TUNIS – UNIVERSNEWS – En seulement une centaine de pages, le roman de Yamen Manaï porte en lui des morales et des leçons qui en valent la peine d’être transcrites, conformément au célèbre dicton « Il n’y a que les écrits qui restent ». L’auteur franco-tunisien à succès s’exprime à propos du malaise qui hante son esprit, dix ans après la révolution.
L’auteur nous montre à quoi ressemble la vie d’un ado de 15 ans à Tunis et avoir des idéaux, ne pas avoir basculé dans les compromis et les compromissions. Le protagoniste de Bel abîme a commis plusieurs crimes par amour. Il n’a pas de prénom, juste un garçon qui représente toute cette jeunesse tunisienne brimée qui s’est soulevée contre un système totalitariste, à qui la révolution n’a pas apporté l’avenir attendu. C’est cette même jeunesse qui subit la violence des adultes qui n’ont pas tiré les conclusions des années de despotisme.
Publié pour la première fois en septembre 2021 aux éditions Elyzad, le roman réalise un an après sa parution le succès escompté. En effet, « Bel Abîme » est vainqueur du prix Algue d’or. Il est aussi lauréat du Prix Orange du Livre en Afrique 2022. D’ailleurs, Yamen Manaï recevra une dotation de 10 000 euros et bénéficiera d’une campagne de promotion de son ouvrage. Les cinq autres finalistes étaient : Destin Akpo (Bénin), Colorant Félix, éditions Savanes du continent, Bénin.
Prônant la compagnie des chiens sur celle des humains, le jeune garçon doté d’un langage cru, avec une teinte humoristique qui apaise la tension assez sombre autour de laquelle gravite l’intrigue. Ce rabaissement diastasique rompt catégoriquement avec la littérature classique dans la finalité de mettre en évidence une nouvelle manière de s’exprimer, celle qui ressemble le plus à la réalité des jeunes tunisiens aujourd’hui.
Perdu, révolté et excédé de l’état du pays, c’est face à la crise économique, sociale et politique que l’adolescent devient le parfait archétype du peuple tunisien, de toute personne lambda, avec ses rires, ses rêves, ses ambitions et sa colère. Nous, lecteurs, apprenons à connaître le héros grâce à deux interlocuteurs auxquels il s’adresse: un avocat, Maître Balouche et un psychiatre, le docteur Latrache, venus lui rendre visite en prison.
Après La Marche de l’Incertitude et l’Amas Ardent, Yamen Manaï revient pour décrire la Tunisie. En choisissant la langue française comme moyen d’expression, « Bel Abîme » est un long râle de douleur et de colère, poignant et caverneux qui laisse le narrateur et/ou personnage revivre la rage aux tripes, du fond de sa cellule qui incite les Tunisiens et même les étrangers à repenser les relations humaines pour dire : Ne sommes-nous pas tous pas dans une vaste cellule finalement? Une cellule que nous appelons patrie?. C’est ainsi que l’ouvrage acquiert une empreinte universelle…
G.K.