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Rien ne garantit le non-recours, les prochaines années, à la BCT pour financer le Trésor public devant la suspension des négociations avec le FMI
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Appel à la rationalisation des dépenses courantes mais sans toucher à celles dédiées à l’investissement, pour éviter le pire
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Il est plus qu’urgent de réformer la subvention et de travailler sur l’évasion fiscale notamment la fraude à la TVA
TUNIS – UNIVERSNEWS (INTERVIEW) – Le docteur en sciences économiques, enseignant-chercheur à l’Université de Carthage, Aram Belhadj a mis en garde, dans une interview accordée à Universnews, contre l’utilisation de l’audit général en cours sur les intégrations et les recrutements des agents publics en Tunisie, pour des raisons purement politiques. « C’est vrai que le nombre des fonctionnaires détenant des diplômes universitaires falsifiés est très important et dépasse les 100 mille et que plusieurs autres agents publics ont été intégrés sans qu’ils aient les compétences requises, mais cela doit être dissocié de tout aspect politique», a affirmé Aram, appelant à inscrire cet audit dans une stratégie globale de réforme de la Fonction publique.
Le recours à la BCT…une solution de dernier recours
Aram Belhadj a d’autre part, affiché des craintes du risque de voir la Tunisie avoir recours encore une fois à la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour couvrir son déficit budgétaire : «Rien ne garantit le non-recours, les prochaines années, à la BCT pour financer le Trésor public devant la suspension des négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) et les obstacles majeurs à la mobilisation de ressources extérieures».
Il a en outre indiqué que le recours à la BCT est une solution de dernier recours, faisant remarquer à ce propos que tant que la situation ne s’est pas améliorée et qu’on va rester dans les solutions prothétiques : « Bien que le tourisme en Tunisie ait enregistré un net rebond et que les transferts des Tunisiens à l’étranger ont atteint des chiffres records, la situation n’a pas évolué par rapport aux années dernières, mais au moins ces deux secteurs ont contribué à la stabilisation de la situation», a-t-il assuré.
Belhaj a, dans le même contexte, souligné que l’économie tunisienne ne peut pas fonctionner de cette façon, appelant ainsi à mettre en œuvre et engager les réformes afin de pouvoir atteindre des niveaux acceptables et de créer une nouvelle dynamique sinon, nous risquons, dans l’état actuel, de nous retrouver dans des situations similaires à 2024 et de recourir de nouveau à la banque centrale pour financer le gap, selon ses dires.
Rationaliser les dépenses mais pas celles de l’investissement
Pour éviter le pire, Belhaj a appelé à la rationalisation des dépenses courantes mais sans toucher à celles dédiées à l’investissement. Selon lui, il est plus qu’une urgence de réformer la subvention et travailler sur l’évasion fiscale notamment la fraude à la TVA. Cela permettra d’améliorer les ressources et renflouer les caisses de l’Etat, selon ses propos.
Il a également appelé à entamer la réforme des entreprises publiques et à accélérer la réforme fiscale notamment des régimes réel et forfaitaire. Selon lui, il n’y a aucune raison de retarder encore leur mise en œuvre.
Outre la réforme fiscale, Aram Belhaj a estimé qu’il y a un grand travail qui doit être fait au niveau des circuits de distribution et les capacités du stockage afin de pouvoir maitriser l’inflation et relancer la croissance. « Ce sont des mesures d’urgence économiques qui ont un effet immédiat et qui contribuent à redynamiser la croissance et minimiser les impacts négatifs de la crise.
Interrogé sur les raisons ayant retardé la mise en place des réformes, Aram Belhaj a évoqué deux raisons : la première porte sur la volonté politique alors que la deuxième concerne le processus de réforme : «Cela demande une technique et une intelligence et cela n’est pas donné à tout le monde», a-t-il dit.
Et d’ajouter qu’il y a toujours des parties qui veulent réformer mais qui ne savent pas comment et d’où ils doivent commencer : «C’est l’économie politique», a-t-il soutenu.