• La flotte russe au large de la Syrie renforcée par 2frégates équipées de missiles « Kalibr » capables de frapper des cibles à plus de 1500 km
• Ankara adopte un profil bas face à Moscou
La Turquie accuse l’armée syrienne d’être à l’origine de l’attaque. Alors que l’Otan condamne celle-ci, Poutine et Erdogan ont discuté au téléphone de la situation, qui fait craindre une escalade.
Depuis trois mois, le régime syrien, soutenu par les Russes, est passé à l’offensive pour reprendre la dernière province tenue par les rebelles, où s’entassent 3 millions de personnes. L’ONU craint un «bain de sang » et redoute un « massacre ».
Dans le nord-ouest de la Syrie, au moins 33 soldats turcs ont été tués jeudi dans la province d’Idleb dans des raids attribués au gouvernement de Bachar el-Assad par Ankara, qui a aussitôt riposté en bombardant des positions de Damas, faisant 16 morts du côté des combattants syriens selon une ONG.
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont discuté au téléphone aujourd’hui vendredi, a annoncé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Ce coup de fil a eu lieu à l’initiative d’Ankara, a précisé le chef de la diplomatie russe qui a présenté ses condoléances à la Turquie, assurant vouloir éviter que de «telles tragédies» se reproduisent et que Moscou «fait tout pour assurer la sécurité des soldats turcs» déployés en Syrie.
Convoquée par la Turquie, qui en est membre, une rencontre entre les ambassadeurs des pays membres de l’Otan a été suivie de déclarations de son secrétaire-général, Jens Stoltenberg, qui a appelé «la Russie et le régime syrien à cesser les combats, les attaques aériennes aveugles (…) à respecter pleinement le droit international (…) et à s’engager pleinement dans les efforts menés par l’ONU pour trouver une solution pacifique au conflit en Syrie».
La Turquie, elle, s’est abstenue de mettre en cause la Russie elle-même, principal parrain du régime syrien, mais qui entretient avec Ankara des liens approfondis dans le règlement du conflit, et plus largement en matière de sécurité et d’énergie. Ce développement dans le conflit syrien traduit néanmoins la fragilité de ce lien russo-turc, les deux parties soutenant sur le terrain des camps opposés.
Ces dernières semaines, face aux groupes jihadistes et soutenus par la Turquie, le régime syrien a repris le contrôle d’une large bande de territoire dans la région d’Idleb, à l’ouest d’Alep, sécurisant notamment une autoroute stratégique, ce qui a déclenché la colère d’Ankara, qui a perdu au total 53 soldats en février. L’armée turque est officiellement déployée dans la province d’Idlib au niveau de «points d’observation» établis le long de la ligne de front et négociés dans le cadre des accords d’Astana, parrainés par la Russie et auxquels participent la Turquie, mais aussi l’Iran.
«Des militaires turcs, se trouvant au sein d’unités combattantes de groupes terroristes, ont été pris sous le feu des soldats syriens», a indiqué le ministère russe de la Défense, qui affirme que la partie turque n’avait pas communiqué la présence de ses troupes dans la zone concernée et qu’elles «n’auraient pas dû s’y trouver». Ankara a aussitôt démenti la version russe. «J’aimerais souligner qu’aucun élément armé ne se trouvait aux côtés de nos unités au moment de cette attaque», a déclaré le ministre turc de la Défense Hulusi Akar, cité par l’agence de presse étatique Anadolu.
Signe des tensions, la flotte russe de la mer Noire a déployé en Méditerranée orientale, au large de la Syrie, deux frégates – l’Amiral Grigorovitch et l’Amiral Makarov – équipées de Kalibr, des missiles de croisière capables de frapper des cibles terrestres à plus de 1500 km de distance. Ces deux navires de guerre, qui ont franchi le détroit du Bosphore, vont rejoindre le «groupe naval russe permanent en Méditerranée», qui comprend déjà une frégate et deux sous-marins eux aussi équipés de Kalibr.
Une arme déjà employée par le passé en Syrie par Moscou lors des moments de crise les plus graves.