Par Mansour M’henni
Une question se pose sérieusement dans notre pays concernant l’inaboutissement des projets de recherche de bon nombre de nos étudiants, surtout en lettres et sciences humaines. Ils constitueraient, semble-t-il, la majorité écrasante des inscrits, sans parler de ceux qui en auraient l’intention ou l’envie, sans aller jusqu’à l’inscription.
Sur leur répartition entre les deux genres, force est de constater qu’il y en a un certain nombre du sexe masculin, ceux qui s’inscrivent juste pour contourner le service militaire et ceux qui, ne trouvant pas un métier, préfèrent maintenir leur statut étudiant, plus ou moins rapidement abandonné d’ailleurs dès l’obtention d’une embauche qui ouvre la voie à un autre statut, à d’autres intérêts et à d’autres préoccupations sociales. On le voit donc, la logique des études doctorales n’est pas toujours motivée par le désir d’une implication ininterrompue dans le processus d’acquisition du savoir, de maîtrise des connaissances et de développement de l’intelligence. Le principe du bouche-trou y préside, déterminant ainsi, souvent fâcheusement, le bénéfice moral et la plus-value citoyenne qu’on en attendrait dans les cercles sociétaux de différents niveaux, depuis la petite famille jusqu’à la société nationale.
Curieusement, ce constat serait beaucoup plus sensible dans « la gent féminine ». Peut-être est-ce le fait du pourcentage des étudiantes, largement supérieur à celui des étudiants. N’empêche qu’à un moment où, à plus d’un demi-siècle de la promulgation du Code du Statut Personnel, certains parlent d’une égalité absolue entre les deux sexes, une égalité pourtant consacrée par la constitution, il est certes désolant de se trouver devant un tel constat, mais il serait plus déplorable encore de ne pas en interroger et raisonner les effets et les causes. D’expérience, je peux avouer ma profonde douleur de voir de brillantes étudiantes réussir haut la main leur licence et même les épreuves écrites de leur maîtrise, mais s’arrêter à quelques pages de leur mémoire pour rater un diplôme de grande importance pour lequel elles ont consacré plusieurs efforts et un temps précieux. Ce qui est triste, c’est de les voir se laisser à l’abandon, parfois à peine fiancées ; mais c’est déjà la fin après le mariage.
Qui est le responsable de cet état des choses ? D’abord les étudiantes concernées qui, malgré les études et la culture (à se demander s’il y en a vraiment !), n’hésitent pas à se ranger rapidement dans le canevas classique de la femme au foyer (même en travaillant), disons « la femme de foyer », ne se souciant guère de tout son patrimoine scolaire et universitaire qui en attendrait une meilleure consécration. Mais la responsabilité est aussi celle de ces hommes qui réquisitionnent leurs épouses pour leur faire assumer toute la responsabilité, en principe partagée. Faut-il parler encore d’exploitation ? D’incompréhension ? Ou tout simplement d’indifférence ? Sans doute l’environnement social a-t-il aussi sa part de responsabilité.
Force est de souligner ici avec quel regret et quelle amertume, certaines de ces étudiantes en rupture de ban viennent parfois solliciter avec beaucoup d’enthousiasme le retour aux bancs de la faculté, et trouver malheureusement des difficultés à réintégrer le milieu.
Ce constat me semble mériter vraiment qu’on s’y attarde et même qu’il devienne un sujet central de nos conversations, surtout dans les familles. C’est un défi socioculturel qu’il importe de relever. D’autres acquis et une autre conscience citoyenne en découleraient.