Par Abdelaziz KACEM
Clocharat, pour clochards, et Bandiya, pour bandits, sont deux néologismes qui font leur entrée dans le débat hautement législatif de la Chambre des représentants du peuple. Ils sont vociférés par une députée islamiste, à l’adresse de collègues, avocats et cadres dans le civil, mais qui ont l’impardonnable travers d’être farouchement hostiles à Ennahdha.
Ne maîtrisant pas le français, ladite représentante est excusable, mais que dire d’une égérie patentée de l’ARP, avocate de son état, qui reprend résolument la vulgaire apostrophe à l’encontre de sa confrère Abir Moussi ?
Autre avanie : certains représentants, islamistes mutants, qui, naguère, dans une totale impunité, menaçaient de kidnapper un ambassadeur, ont brandi vers la « clochara », tel un bras d’honneur, le signe frèriste de Rabâa, si cher à Erdogan et à Marzouki. Nous en ferons l’exégèse, un jour prochain.
Hier encore, Abir, cette empêcheuse de tourner en rond, a attaqué, pour anti-constitutionalité, la proposition de Cheikh Rached d’instituer, dans le cadre de la Loi de finances, un « Fonds de la Zakat » pour subvenir aux besoins des démunis.
Passé au vote, l’article est rejeté. D’aucuns ont pourtant conseillé au patriarche d’en changer l’appellation. Il ne voulait ni ne pouvait le faire, car, à ses yeux, le terme « zakat » est plus important que le contenu même du projet. Il avait un besoin urgent et vital de passer le mot dans une loi ; ç’eût été un gage essentiel d’appartenance à la confrérie-mère et un jalon-phare sur le chemin de la Charia. Voici pourquoi.
À bien regarder les cinq piliers de l’Islam, la Chahada ou profession de foi, la prière, le jeûne et le pèlerinage concernent essentiellement la foi individuelle, le salut personnel du croyant. En revanche, le troisième pilier, c’est-à-dire la Zakat ou aumône légale, a une valeur éminemment collective. Il est, politiquement, le plus important.
C’est la Zakat qui constitue l’essentiel des ressources de l’État islamique des premiers temps. C’est si vrai, Hela Ouardi l’explique bien dans son nouveau livre, « À l’ombre des sabres » (Albin Michel, 2019), que le calife Abu Bakr dut dépêcher l’armée pour châtier impitoyablement les tribus réfractaires au transfert du produit de la dîme à Médine. Bien que parfaitement musulmanes, elles furent accusées d’apostasie et traitées comme telles. Ce fut l’un des épisodes les plus sanglants de l’Islam politique naissant.
Il y a quelque temps, Cheikh Rached, dans une vidéo qui a fait le tour du Web, expliquait que les « Hurub al-ridda » (les guerres d’apostasie) eurent lieu pour annihiler les prémisses de la laïcité honnie. Pour anachronique que soit cette lecture bancale, il faut reconnaître que c’est un vote laïque qui a bloqué cette entreprise charaïque.