Après des mois de crise, de tension et de bras de fer… Après une grève générale d’une journée dans la Fonction publique et une autre dans Fonction publique et le secteur public… Après des mois de grèves, de journées de colère, de sit-in, de boycott des examens… Après avoir frôlé l’année blanche dans l’enseignement secondaire…
Après une démonstration de force des parents des élèves soutenue par les courants islamistes… Après la menace d’internationaliser l’affaire par la coordination des parents, tout d’un coup, structurée, bien organisée et politisée…
Après tous les risques pris par les uns et par les autres vers une explosion sociale aux conséquences aussi imprévisibles que dramatiques… Après avoir crié haut et fort que l’Etat ne peut répondre positivement aux doléances et aux revendications de l’UGTT et de la Fédération générale de l’enseignement secondaire au risque de se mettre sur le dos le puissant Fonds monétaire international (FMI)…
Après tout cela et au moment où l’on s’y attendait le moins et sans qu’on ait l’impression qu’il y avait des négociations serrées ou des prémices de progrès quant au déroulement du dialogue, nous avons appris la conclusion simultanée d’accords et pour les majorations salariales en faveur des agents de la Fonction publique et pour les enseignants des établissements secondaires.
Tout le monde a poussé, naturellement, un ouf de soulagement. En effet, cela évite au pays une nouvelle grève générale de deux jours et une année blanche pour les lycéens. Ainsi, tout le monde se remet au travail et tous les élèves reprendront les cours. Tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil. Que veut le peuple de plus ?…
En effet, maintenant que tout est rentré dans l’ordre et que la joie était perceptible, dans un premier temps à travers les réseaux sociaux, les observateurs étaient étonnés de l’absence de toute réaction de la part des partis politiques, de la Centrale syndicale et encore moins du gouvernement. A part, les brèves déclarations des uns et des autres à l’issue de la signature de l’accord
En réalité, il y a eu une seule déclaration qui a suscité la colère de Noureddine Tabboubi et de tout le Bureau exécutif de l’UGTT. Il s’agit des propos tenus par le président du parti Ennahdha qui a eu une entrevue-surprise avec le chef du gouvernement Youssef Chahed juste avant sa rencontre avec le secrétaire de l’UGTT. Rached Ghannouchi a indiqué qu’il a parlé avec M. Chahed de la situation générale dans le pays et des évolutions positives, à savoir l’annulation de la grève générale et l’accord qui vient d’être obtenu à propos de l’enseignement comme vient de l’en informer le chef du gouvernement.
Nous savons, aussi, que Rached Ghannouchi a défendu, bec et ongles, le principe de la stabilité gouvernementale en continuant à soutenir Youssef Chahed et a dû, pour cela, affronter la majorité des membres du Conseil de la choura, partisans, désormais, d’une prise de distance vis-à-vis de Chahed
Noureddine Tabboubi et le Bureau exécutif de l’UGTT parlent d’une tentative d’exploitation de l’accord par Rached Ghannouchi qui, en en annonçant le dénouement, pouvait laisser croire qu’il y a été pour quelque chose.
Qu’à cela ne tienne ! Le turbulent analyste et politicien Safi Saïd a vite fait de jeter un pavé dans la mare en assurant détenir des informations faisant état d’une médiation de Ghannouchi et d’une promesse de l’Etat de Qatar pour prendre en charge la différence du montant des augmentations durant deux ans.
Et de commenter en écrivant, dans le même statut qu’il a supprimé par la suite, que « la Tunisie serait le premier pays moderniste à être gouverné par les Frères musulmans… ».
Depuis la publication de ce post, une avalanche de commentaires a été publiée sur Facebook. Certains n’attendaient qu’apparition d’une pareille hypothèse pour s’attaquer au gouvernement et crier au piétinement de la sacro-sainte indépendance de décisions et autre souveraineté
D’autres, et étant donné que l’hypothèse venait de la part de Safi Saïd ont vite fait d’affirmer qu’elle ne mérite pas qu’on lui accorde le moindre crédit. Mais bien d’autres voix se sont élevées pour dire qu’elles préfèrent ne pas y donner de l’importance, car dans le cas contraire, ce serait alors l’erreur du siècle.
Donc, et sans vouloir soutenir ceux qui sont atteints de la maladie de la « complotite », cette hypothèse mérite d’être creusée et, surtout, démentie avec des preuves convaincantes de la part du gouvernement. Effectivement, le peuple tunisien est, désormais, majeur et suffisamment éveillé pour ne plus rien lui cacher.
Autrement dit, dès demain, la Kasbah pourrait évoquer la question et donner des explications claires et crédibles, chiffres à l’appui quant à l’origine de l’argent levé par l’Etat et qui lui a permis de résoudre le conflit en un tournemain. Il ne faut pas oublier que pour les deux volets de la Fonction publique et de l’enseignement, l’Etat doit disposer de plus de mille millions de dinars !
Les Tunisiens sont, certes, heureux de cette issue, mais une communication sur les tenants et les aboutissants des compromis obtenus serait la bienvenue pour tranquilliser les esprits et mettre un terme aux tentatives de zizanie que certains veulent faire propager. Cela dissiperait les éventuels malentendus, car si l’UGTT a rejeté avec force que la patrie soit sous la tutelle financière du FMI, comment admettrait-elle que la Tunisie soit redevable au régime de Doha ?!
Autre chose et vu la gravité desdites accusations, les autorités compétentes sont tenues de demander des comptes à Safi Saïd. S’il s’avère qu’il a débité des contre-vérités, qu’il soit poursuivi en justice. Sans cela, le peuple aura, toujours et à juste raison, de sérieux doutes. Cela éviterait, à l’avenir, que tout un chacun dise ce qu’il veut. Souvent pour noyer la « vraie vérité »
En tout état de cause, les Tunisiens en ont marre de la politique de l’autruche suivie par L Kasbah depuis plusieurs mois. Ils sont majeurs et vaccinés, comme on dit, et ont droit aux informations exactes sur la marche des affaires de l’Etat surtout lorsqu’il s’agit de la gestion des deniers publics
Noureddine HLAOUI