Chronique – Qui finance les associations coraniques et comment les dissoudre ?

Par Noureddine HLAOUI

La découverte de la fameuse « pseudo-école coranique » de Regueb dans le gouvernorat de Sidi Bouzid a fait révéler une grande tragédie humaine pour des dizaines d’enfants et de jeunes qui, sous couvert d’apprentissage du Coran, subissaient les pires sévices de la part d’hommes barbus et enturbannés vivant à l’afghane et aux ères moyenâgeuses.

La découverte de cet espace a eu le mérite de mettre à nu tout un manège qu’on soupçonnait et qu’on dénonçait, mais on nous rétorquait à chaque fois que ce sont les forces réactionnaires qui s’opposent aux associations et qu’il faut encourager la société civile, un des garants du processus démocratique et un des contre-pouvoirs qu’il faut absolument préserver.

D’ailleurs les lois élaborées du temps de la troïka étaient taillées sur mesure pour laisser agir, à dessein, des associations qu’on découvrira, plus tard, comme étant des viviers à malfaiteurs.

Bien entendu, le tissu associatif est à protéger et encourager, mais ces associations dites caritatives ou de bienfaisance étaient, dès le départ, louches et douteuses dans le sens où même en cas de découvertes d’activités suspectes, il est trop difficiles, légalement, de les dissoudre ou de les fermer. Et là où le bât c’est que la volonté politique n’existe pas ou plutôt elle est là pour leur donner un coup de main afin de nuire au type de société civile du pays.

En effet, ces associations que nous visons sont toutes à référentiel religieux, ce qui leur confère un cachet islamique et coranique. Le président du mouvement islamiste d’Ennahdha n’avait-il pas conseillé aux salafistes qui lui «rappelaient sa jeunesse » qu’étant donné « qu’on ne peut se fier à l’armée et aux services sécuritaires, ils pouvaient agir en toute liberté et impunité au sein des associations et des tentes de prédication sans oublier la possibilité d’avoir son propre média dont les chaînes de télévision ».

Or, les soupçons pesaient depuis des années sur les associations de ce type. Mehdi Ben Gharbia, du temps où il était ministre des Droits de l’Homme, avait annoncé que près de 150 associations de bienfaisance faisaient l’objet de plaintes et devaient répondre de certaines accusations devant les tribunaux.

Mais le gouvernement qui, par le biais du ministère de la Justice, a le ministère public sous sa tutelle n’a pas assuré le suivi et a fait éterniser le statu quo. Ainsi, personne ne sait rien du manège de ces associations, de leurs activités, de leurs objectifs et, surtout, de leurs financements.

Et tout d’un coup, avec les découvertes des horreurs et des atrocités dévoilées dans ce repaire moyenâgeux de Regueb, on s’aperçoit qu’il y a, selon un premier décompte, près de six cents associations et écoles coraniques anarchiques. Des espaces hermétiques où le commun des citoyens ne peut accéder sans montrer patte blanche ou sans être recommandé par quelqu’un de ces « sectes » religieuses.

Les horreurs humaines révélées sont doublées de l’existence de financements colossaux et illégaux. Qu’on en juge. Le propriétaire de ce petit trou qu’est l’association coranique de Regueb dispose dans son compte-courant bancaire personnel de plus de deux milliards et demi ! Mais on ne nous pas dit s’il dispose d’un autre compte et combien y a-t-il d’argent dans le compte au nom de l’association Ibn Omar.

Reste à savoir l’origine des virements bancaires reçus par Farouk Zribi et quels soutiens et bailleurs de fonds se trouvent derrière cette pseudo-école, sans oublier la révélation des contacts de ce ténébreux directeur d’école et qui sont, normalement, faciles à vérifier et à obtenir après la commission rogatoire émise dans ce sens par le Tribunal de Sidi Bouzid.

Or, grâce à une petite opération de calcul, on reçoit un choc de taille. En effet, si chacune de ces 600 associations, disposait d’un montant similaire à celui découvert chez le compte de l’école de Regueb, cela ferait au moins, 1500 millions de dinars !!…Ce serait énorme, d’où l’impératif de s’activer afin d’éclairer ce volet de l’affaire.

Mais outre tout cela, ces associations et ces écoles coraniques constituent un milieu et un vivier propice pour l’émergence et la prolifération des extrémistes et des terroristes. En effet, ces écoles comporteraient des réseaux d’embrigadement, d’enrôlement et de préparation des jeunes  pour partir dans les zones de tension et de conflits pour le « jihad » et le « nikah » !

D’autre part, première vérification faite, il ressort que 90 à 95 pour cent de ces écoles ont vu le jour dans les années 2012 et 2013, soit « l’âge d’or » de la troïka » outrageusement dominée par Ennahdha. D’où les accusations adressées à la troïka, plus précisément au parti islamiste, d’être responsable de la prolifération des courants extrémistes.

Sinon comment expliquer la montée en septembre 2012 de centaines, voire des milliers de personnes salafistes jusqu’u Lac, lieu de l’ambassade américaine sous l’œil bienveillant des forces de sécurité à l’époque ? Comment expliquer le laissez-passer accordé à Abou Iyadh pour quitter impunément la mosquée Al Fatah en 2012 en plein jour et en plein centre ville ? C’est Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur à l’époque, qui avait avoué cela, lors d’une confrontation sur un plateau télévisé avec Taoufik Dimassi, haut cadre du ministère de l’Intérieur à l’époque, aussi …

Comment expliquer la promotion d’Ali Laârayedh au poste de chef du gouvernement alors qu’il était, du moins moralement, responsable de tant de déboires, dont essentiellement l’assassinat du martyr Chokri Belaïd ?

En tout état de cause, au lieu de se lamenter, il est urgent de prendre le taureau par les cornes et agir avec efficacité et célérité pour remédier à ces tares et, surtout, trouver le moyen nécessaire pour dissoudre toutes ces associations hors-la-loi et au financement illégal. Il y va de la sécurité de l’Etat, de la Tunisie et, surtout, de nos enfants. Ces générations futures que les islamistes veulent façonner à leur guise.

En effet, que nos députés et responsables gouvernementaux sachent que ce n’est pas en paradant et en défilant devant ces gosses et jeunes au Centre d’intégration qu’on va résoudre leurs problèmes. Ce n’est pas en adressant un questionnaire à Seifeddine Makhlouf, ce grand défenseur des présumés terroristes tout en l’autorisant à continuer ses réquisitoires conte la Tunisie civile, qu’on pourra remédier au problème

La situation est excessivement grave et la Tunisie a besoin d’actions fermes et de décisions concrètes pour pouvoir échapper à l’irréparable. Et dans le cas d’espèce, ce n’est sûrement pas en suivant l’argument cher aux Nahdhaouis consistant à « laisser la justice travailler », qu’on peut aspirer à des solutions efficaces et radicales. A moins que tous les tribunaux suivent l’exemple donné par le tribunal de première instance de Sidi Bouzid !…