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La faute aux gens grisés par le pouvoir. Les « Go Djo » n’ont pas retenu la leçon de la défaite relative d’Ennahdha en 2014
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Usant de tous les moyens pour conquérir Carthage, Le Bardo et La Kasbah, Chahed a oublié sa véritable dimension et qu’il n’est là que par la grâce du défunt BCE
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La famille centriste doit créer un choc psychologique pour espérer un sursaut salvateur
On n’a pas encore digéré le « tsunami » politique engendré par les résultats du 1er tout de l’élection présidentielle anticipée, le 15 septembre 2019, que le pays s’est retrouvé devant l’inconnu.
Pour ce qui est du « tsunami », il faut reconnaître que l’on s’y attendait, plus ou moins, mais pas avec l’ampleur dont il l’a été dans la réalité. On invoquera longtemps la dispersion de la famille centriste, moderniste et progressiste, mais il y a bien autre chose de plus profond.
On se rappelle, tous qu’Ennahdha avait effectué un véritable putsch institutionnel, puisqu’il n’y avait pas de constitution, contre le décret d’août 2011. En effet, ledit décret aurait dû être obligatoirement appliqué dans sa globalité : à savoir l’élection d’une Assemblée nationale constituante chargée d’élaborer une nouvelle constitution et mettre en place les instances constitutionnelles tout en se chargeant d’organiser de nouvelles élections démocratiques et définitives, et ce dans un délai maximum d’un AN.
Autrement dit, les élections de 2011 n’étaient pas destinées à aboutir à des mécanismes classiques et définitifs pour gouverner, mais plutôt à une Constituante et un gouvernement transitoire de gestion des affaires courantes.
Or, c’est plutôt à une situation contraire qu’on avait aboutie. Et pour commencer, l’ANC s’est autoproclamée souveraine en votant, illégalement et arbitrairement, la prolongation de son mandat pour une durée indéterminée. Et personne ne pouvait contester. Le parti islamiste d’Ennahdha, avec ses 99 élus, associé au CPR de Moncef Marzouki, sous l’hypnose d’être le maître de Carthage, avait sa petite idée : rester le plus longtemps possible au pouvoir pour y organiser son maintien le plus longtemps possible sous le régime futur et définitif.
Rafik Abdessalem n’hésitait pas à dire publiquement que le parti du Cheikh Ghannouchi est parti pour gouverner 25 ans et plus. Mais c’était compter sans Béji Caïd Essebsi qui, en fondant Nidaa Tounès et en réussissant à rassembles toutes les forces démocratique et progressistes, a renversé la vapeur et abouti en l’espace de deux ans à prendre le pouvoir par les urnes et devenir le premier président de la République élu directement par le peuple.
Après 2014 et après un an et demi de gestion assurée par Habib Essid en tant que chef du gouvernement, une étoile est montée du néant. Parfaitement inconnu dans les hautes sphères politiques, Youssef Chahed a été récompensé par BCE pour avoir présidé la fameuse Commission dite des Treize et intronisé Hafedh Caïd Essebsi en tant que numéro Un de Nidaa.
Ainsi, de simple secrétaire d’Etat anonyme, Youssef Chahed a été propulsé comme le patron de La Kasbah. Grisé par le pouvoir, il a été convaincu par un entourage « vorace », qu’il était, en réalité, plus fort que BCE, son bienfaiteur et que, constitutionnellement parlant, il avait pratiquement la totalité des vrais pouvoirs de l’exécutif.
Qu’à cela ne tienne ! Tournant le dos à HCE en faisant de la rivalité avec lui un vrai fonds de commerce et en effectuant quelques arrestations parmi les barons de la contrebande, dont la plus spectaculaire est celle de Chafik Jerraya, il a réussi à se faire la réputation de « champion de la guerre contre la corruption ».
Mais ce ne fut que feu de paille, puisqu’avec le temps, il s’est avéré qu’il n’en est rien dans le sens où tous lesdits « barons » ont été libérés voire carrément innocentés, à part Jerraya, sans parler des personnes ayant moisi sans procès, plusieurs mois durant, sous les verrous avant de les relâcher sans la moindre réhabilitation ou même une simple excuse…
Le chef du gouvernement, sans retenir la leçon de l’échec relatif d’Ennahdha en 2014, a eu l’idée géniale, encouragé par son armada de conseillers, de créer un nouveau parti avec les mêmes députés de Nidaa et des membres du gouvernement, croyant, ainsi, dominer la prochaine Assemblée des représentants du peuple et se présenter en sauveur de la Tunisie pour conquérir le Palais de Carthage.
