Chaque point de presse tenu par le Comité de défense dans l’affaire de l’assassinat des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi apporte un petit lot de nouveautés et fait dévoiler des faits allant dans le sens de l’implication d’Ansar el-chariâa d’Abou Iyadh, d’Abou Bakr Al Hakim et, surtout, de l’appareil sécuritaire secret présumé dépendant d’Ennahdha ou du moins obéissant aux ordres de certains de ses « barons ».
Qu’on en juge par les dernières révélations faites lors de la conférence de presse tenue, samedi 2 mars 2019 à Mahdia, et qui font partie des données découvertes, selon le Comité, par le juge d’instruction lors de ses investigations dans les documents trouvés dans « la chambre noire » et dont il a informé officiellement le ministère public. Autrement dit, il s’agit, désormais de vérités judiciaires. Ces données consistent en ces points suivants :
– Mustapha Khedher était au courant de la cachette où se trouvait Abou Iyadh à Menzel Bouzelfa et connaissait la personne chez qui il se cachait
– Un meurtre a été commis à Menzel Bouzelfa en relation avec la présence d’Abou Iyadh et sa mise en fuite.
– L’assassin de Chokri Belaïd a reçu la somme de 300 mille dinars et il menaçait de tout déballer s’il n’obtenait pas le reste du montant convenu.
– Le juge d’instruction du Bureau 12 s’est assuré de l’existence de l’appareil secret et il en a informé le ministère public de l’existence d’un crime d’agression contre la sûreté intérieur du pays.
– Lancement de six accusations à l’encontre d’Abdelaziz Daghzni, proche parent de Rached Ghannouchi en relation avec l’appareil pour l’incinération des documents
– Le juge d’instruction a informé le ministère public que les documents dont il a pris connaissance étaient volés du ministère de l’Intérieur
– La seule mesure prise jusqu’à présent par le ministère public, c’est-à-dire le Procureur de la République, Béchir Akremi, est la réouverture du dossier de l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd et le lance de l’accusation à l’encontre de Mustapha Khedher en tant que complice dans son assassinat.
Il s’agit, certes, d’un pas important, mais ce même ministère public ne devrait pas négliger ce qu’a dit le juge d’instruction concernant l’existence d’un appareil sécuritaire secret menaçant la sûreté nationale. Autrement dit, l’appareil secret est devenu une réalité judiciaire.
– Ameur Belaâzi, qui a reconnue avoir jeté à la mer les deux pistolets ayant servi aux deux assassinats, n’a jamais été interrogé. Plus encore, aucune accusation ne lui a été adressée !
D’après toutes ces données et cette évolution, on constate, que le dossier a fini par bouger malgré les premiers blocages de la part du ministère public tels que mentionnés par le Comité de défense, et ce grâce au courage, au professionnalisme et l’honnêteté du juge d’instruction du Bureau n° 12 et à qui le Comité de défense a tenu à rendre hommage.
Il est regrettable de constater que le ministère public avance au compte-gouttes en s’abstenant, jusqu’à présent, d’ordonner l’ouverture d’une enquête judiciaire en bonne et due forme à propos de l’appareil sécuritaire.
Sans vouloir interférer dans le traitement des affaires par la justice, mais dans le cas d’espèce, il s’agit d’une décision administrative qui concerne le parquet, lequel dépend du ministre de la Justice qui est, à son tour, sous la tutelle du chef du gouvernement.
Or, le patron de la Kasbah, bien qu’il ait promis lors de sa première déclaration en 2016 en prenant ses fonctions en tant que chef du gouvernement, que la découverte de la vérité sur l’affaire des assassinats des deux martyrs, il demeure muet depuis les révélations faites par les membres du Comité de défense. Il n’évoque plus le dossier en question, ni encore moins celui de l’appareil sécuritaire.
Et dire que le premier point qui lui avait attiré la sympathie des Tunisiens est sa fameuse phrase empruntée à feu Chokri Belaïd en lançant un appel à tous pour « se mettre debout pour la Tunisie ».
Pour sa part, le Conseil de sécurité nationale, sous tutelle du président de la République, observe le silence après avoir suscité tous les espoirs en prenant, solennellement, ces affaires en mains. Pourquoi ce mutisme ?
De même, on reproche au Comité de défense de ne pas dire tout ce qu’il sait sous prétexte qu’il y a des secrets inhérents au dossier, encore en cours d’instruction judiciaire. Mais l’affaire n’est pas ordinaire et touche à la sécurité nationale. Alors ?!…
En tout état de cause, il est surprenant que le procureur de la République se taise malgré la gravité des accusations trop directes lancées par les membres du Comité de défense contre lui. Ce qui, logiquement, laissait entendre deux alternatives : Ou bien lesdites accusations sont fausses et il doit porter plainte contre eux comme ils le lui réclament, d’ailleurs, ou alors ces accusations sont exactes, ce qui explique son silence…
Il est impératif et urgent d’élucider ces mystères et les multiples zones d’ombre dans ce dossier tout en se limitant à l’aspect purement juridique. Car les Tunisiens, tiennent, plus que jamais, à connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur les deux assassinats.
Noureddine HLAOUI