-
Quand Saïed lave le linge sale avec le gouvernement en pleine réunion du Conseil de sécurité nationale
-
En 2018, Saïed disait en substance : « Chahed n’était pas tenu de se concerter avec Essebsi à propos du remaniement ministériel…».
-
Saïed accuse certains, sans preuves, d’avoir saboté son projet de résolution à l’ONU et ses efforts de recouvrer les avoirs à l’étranger
Fidèle à son approche, le chef de l’Etat a créé la confusion en présidant, hier lundi 25 janvier 2021, la réunion du Conseil de sécurité nationale qui se serait terminée en queue de poisson pour plusieurs raisons.
D’abord pour une histoire de vice de forme à cause de la présence injustifiée de personnes ne faisant pas partie de la composition dudit Conseil.
On citera, notamment, les Samia Abbou, simple députée et membre du bloc Attayar, nombre de ministres partants et la cheffe du cabinet présidentiel, qui n’est pas à sa première participation de ce genre.
D’ailleurs, de source fiable, on sait que Samia Abbou a eu, au cours de la semaine passée, un certain nombre d’entretiens avec la chef de cabinet présidentiel sans oublier qu’elle a été reçue en audience par Kaïs Saïed en personne au palais de Carthage.
On nous rétorquera que les règlements stipulent que le président de la République peut inviter une ou plusieurs personnes à la réunion du Conseil de sécurité nationale s’il juge nécessaire sa présence pour contribuer à l’enrichissement des discussions des thèmes inscrits à l’ordre du jour de la réunion.
Parlons-en de cet ordre du jour. Consacrée, théoriquement et officiellement, à l’examen de la situation sanitaire suite à la pandémie du Coronavirus, cette réunion n’a ni examiné la situation, ni pris des décisions que tous les Tunisiens attendaient avec impatience.
Pourtant, au début de son discours, Saïed a bien mentionné le volet sanitaire préoccupant avant d’enchaîner que la situation politique est aussi préoccupante. Et c’est parti pour une longue tirade de 26 minutes réservée, plus précisément, au remaniement ministériel effectué par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et qui doit être soumis, aujourd’hui, au vote de confiance au Palais du Bardo.
Kaïs Saïed, informé de la teneur du remaniement par le chef du gouvernement en personne, avant de l’adresser à l’ARP, s’est plaint de ne pas en avoir été mis au courant, ce qui est, selon lui, illégal
Bon à rappeler à M. Saïed, à ce propos, que lors du clivage entre Youssef Chahed et feu Béji Caïd Essebsi, à propos di remaniement en 2018, il avait affirmé, le 11 novembre 2018 dans une déclaration à « Hakaekonline », que « Chahed n’était pas tenu de se concerter avec Essebsi à propos du remaniement ministériel et que l’article 144 du règlement intérieur de l’ARP est contraire à la Constitution ».
Alors, ou bien le chef de l’Etat a la mémoire courte, ou bien il fait les déclarations à la légère, ou encore il est de mauvaise foi en changeant d’avis comme il change de chemise selon que cela l’arrange ou non.
Le chef de l’Etat a laissé insinuer, que même en cas d’obtention de la confiance du Parlement, certains des nouveaux ministres proposés ne seraient pas autorisés à prêter serment devant lui parce qu’ils font l’objet de plaintes devant les tribunaux ou même parce qu’ils sont accusés de présumés soupçons de corruption ou de conflit d’intérêts.
Mais il n’y a pas que cela. Kaïs Saïed a accusé certaines parties, sans prononcer le mot, de « traitrise » dans le sens où elles ont essayé de saboter le projet de résolution tunisien soumis au Conseil de sécurité de l’ONU
Sur ce point précis, les milieux proches de l’ancien représentant permanent de la Tunisie auprès de l’ONU, Kaïs Kabtni, assurent qu’il n’y a eu aucune manœuvre de quiconque dans ce sens, mais c’est Washington qui, pour des raisons de haute stratégie américaine en relation avec le conflit l’opposant à la Chine, avant de l’accepter après des amendements apportés au projet grâce à une entente et des affinités personnelles entre l’ambassadeur tunisien et son homologue américaine.
Sur un autre point, le chef de l’Etat a accusé le gouvernement d’avoir entravé les démarches pour la récupération des avoirs tunisiens à l’étranger, notamment en Suisse, dans le sens où selon ses dires, il a refusé de charger les avocats volontaire de défendre le dossier tunisien.
Or, là aussi, il faut rappeler que ce dossier date de …10 ans et que, logiquement, c’est au président de la République de s’acquitter de cette tâche en émettant les ordres aux avocats pour entreprendre cette mission, sachant qu’on n’a entendu ce pseudo-forcing de sa part, qu’il y a juste quelques jours, plus précisément lorsqu’on a su que les délais étaient sur le point d’expirer.
Il n’en demeure pas moins que le chef de l’Etat a raison lorsqu’il évoque les présumés soupçons de corruption inadmissibles à propos de certains membres concernés par le remaniement et qui semblent bien avérés même si les concernés n’ont pas eu encore maille avec la justice.
En tout état de cause, et même s’il a dit des choses sensées sur le fond, la sortie de Kaïs Saïed est qualifiée de déplacée en ces moments, à savoir la veille de la plénière de l’ARP consacrée au vote de confiance et la tension extrême régnant déjà à travers le pays avec de sérieux risques de déflagration aux conséquences imprévisibles surtout si l’on sait que certains des groupes contestataires sont mis sur le compte, à tort ou à raison, de Kaïs Saïed.
De toutes les façons, l’image affichée, hier au Conseil de sécurité nationale était de piètre qualité et triste à voir, surtout que ce qu’a dit Saïed, n’a rien à voir avec la sécurité nationale. Franchement, il n’avait pas besoin de toute cette mise en scène pour parler du remaniement ministériel qu’il aurait pu aborder dans le cadre d’une simple allocution, car on est certain que les chefs d’état-major des armées ne voulaient sûrement pas entendre les frasques et la littérature du chef de l’Etat et encore moins le lavage du « linge sale » entre les deux têtes du pouvoir exécutif.
Noureddine HLAOUI