* Parrainages, femmes et jeunes défavorisés, découpage électoral et problèmes de financements, principales sources de préoccupation
TUNIS – UNIVERSNEWS – Comme d’habitude, le président de la République, Kaïs Saïed, ne donne pas le temps de discuter ses décisions et sa démarche, pour les prochaines échéances électorales. Cette fois-ci, encore, le rôle consultatif de l’ISIE a été marginalisé, étant donné que le président de la République a remis une copie de ce texte, le jour même de sa publication au JORT.
La Présidence de la République a bel et bien consulté l’instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) pour avis sur le décret-loi modifiant la loi électorale avant sa promulgation. A cet effet, l’instance a donné son avis et se prononcera également sur le texte de la version finale telle que publiée au journal officiel de la République Tunisienne (JORT), a fait savoir Maher Jedidi, membre de l’ISIE, ajoutant que le propre de l’instance électorale étant de s’intéresser aux questions purement techniques et juridiques et non politiques.
Des difficultés de taille pour les parrainages
Le membre de l’ISIE a révélé que le nombre des parrainages tels présentés dans le cadre du projet de révision soumis à l’ISIE a été fixé à 200 avant de les porter à 400 parrainages, soulignant que ce chiffre élevé soulèvera des difficultés de taille dans la pratique, notamment, lorsqu’il est question des circonscriptions à l’étranger.
En revanche, la présidence de la République a ajouté d’autres points que l’ISIE aurait préféré ne pas inclure dans le texte de la loi électorale, citant en exemple, la délicate question des parrainages.
Prenant la parole, le professeur de droit constitutionnel, Abderrazak Mokhtar, a estimé que le durcissement des conditions d’éligibilité dans le décret-loi amendant la loi électorale aura malheureusement un effet inverse, dès lors qu’il pourrait aboutir à l’exclusion de plusieurs personnes censées se porter candidat aux élections.
Les femmes et les jeunes loin d’être favorisés
Pour sa part, la constitutionnaliste Salsabil Klibi, est revenue sur la question des parrainages, affirmant que cette procédure est censée être appliquée au niveau local, ce qui signifie que le candidat ne peut collecter des parrainages en dehors de sa circonscription électorale, alors que l’institution pour laquelle il est éligible est une institution nationale et non un conseil régional, étant donné que le député est un représentant de la nation tout entière, toutes franges et catégories confondues.
Elle a estimé que le suffrage uninominal « n’est pas un mode de scrutin clément avec les femmes et les jeunes », en ce sens qu’il « ne favorise pas la représentation des femmes ou des jeunes dans les cercles du pouvoir, contrairement au scrutin sur listes qui prévoit la parité ».
Le découpage électoral en question
Klibi a en outre vivement critiqué la question du découpage des circonscriptions électorales, précisant que ce découpage est un choix éminemment politique, qui nécessite de la connaissance scientifique et un surcroit de temps pour l’étudier sous tous les angles, préférant le confier à des experts en géographie humaine.
Elle a indiqué que le découpage prévu est « tronqué », dès lors qu’il ne tient pas compte des bases scientifiques ou démographiques des circonscriptions électorales », regrettant que ce mode de découpage électoral appréhendé dans une perspective de scrutin uninominal privilégie le candidat se présentant dans un cadre très restreint, contrairement au mode de scrutin sur les listes.
Marginalisation de l’Assemblée et problèmes des financements
De son côté, le président de l’Observatoire Chahed pour le contrôle des élections, Naceur Harrabi, a déclaré que le décret-loi contribuera à la marginalisation du rôle de l’Assemblée des représentants du peuple et des corps intermédiaires et à l’exclusion de la femme du paysage parlementaire.
Selon lui, cet amendement est fondamental dans la mesure où il a touché au mode de scrutin sans se référer à des études ni standards.
S’agissant de la campagne électorale, Harrabi a estimé que l’interdiction des financements publics pour les candidats pourrait donner davantage de pouvoir aux plus riches et aux plus influents puisque l’électeur est incapable de financer sa campagne avec ses propres fonds.
Il a également critiqué le parrainage de l’électeur où le principe de parité a été adopté «maladroitement», faisant remarquer que la femme dans ce décret-loi est «en mesure de parrainer l’électeur mais n’est aucunement capable de garantir un siège au parlement».
F.S.