- Le dossier transmis devant les tribunaux
La Commission tunisienne des analyses financières relevant de la Banque centrale de Tunisie vient d’établir son rapport concernant les opérations effectuées par et au profit du Bureau de Tunis de l’association qatarie de bienfaisance « Secours islamique », dont la création est mentionnée sur le Journal officie, (JORT n° 95) avec pour siège à Zarzis.
Selon le même rapport, dont Univers News a obtenu une copie, cette association a pour principaux responsables, le dénommé Abdelmonêm Daïmi, frère d’Imed Daïmi, membre du CPR et directeur du cabinet du président provisoire de la République, à l’époque, son épouse Hajer Abdelwahed et son frère Mounir Daïmi.
Quant à l’objet des activités de cette association, elles consistent essentiellement en « la lutte contre la pauvreté, l’aide en espèces, en nourriture, en médicaments et en vêtements aux nécessiteux ainsi qu’en la création de centres de stages, d’écoles d’hôpitaux et de cliniques.
A noter que le Bureau de Tunis a été créé en juin 2012 sous la direction de Mehdi Ben Mrad en tant que responsable des communications internationales, Abdelhamid Kalaï, en tant que directeur, et Jihansib Ashraf Khan (nationalité non mentionné avec un passeport n° DR 4120461), en tant que directeur financier, et ce conformément à une correspondance en date du 28 juin 2012 adressée par le directeur des programmes internationaux « Secours islamique » à travers le monde, dont le siège se trouve à Birmingham, au secrétaire général du gouvernement tunisien afin de procéder à l’enregistrement de la section de l’organisation en Tunisie.
Toutefois, le même Mehdi Ben Mrad, en sa qualité de directeur des relations internationales, a procédé, le 28 mai 2014, à la nomination d’Abdelmonêm Daïmi en tant que directeur du Bureau de Tunis, un poste qu’il a occupé pendant une année, soit jusqu’au 28 mai 2015.
Ensuite et à partir du 17 novembre 2015, un certain Abdelmajid Ennasri, qui s’est révélé, par la suite de nationalité marocaine, a été nommé pour remplacer Abdelmonêm Daïmi.
Plus de 56 MD versés par le HCR de l’ONU
Toutes ces décisions marquées par une grande opacité se sont passées en toute discrétion. Mais le plus important demeure la multitude d’opérations financières et bancaires menées par cette organisation de bienfaisance qui dépend de l’association mère qatarie.
En effet, le rapport dévoile l’existence de nombreux virement en provenance de l’étranger et portant sur d’importantes sommes d’argent en provenance, surtout de l’organisation « Secours islamique », dans le monde et portant sur des montants divers pouvant atteindre des millions de dinars, et de l’association Qatar Charity. Mais la somme la plus importante reste celle versée par la Haut Commissariat des réfugiés de l’ONU et qui s’élève à plus de 56 millions de dinars et dont la justification n’est pas précisée !
Les mêmes versements ont été effectués à partir de lieux différents dont la Grande Bretagne, le Qatar, les USA, la France et la Belgique.
Plusieurs agences de voyages, d’hôtels et d’agences de location de voiture
Concernant les sommes dépensées via des chèques bancaires, elles ont trait, généralement, au paiement de factures au profit d’hôtels sis dans le Sud (Médenine, Djerba, Zarzis, Ben Guerdane), des factures pour des agences de locations de voitures, d’agence de voyages dont notamment MENA Tours spécialisée dans les voyages en Turquie.
Sans entrer dans d’autres détails, très nombreux et complexes, le rapport parvient à la conclusion que les activités du Bureau de Tunis de l’association « Secours islamique » sont très douteuses et sont loin d’être conformes aux activités annoncées puisque la majorité de ses dépenses ont trait au paiement de factures d’hôtels d’agences de voyages et de location des voitures, un point à creuser pour déterminer l’identité des bénéficiaires des réservations dans les hôtels et les agences de voyage et avoir une meilleure idée sur l’ampleur de l’implication dans les voyages des jeunes vers les zones de conflits.
Le même rapport considère que lesdites activités revêtent une gravité extrême au vu de l’emplacement de cette organisation, à savoir dans le Sud tunisien, soit tout près du voisin libyen.
Quant à la provenance des sommes versées, elle est presqu’entièrement étrangère sachant que le dénommé Abdelmonêm Daïmi a profité de nombreux détournements des sommes en question dans son compte personnel ainsi que dans celui de son épouse et de son frère. Et vu les liens familiaux étroits de cette personne avec des responsables proches du Centre de décision, cela ajoute aux soupçons pesant sur la nature de ce Bureau de Tunis et sur ses activités.
Des rapports avec les voyages des jeunes vers les zones de conflits ?
Le rapport de la même Commission des analyses financières de la BCT relève l’identité des auteurs des opérations bancaires et qui sont des personnes presqu’anonymes, ce qui est considéré comme étant une attitude délibérée pour cacher les véritables « têtes » de ce manège.
Et en conclusion, la Commission des analyses financières précise, que vu l’existence de fortes preuves et autres présomptions concernant la nature frauduleuse des opérations menées par le Bureau de Tunis du Secours islamique, elle a décidé de transmettre tout le dossier au procureur de la République au Tribunal de première instance de Tunis afin d’y donner la suite qu’il jugera adéquate, autrement dit à M. Béchir Akremi qui est mis sur la sellette dans de nombreuses autres affaires en justice dont celle des assassinats des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et celle de l’organisation secrète révélée par le Comité de défense dans les mêmes affaires d’assassinat.
Encore un dossier qui exige un intérêt et un suivi particuliers de la part de l’opinion publique afin de savoir l’issue que le procureur de la République veut bien lui accorder surtout que ce dossier semble être étroitement lié, aussi, à l’affaire des voyages des jeunes dans les zones de conflits.