L’absence de pluie et les températures très chaudes ont pèsé sur notre production. Les cultures (maïs et luzerne notamment) ont subi des sols très secs et le manque important d’eau. De même que l’herbe des prés, broutée par les vaches. Les agriculteurs observent un vrai déficit de fourrage, qui offre souvent deux options : se fournir ailleurs ou se séparer d’une partie de son cheptel, car l’éleveur est désormais incapable de nourrir tout son troupeau. Face à la hausse des prix des fourrages, les éleveurs se trouvent obligés de vendre une partie de leurs bêtes pour limiter la casse. La vente d’une partie de cheptel à des bouchers locaux ou à des éleveurs algériens constitue une solution pour adapter le stock de fourrage au nombre de vaches. Les troupeaux tunisiens se sont réduits de 20 à 30 % en 2024 comparativement à la même période de 2022
- Faut-il revoir les prix du lait ?
Si l’amour du métier est là, il faut pouvoir en vivre. Et c’est là que ça coince. Aujourd’hui, le prix du lait doit monter pour couvrir nos marges. Les agriculteurs font face à de grandes difficultés à cause de la hausse des coûts de production, notant que le coût de production d’un litre de lait, entre 1 dinar 800 et 2 dinars, dépasse son prix de vente, et réclament à cet effet, que des mesures soient entreprises afin d’augmenter le prix du lait, de 300 à 500 millimes.