par Noureddine HLAOUI
Encore une fois, le chef du gouvernement, Youssef Chahed recourt à la pratique du limogeage « brutal ». En effet, après le scandale de l’association « Ibn Omar » qui exploite une école coranique à Regueb du gouvernorat de Sidi Bouzid, les révélations se sont succédé à un rythme effréné faisant état d’aberrations et de pratiques moyenâgeuses
Au lieu de prendre des mesures et décisions claires, fermes et transparentes sur le fond du problème pour démontrer la volonté politique de combattre le fléau des associations aux activités douteuses et financements suspects, le chef du gouvernement a annoncé le limogeage du gouverneur de Sidi Bouzid et du délégué de Regueb.
Cette décision aurait été la bienvenue, voire applaudie, si elle était accompagnée d’une communication officielle et claire quant aux éventuelles défaillances constatées au niveau de ces deux responsables. Mais rien de tout cela n’a été annoncé, ce qui confère à ce limogeage l’allure du recours éternel et habituel à l’approche du « bouc-émissaire » et du tape-à-l’œil en vue de donner l’impression que le pouvoir est en train de sévir.
Et d’après certaines données, le gouverneur limogé, Anis Dhifallah, aurait adressé des rapports sur l’illégalité de cet espace à Regueb, qui aurait été fermé plus d’une fois avant d’être rouvert sur pression de certaines parties locales ayant des appartenances à des partis politiques. Et même si le gouverneur assume une part de responsabilité, le tort incombe, aussi et surtout, à l’administration centrale qui, en aucun, ne pouvait ne pas être au courant de cette situation
Or, maintenant qu’on sait que ce genre d’école moyenâgeuse existe un peu partout dans la majorité des gouvernorats du pays, assistera-t-on, en suivant cette logique, au limogeage de tous les gouverneurs du pays ? A commencer par ceux de Ben Arous, Monastir et Médenine… Ou bien suivra-t-on la politique des deux mesures selon la « couleur » du gouverneur ?
Il faut dire que le nombre de limogeages a atteint un record en l’espace de deux ans et demi de « règne » de Youssef Chahed. Qu’on en juge : le ministre des Affaires religieuses, Abdeljelil Ben Salem qui, à peine deux mois après la formation du premier cabinet de Chahed, a été limogé en début du mois de septembre 2016. Seule explication officielle : « non-respect des règles de travail gouvernemental et déclarations qui portent atteinte aux principes de la diplomatie tunisienne». Et d’un…
Fin février 2017, c’est Abid Briki Qui a été limogé pour avoir annoncé son intention de démissionner. Ce qui avait fait dire aux observateurs ; » Avec Chahed, on ne démissionne pas, on est limogé ». Mais voici les explications du chef du gouvernement : «“J’ai limogé le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, car il a dérogé aux coutumes et usages en vigueur. Si nous voulons restaurer le prestige de l’Etat, il semble judicieux de jeter les fondements d’une bonne communication gouvernementale. Cette décision ne représente aucunement une offense à la personne d’Abid Briki. L’Etat est au-dessus des personnes”. Et de deux…
L’ancienne ministre des Finances, Lamia Zribi, a été limogée de son poste, le 30 avril 2017, par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, sur fond de polémique sur la dépréciation du dinar. Et de trois…
Le même jour, Néji Jellou, ancien ministre de l’Education a été limogé en tant que « bouc-émissaire » pour satisfaire les exigences de Lassâad Yaâcoubi. Et de quatre…
Le 18 août 2017, c’est au tour du ministre Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale et ministre des Finances par intérim, Fadhel Abdelkefi, d’être poussé à présenter sa démission. Et tout indiquait qu’il y a été contraint suite à l’affaire « manigancée » concernant une vieille « affaire-bidon » selon les experts financiers, sachant qu’il avait été blanchi quelque temps après. Et de cinq…
Certains sont allés jusqu’à dire qu’il a payé les frais de sa montée en flèche dans les sondages comme étant premier-ministrable…
Le 6 juin 2018, c’est au tout du tout puissant ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem d’être limogé sous prétexte qu’il était responsable du naufrage de l’embarcation de migrants clandestins à Kerkennah. Là aussi, l’étoile de Brahem montait et les bruits couraient qu’il pouvait constituer un éventuel successeur de Chahed dont le bras de fer avec le président de la République était déjà visible. Et de six…
Le 31 août 2018, Chahed limoge, d’un trait le ministre de l’Energie, des mines et des énergies renouvelables, Khaled Ben Kaddour et son Secrétaire d’Etat Hachem Hmidi. Dans la même foulée, il congédie trois directeurs généraux et supprime même le département ministériel en question obéir aux règles d’usage imposées par la Constitution.
Là aussi et selon les dires du secrétaire général de l’UGTT, le nom d’Anouar Ben Kaddour était avancé en tant pour remplacer Youssef Chahed à La Kasbah. Or, le chef du gouvernement, qui devait légalement et impérativement, des explications et des justifications convaincantes à cette décisions, avait promis de les présentent devant en prenant à témoins les représentants des médias avant son voyage en Chine. Plus de cinq mois, les Tunisiens attendent encore et toujours…Et de sept…
Avec près de huit membres du gouvernement, limogés ou «démissionnés », Youssef Chahed passe pour être le champion en la matière.
Apparemment, ce n’est pas fini puisqu’on parle d’une certaine tension régnant, ces jours-ci, entre lui et le ministre de l’Intérieur, Hichem Fourati.
A qui le tour suivant ? La liste s’arrêterait ici dans le sens où on parle d’une éventuelle démission, cette fois-ci, de Youssef Chahed, d’ici la fin du mois de décembre 2019, afin qu’il se consacre à son projet politique surtout que les critiques fusent de toutes parts quant à l’obligation, du moins, morale pour qu’il quitte La Kasbah, car éthiquement parlant, on ne peut diriger les affaires de l’Etat et chapeauter la phase finale de la constitution se son parti…