Le discours de Béji Caïd Essebsi prononcé à l’occasion du 63ème anniversaire de la Fête de l’Indépendance n’a pas dérogé à la règle ayant régi ses dernières interventions, à savoir cette manie de régler ses comptes avec ses adversaires.
Mais avant de passer au contenu, il faut mentionner qu’au niveau de la forme, ladite cérémonie n’était pas comme les autres. D’abord, la salle était à moitié vide malgré l’envoi du nombre habituel d’invitations. Ensuite, ces invitations semblent avoir été envoyées d’une manière sélective. Sur quel critère invite-t-on Rached Ghannouchi ou Hafedh Caïd Essebsi et ignore-t-on Salim Azzabi ou Abir Moussi ? Par contre, on a beaucoup parlé de l’absence de Mohsen Marzouk qui affirme avoir été bien invité, mais qu’il n’a pu y répondre positivement sans en donner les raison précises.
BCE a commencé par répondre à ceux qui mettent en doute le document de l’indépendance de la Tunisie en assurant qu’il se trouve bien conservé aux archives nationales et en en lisant des extraits, sans laisser passer l’occasion pour clasher, sans la nommer, Sihem Ben Sedrine qui voulait transporter les archives de la présidence de la République après avoir des camions privés à cet effet.
Le président de la République a énuméré, ensuite, les griefs qu’il a contre la gestion des affaires du pays et appelé à l’unité de tous pour dépasser le cap difficile que traverse le pays.
Béji Caïd Essebsi est revenu sur l’épisode marquant la détérioration de ses relations avec le chef du gouvernement pour renouveler ses critiques envers Youssef Chahed qui aurait, selon, agi d’une manière illégale dans le dernier remaniement ministériel puisque, selon ses dires encore, il aurait dû consulter le chef de l’Etat comme le stipule la Constitution qui précise que le pouvoir exécutif est assuré par les deux présidents et de la République et du gouvernement
Passant à une autre vitesse, BCE a fait carrément le procès du gouvernement de Chahed en faisant un récapitulatif de son bilan, mais rien que les aspects négatifs, à savoir les records d’endettement, d’inflation et du déficit de la balance commerciale.
Le président Caïd Essebsi n’a pas ménagé Ennahdha en l’attaquant sur certains points touchant notamment au caractère civil de l’Etat tunisien ou encore à la question de l’égalité successorale.
Le chef de l’Etat a tenu à exprimer ses critiques envers la Constitution dont certains articles méritent la révision et l’amendement. « En tout cas, j’ai un projet d’amendement tout prêt, mais ce sera pour le prochain mandat… », a-t-il renchéri en substance.
Mais, le clou du discours réside, à notre sens dans cette flèche lancée tout à fait à la fin en lançant sous forme de boutade : « Si Chahed nous revient, cela pourrait alors allers mieux… ». S’agit-il d’une véritable proposition-initiative ou juste d’un ballon d’essai ?
Toujours est-il que certains estiment qu’il s’agit d’un geste plutôt tardif, alors que d’autres pensent qu’il s’agit d’un appel indirect au rassemblement de toutes les forces progressistes face à l’Islam politique. C’est dire que les réactions sont mitigées.
Pourtant, Leïla Chettaoui, devenue plus « royaliste que le roi », trouve le moyen pour porter un jugement tranchant en affirmant que BCE est déjà sorti par la petite porte après ce discours. Franchement, la députée, championne du tourisme parlementaire en passant de Nidaa à Machrou puis à la Coalition nationale, est mal placée pour parler de sortie par la petite porte. En effet, elle a déçu tous ceux ayant cru en elle lorsqu’elle présidant la Commission d’enquête parlementaire sur les voyages des jeunes dans les zones de conflit.
En effet, Mme Chettaoui, non seulement n’a plus dit un mot sur ce sujet brûlant, mais elle n’a pris aucune position sur les révélations du Comité de défenses des deux martyrs Belaïd et Brahmi ni sur l’existence de l’appareil secret présumé d’Ennahdha.
On notera, par contre, la réaction positive et responsable du chef du gouvernement qui, tout en refusant de commenter le contenu du discours, a tenu à « saluer le président de la République pour son patriotisme ».
Avant de finir, il est bon de mentionner certains « non-dits » dans le discours présidentiel dont notamment la situation de Nidaa qui demeure bloquée à cause de son fils Hafedh Caïd Essebsi, la tenue du prochain Sommet arabe à Tunis et les derniers développements régionaux chez nos deux voisins algérien et libyen.
En tout état de cause, le discours de BCE, qui a duré plus de 50 minutes, a pris les allures d’une allocution d’adieu au cours de laquelle il a tenu à faire juste des constats, surtout ceux négatifs, et à faire quelques suggestions pour l’avenir. Certains s’attendaient à un peu plus, mais apparemment, BCE n’a plus rien à annoncer. A moins qu’il cache son jeu et ses cartes pour lancer une ultime initiative !….
Noureddine HLAOUI