Mustapha Khedher détient des documents et des données que la justice ne possède pas. Des données inédites et de la plus haute gravité ! Nous y revenons après que Me Imen Gzara eut explicité lesdites données sur l’appareil sécuritaire imputé à Ennahdha d’une manière claire, méthodique et concrète, lors de son passage, lundi 4 mars 2019, sur les deux plateaux, de Midi Show sur Mosaïque Fm, d’abord, et lors de l’émission télévisée sur Al Hiwar Ettounsi avec Myriam Belkadhi.
« Ce que nous avons dit, depuis la première conférence de presse, le 2 octobre 2018, n’est ni une analyse, ni une lecture, ni une déduction, mais bel et bien une transmission de données contenues dans des documents judiciaires. Nous tenons à mentionner clairement cela, une fois pour toutes », a précisé d’entrée Me Gzara prouvant sa détermination et sa foi en l’action qu’elle mène avec les autres membres du Comité de défense dans les affaires de l’assassinat des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Parmi les données inédites, spectaculaires et choquantes, elle a cité un document découvert par le juge d’instruction du Bureau 12 révélant que l’assassin de Belaïd a touché 300 mille dinars, soit la moitié du montant qui lui avait été promis, et il a fait des menaces, restant à déterminer, au cas il ne perçoit pas l’autre moitié de la somme. Ces dernières révélations ont été transmises par le juge d’instruction au ministère public qui a ordonné, le 20 février 2019, l’ouverture d’une enquête à l’encontre de Mustapha Khedher pour avoir caché une information à la justice concernant l’assassinat de Chokri Belaïd.
Or, ce qu’on savait, jusque-là, renchérit Imen Gzara, est qu’après la mort de Meherzia Ben Saâd mère de Ridha Sebtaoui, Kamel Gadhgadhi aurait annoncé avoir un plan tout prêt pour assassiner Chokri Belaïd qui ne disposait pas d’une protection quelconque. Or, ajoute Me Gzara, ce qui importe le plus, c’est l’identification et l’arrestation des commanditaires et des financeurs de l’assassinat. Ce qui n’a pas été fait.
L’avocate a révélé l’existence d’un document évoquant un dispositif d’entraînement sur les arts martiaux et le combat avec un scénario identique à celui appliqué dans l’assassinat de Chokri Belaïd à savoir, la conduite de la moto, le port du casque, le maniement du pistolet, la distance entre la cible et le conducteur.
D’autres révélations aussi troublantes sont contenues dans des documents judiciaires. On citera que Mustapha Khedher était au courant que le dangereux terroriste Mohamed Aouadi devait quitter le pays sous une protection sécuritaire, alors que la justice n’en était pas au courant.
Par ailleurs, selon les confirmations du juge d’instruction et après avoir écouté nombre de cadres sécuritaires, il ressort que les documents introduits, le 19 décembre 2013 au ministère de l’Intérieur l’ont été sans autorisation judiciaire, ce qui veut dire l’existence d’une infiltration flagrante des services du ministère de l’Intérieur.
Or, le 20 novembre 2018, le nouveau ministre de l’Intérieur a « trompé les députés et l’opinion publique en niant l’existence d’une chambre noire dans les locaux de son département allant jusqu’à ironiser. « Il n’y a ni chambre noire, ni de quelconque autre couleur… ». Sans oublier les dix cartons manquants et le vol de la machine servant à incinérer et détruire les documents. Pourtant, selon les PV officiels, cet outil existait bel et bien mais a été volé d’El Gorjani et jamais retrouvé. Et dire que Mustapha avait avoué, lui-même, avoir mis au point cet outil en compagnie d’Abdelaziz Daghzni, gendre du frère de Rached Ghannouchi.
Tout ceci, enchaîne Me Gzara, a conduit le Comité de défense à déposer une plainte, en date du 27 février 2019, contre le ministre actuel de l’Intérieur Hichem Fourati pour « couverture de crimes et pour avoir dissimulé des vérités, ce qui revient à dire à une complicité a posteriori ».
Autre aveu de taille, toujours selon Me Gzara. Mustapha Khedher a reconnu qu’il savait qu’Abou Iyadh se cachait à Menzel Bouzelfa et qu’au même moment dans la même localité, un homme avait été tué. Et Khedher savait l’identité de la victime, l’identité des deux tueurs et pourquoi ils ont tué
Toutes ces données se trouvent couchées noir sur blanc d’après les aveux de Mustapha Khedher. Est-ce normal que Khedher savait tout cela alors que la justice n’en savait rien, s’est interrogée Imen Gzara qui s’étonne qu’en dépit de tout ceci, aucune enquête n’a été ouverte à propos de l’appareil sécuritaire ?
Plus encore ! Un autre document judiciaire parle de l’existence de quatre sortes de cellules techniques étaient chargées de recruter et de former mille personnes pour assurer des fonctions de protections alors que 500 autres devaient être recrutés pour des missions sécuritaires tout en veillant à ce que 70 pour cent de ces recrutés le soient parmi les jeunes.
Ainsi ces cellules, selon les affirmations de Me Gzara, ont pu créer, au sein du ministère de l’Intérieur, 50 relations et 5 infiltrations, car les commanditaires de ces actions tenaient à l’émergence de services sécuritaires loyaux à la place de ceux existants qui étaient hostiles. D’où le lancement par le juge d’instruction de l’accusation de « constitution d’une bande de malfaiteurs portant atteinte à la sécurité intérieure de la Tunisie ». Mais encore une fois, le ministère public n’a pas daigné faire bouger le petit doigt.
Pour finir son récit, Imen Gzara a lancé plusieurs points d’interrogations : Mustapha Khedher a parlé de mise ou tentative de mise sur écoute le président de la République, le ministre de la Défense, plusieurs personnalités publiques, et même certains dirigeants d’Ennahdha tout en ayant des relations avec les services de renseignements italiens, le mouvement terroriste Al Nosra, les frères musulmans d’Egypte, etc.
Et de conclure qu’il est complètement faux de prétendre que le Comité de défense tient à mettre le parti Ennahdha au banc des accusée, mais elle assure que le Comité accuse Rached Ghannouchi, Abdelaziz Daghzni, Ridha Barouni, Mustapha Khedher et bien d’autres noms qui seront désignés à temps.
Ainsi, en présence de toute cette quantité de données judiciaires et concrètes, puisque contenues dans procès-verbaux établis par le juge d’instruction et adressés au ministère public, les dirigeants d’Ennahdha, à l’instar d’Abdelkrim Harouni et Ali Laârayedh, continuent à nier en bloc l’existence de l’appareil sécuritaire.
De son côté, le ministère public, le ministre de la Justice et le chef du gouvernement continuent à observer un black-out total alors qu’ils ont le devoir d’informer l’opinion publique de tous les détails de ce dossier représentant, d’après le juge d’instruction du Bureau 12, une menace pour la sécurité intérieure de la Tunisie.
En tout état de cause, l’affaire semble avoir bougé, enfin, en attendant, probablement et sûrement, de nouvelles révélations et d’autres vérités qui vont éclater de sitôt et qui feraient tomber des têtes.
Noureddine HLAOUI