- Un remaniement gouvernemental sans l’aval de la présidence de la République est illégal
Le président de la République Béji Caïd Essebsi a invité la classe politique à éviter la discorde politique et idéologique et à trouver un terrain d’entente pour résoudre « les vrais problèmes du pays ».
« La classe politique doit faire preuve de responsabilité », a lancé le chef de l’Etat lors d’une cérémonie organisée, aujourd’hui mercredi 20 mars 2019 au palais de Carthage à l’occasion de la célébration du 63ème anniversaire de la fête de l’Indépendance.
Caïd Essebsi a fait savoir que la Tunisie a vécu des différends politiques au cours de la période de libres négociations avec la France pour décrocher son indépendance. « Ces différends, a-t-il ajouté ont été vite surmontés à la faveur de la formation du premier gouvernement d’unité nationale après la signature du protocole d’accord de l’indépendance, l’installation de l’Assemblée nationale constituante et les institutions de l’Etat ».
Par ailleurs, le Chef de l’Etat a critiqué le rendement du gouvernement particulièrement en ce qui concerne le bilan « négatif » enregistré ces trois dernières années, citant à ce propos, l’augmentation de la dette publique, la hausse de l’inflation et l’aggravation du déficit commercial.
Pour lui, plusieurs solutions sont possibles en cas de changement des politiques de l’Etat en matière de valorisation des ressources naturelles.
« L’Etat devrait compter sur ses ressources naturelles au lieu de compter sur l’endettement extérieur », a-t-il plaidé.
Sur un autre registre, le président de la République a invité le chef du gouvernement Youssef Chahed à mettre fin au différend entre les deux têtes de l’exécutif, affirmant avoir pris des positions contre la politique du gouvernement en sa qualité de président de la République.
« Le désaccord politique ne sert pas l’intérêt de la Tunisie, mais complique davantage la situation », a-t-il poursuivi, réaffirmant que la question de candidature au scrutin présidentiel n’est pas importante face aux défis qui se dressent devant le pays.
Sur un autre plan Caïd Essebsi a plaidé pour la révision de la Constitution pour résoudre les problèmes, affirmant disposer d’un projet d’amendement de la Constitution.
La Tunisie restera un Etat à caractère civil
D’autre part, le président de la République a affirmé que la Tunisie restera un Etat à caractère civil tel que stipulé clairement dans l’article Deux de la Constitution », a-t-il dit.
« Il peut y avoir des avis différents sur l’interprétation de certains articles, mais d’autres sont clairs et ne peuvent être sujet à interprétation ou subir un amendement », a-t-il soutenu.
Caïd Essebsi a expliqué que « les partis qui estiment que la Constitution a un référentiel religieux sont libres de penser ce qu’ils veulent, mais leur avis ne doit pas avoir une influence sur la politique de l’Etat ».
« La Tunisie doit préserver ses acquis qui ont été réalisés avant et après la Révolution de 2011, en particulier la liberté d’expression, le droit d’organisation et le droit de manifester ».
Il a, en outre, estimé que l’initiative prise en faveur de l’égalité dans l’héritage s’inscrit dans la cadre de l’application des dispositions de la Constitution qui consacre l’égalité entre l’homme et la femme.
Les articles de la Loi fondamentale sont exécutoires, a-t-il précisé. Ils disposent que l’Etat doit assumer son rôle dans la mise en œuvre de l’égalité entre l’homme et la femme.
Evoquant la démocratie, le président Caïd Essebsi a déclaré que la démocratie connait, aujourd’hui, une crise un peu partout dans le monde.
« Il faut éviter les dérapages de la démocratie en œuvrant à renforcer les fondements de l’Etat de droit et asseoir une presse responsable », a-t-il relevé.
Il a, dans ce contexte, insisté sur l’importance de la pérennité de l’Etat. « L’Etat est au dessus des partis (…) la continuité de l’Etat ne repose pas sur les individus, mais sur les politiques adoptées ».
« La Tunisie ne peut poursuivre son long chemin qu’à travers l’unité nationale (…) personnellement, j’ai opté pour ce choix et j’ai tenté de rassembler les partis. Mais, certains se sont retirés sans raison apparente ».
« Le président de la République n’a plus aucun rôle. Il est déchargé de ses responsabilités »
« Si le président de la République n’exerce pas réellement le pouvoir exécutif cela doit être pris en compte à l’avenir », a déclaré Béji Caïd Essebsi en allusion à la révision de la Constitution.
L’article 71 de la Constitution est bien clair, a-t-il dit. Il dispose que « le pouvoir exécutif est exercé par le président de la République et un gouvernement présidé par un chef de gouvernement ».
« Le pouvoir exécutif a déjà été exercé par une seule tête : la présidence du gouvernement, mais uniquement par voie de consensus avec Ennahdha », a-t-il rappelé dans son discours.
Car, a-t-il argumenté, procéder à un remaniement gouvernemental en passant par le parlement pour obtenir la confiance sans l’aval de la présidence de la République est « illégal ».
L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a accepté ce choix, de sorte que le pouvoir exécutif n’est plus exercé à deux têtes (…) Le président de la République n’a plus aucun rôle et a été déchargé de ses responsabilités, a estimé Caïd Essebsi.
Critiquant le rendement du gouvernement, le président de la République a relevé que la situation aurait été plus gérable si le rendement du gouvernement était judicieux et sur la bonne voie. Mais, a-t-il soutenu, tous les indicateurs dévoilés par le gouverneur de la Banque centrale et le ministre des Finances prouvent le contraire, comme en témoignent, a-t-il dit, l’augmentation de l’endettement et l’aggravation du déficit commercial.
« La réforme est encore possible », a assuré le chef de l’Etat. Pour cela, il faut faire preuve de détermination et revaloriser les ressources naturelles à l’instar des phosphates de Gafsa dont la production a chuté de moitié; de même que la production du pétrole qui couvrait dans le passé plus de 90% des besoins nationaux.
La Tunisie, a-t-il dit, manque « d’hommes d’Etat » qui se soucient de l’intérêt du pays et des générations futures dans une conjoncture mondiale marquée par des mutations accélérées. Les hommes d’Etat sont différents des hommes politiques qui, eux, ne pensent qu’aux élections, a-t-il ajouté.