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Face à l’incapacité de mobiliser des ressources extérieures en devises étrangères, l’Etat tunisien recours, encore une fois, à des solutions faciles et coûteuses
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Le gouvernement a programmé 16,5 milliards DT, mais il n’a pu mobiliser que 5 milliards DT, et même l’Algérie et l’Arabie Saoudite ne nous ont pas donné un seul centime
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Cet emprunt se fera au détriment de l’approvisionnement du marché intérieur en produits alimentaires et en médicaments ainsi qu’en matières premières et produits semi-finis nécessaires au processus de production
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Cette tendance provoquera une récession économique comme celle qui s’est produite cette année, et nous ne pourrons pas atteindre le taux de croissance attendu de 3,2%, ce qui menace la politique de compter sur soi
TUNIS – UNIVERSNEWS Ridha Chkoundali, expert en économie et professeur en sciences économiques a critiqué, la proposition de la ministre des Finances, Siham Boughdiri Nemsia, approuvée, en plénière, et portant sur l’ajout d’un article supplémentaire autorisant à la BCT d’accorder des facilités au trésor public de l’ordre de 7 milliards de dinars, sans intérêts : « Face à l’incapacité de mobiliser des ressources extérieures en devises étrangères, l’Etat tunisien recours, encore une fois, à des solutions faciles et coûteuses », a-t-il précisé dans un statut posté sur son Facebook.
Il a par ailleurs expliqué que cette année, le gouvernement a programmé 16,5 milliards de dinars, mais il n’a pu mobiliser que 5 milliards de dinars, et même l’Algérie et l’Arabie Saoudite ne nous ont pas donné un seul centime. Et d’expliquer que le budget de l’Etat pour l’année 2025 est fixé à 78,2 milliards de dinars, provenant essentiellement des ressources propres de l’Etat, soit des ressources fiscales et non fiscales à hauteur de 50 milliards de dinars et de l’emprunt (28 milliards de dinars). La grande partie sera allouée aux salaires et aux dépenses de la subvention. Ainsi, 36 milliards de dinars seront utilisés pour financer les dépenses de consommation, 5,4 milliards de dinars pour financer le développement et 24,7 milliards de dinars pour payer les dettes intérieures et extérieures.
Il a mis en garde contre le recours à ce type d’emprunt pour financer les dépenses de consommation qui entrainera certainement des taux d’inflation beaucoup plus élevés dans la mesure où ces dépenses ne vont pas créer de la richesse : « D’où proviendront ces financements ? Cela soulève plusieurs questions sur la politique monétaire de cette institution d’émission. Si la Banque centrale maintient un taux d’intérêt élevé afin de limiter les prêts à la consommation et par conséquent limiter les liquidités sur le marché, alors pourquoi prête-t-elle à l’État une somme aussi énorme qui risque d’exacerber la liquidité du marché ? Pourquoi prête-t-elle aussi à l’État sans intérêts et prête-t-elle aux citoyens et aux investisseurs à un taux d’intérêt très élevé ? Est-ce équitable ? », s’est exclamé l’universitaire.
« Pourquoi cette pression sur les Tunisiens ! Et pourquoi appliquer un taux d’intérêt élevé pour réduire la liquidité, alors que l’Etat tunisien contribuera à son augmentation lorsqu’il prêtera directement à l’Etat ? », s’est-t-il interrogé.
L’expert en économie a tenu en outre à préciser que si l’État finance avec cet emprunt ses dettes extérieures, comme c’est le cas avec cette première partie des 7 Milliards de dinars contractée auprès de la BCT au cours de cette année, cela affaiblira les réserves en devises de la Banque centrale. De plus, cela se fera au détriment de l’approvisionnement du marché intérieur en produits alimentaires et en médicaments nécessaires ainsi qu’en matières premières et en produits semi-finis nécessaires au processus de production : « Cette tendance provoquera une récession économique comme celle qui s’est produite cette année, et nous ne pourrons pas atteindre le taux de croissance attendu de 3,2%, ce qui menace la politique de compter sur soi », a-t-il estimé.
Ridha Chkoundali a d’autre part indiqué que le mieux est d’utiliser cet emprunt direct pour financer les dépenses de développement, en raison de ses répercussions positives sur la croissance économique : « alors pourquoi emprunte-t-il 7 milliards de dinars alors que les dépenses de développement ne sont que de 5,4 milliards de dinars ? », s’est-t-il demandé.