- L’Aleca, « bouc-émissaire » en cette période électorale
- « La Tunisie est, par habitant, le pays au monde le plus soutenu par les Européens »
L’ambassadeur de l’Union européenne à Tunis, Patrice Bergamini a accordé une interview au journal «Le Monde», éditée dans sa livraison du 9 juillet 2019. Une interview où il évoque les projets de l’UE en Tunisie, les difficultés économiques que traverse le pays, la question fort controversée de l’Aleca sans oublier la situation géopolitique dans la région.
Prié de donner son avis sur le morcellement «inquiétant» du paysage politique et partisan, Bergamini a affirmé qu’il est « plus inquiet du refus du système d’évoluer économiquement. Quel que soit le résultat des élections, il va falloir qu’en 2020 quelqu’un soit vraiment en charge à la Kasbah, fixe des priorités stratégiques et économiques claires, et dispose, pour les mettre en œuvre, d’une majorité stable et solide. Cela n’a malheureusement pas été le cas ces trois dernières années, ce qui explique que la Tunisie est aujourd’hui moins équipée socialement et économiquement qu’elle devrait l’être pour se protéger des turbulences en Libye ou demain peut-être en Algérie…
Et d’ajouter qu’en 2020, les vainqueurs des élections « seront placés face à un choix : soit ils comprennent qu’il faut faire évoluer un modèle économique faisant la part trop belle aux positions monopolistiques, soit ils ne le comprennent pas et dans ce dernier cas, oui, il y aura une inquiétude… ».
Pour l’ambassadeur de l’UE, l’argent que l’Europe met sur la table pour la Tunisie est énorme, à savoir 300 millions d’euros par an durant les 3 dernières années, et ce sous formes de dons ou de coopérations… «La Tunisie est, par habitant, le pays au monde le plus soutenu par les Européens», affirme-t-il en substance.
Abordant la question controversée de l’Aleca, Patrice Bergamini estime, qu’en cette phase de campagne électorale, cette affaire fait facilement office de bouc-émissaire. On crie au loup, au libre-échange, au néocolonialisme. Il s’agit d’un accord malheureusement mal nommé. Plutôt que de libre-échange, il faudrait parler d’accord d’arrimage économique, d’intégration économique. L’objectif est d’aider au soutien de la croissance, au développement de l’emploi, à la mise à niveau de l’économie tunisienne. Le concept de l’Aleca est très attaqué, mais sur des arguments infondés, mal renseignés ou de mauvaise foi…
Dans le même ordre d’idée, l’ambassadeur européen n’y va pas par quatre chemins en précisant que la résistance à l’Aleca vient surtout de ces positions monopolistiques. «Le meilleur exemple que j’ai vécu ici, c’est sur l’huile d’olive».
Plus explicite, encore, il assure qu’en 2018, la «Commission européenne a décidé d’octroyer un quota additionnel de 30 000 tonnes d’huile d’olive, en bouteille, conditionnée sans recevoir de réponse tunisienne formelle… La vraie raison tient sans doute à ce que des grossistes, dont certains sont des spéculateurs, ne voient pas d’un bon œil ce soutien européen, susceptible de favoriser l’émergence de nouveaux opérateurs tunisiens se lançant dans l’huile d’olive conditionnée made in Tunisia…».