Mais encore une fois, les gens au pouvoir se sont trompés et ils ont été sévèrement punis par les urnes. Le hic, c’est que les partisans de Chahed, surnommés les « Go Djo » se sont trompés littéralement trompés parce qu’ils ont cru que YC était un vrai leader alors qu’il n’en avait pas la trempe puisque n’eût été la maladresse de BCE qui l’a propulsé à La Kasbah, il aurait été encore dans l’anonymat.
Il n’avait même pas mis la main à la pâte pour la création du parti de Tahya Tounès. On se rappelle, que les Sahbi Ben Fraj, Leïla Chettaoui, Walid Jalled, puis Karim Helali, Marouène Felfel, Hajer Ben Cheikh Ahmed se relayaient sur les plateaux radiotélévisés qui tentaient de cacher une vérité de la Palice : Tahya Tounès était créé sur mesure pour Chahed et pour garder la totalité du pouvoir.
Aveuglés par le pouvoir, les « Go Djo » n’ont pas réalisé que le candidat Abdelkrim Zbidi, était mieux placé et mieux considéré par les Tunisiens que leur patron. Monté par un élan spontané, il s’est imposé, par ses qualités d’homme droit, compétent, patriote, intègre et indépendant, comme étant le favori du clan centriste et démocrate.
Au lieu de se rendre à l’évidence, les « Go Djo », et dès le jour de l’annonce de la candidature et, surtout, le jour du dépôt de cette candidature de M. Zbidi à l’ISIE, se sont rués dans une campagne de dénigrement gratuite basée sur des fake news et sur des ragots quant à la vie privée du ministre de la Défense, plus précisément, l’épisode de la mort de son fils qui date de près de ….18 ans ! Lamentable…
Et au lieu de se désister en faveur de M. Zbidi, il s’est mis à lui chercher la petite bête et à dire qu’après tout, il était son patron, ce qui n’est pas tout à fait vrai, le vrai supérieur hiérarchique du ministre de la Défense étant le président de la République.
Résultat : Les deux candidats ne sont pas passés au second tour sachant que Chahed a été devancé et battu par « son » ministre de trois points entiers.
Qu’à cela ne tienne ! A peine cinq jours après ce fameux 15 septembre, le chef du gouvernement a pris 50 minutes d’antenne sur Mosaïque Fm et juste le lendemain du passage du secrétaire général de son parti pour réitérer la même rengaine, à savoir qu’il a été la victime des machines qui lui mettaient les bâtons dans les roues et le diabolisaient.
Et au lieu de dire qu’il se rallie au courant et à l’élan générés par Abdelkrim Zbidi, qui a fait de loin, mieux que lui à la présidentielle, Youssef Chahed trouve le moyen de lancer un appel au candidat qu’il a qualifié du terme péjoratif de « parachuté » de s’associer à lui ainsi que d’autres partis, dont Al Badil de Mehdi Jomaâ, qu’il a, également, traité avec mépris et dédain.
Apparemment, Youssef Chahed poursuit sa fuite en avant croyant, à tort, qu’il est le chef des forces démocratiques alors qu’il en est, selon les analystes, le destructeur. Il oublie que tant qu’il persiste à se présenter en tant que chef de file de cette famille centriste, cette dernière sera sanctionnée
Imbu d’une certaine prétention qu’il est politiquement supérieur aux autres, Y.C. n’arrive pas à voir la réalité en face. Une réalité qui exige de lui la reconnaissance de sa responsabilité personnelle danx cette défaite cuisante, d’où la nécessité de s’éclipser et de laisser la place aux autres qui pourraient créer le choc et donner une impulsion nouvelle à cette famille centriste et moderniste appelée à se concentrer sur un seul rival. Celui qui veut faire retourner le pays à l’anarchie et à des temps moyenâgeux.
Le salut ne peut venir que lorsque chacun cesse d’avoir cette folie des grandeurs et retrouve et l’esprit modeste et la mentalité de patriote qui fait passer, vraiment, l’intérêt suprême de la patrie avant celui des partis et des personnes.
En tout état de cause, des voix s’élèvent, d’ores et déjà, pour faire raisonner le chef du gouvernement afin de mesurer l’ampleur des dégâts qu’il a causés à cette famille démocratique et de retourner à la raison consistant à quitter la scène et se préparer à d’autres étapes d’avenir, l’urgence du moment nécessitant la création du choc psychologique et l’entreprise d’une stratégie gagnante. Il y va de l’avenir immédiat de la jeune démocratie en Tunisie. A bon entendeur, salut !
Noureddine HLAOUI