- Les bénéfices des banques, provenant des prêts octroyés à l’État tunisien sur le long terme, ont augmenté de 58,12%, ce qui est considéré comme très élevé
- Le recours à l’endettement intérieur a un gros impact sur le budget de l’Etat, ce qui sera supporté à la fin par le contribuable
- Le recours au refinancement de la BCT s’est intensifié pour atteindre près de 15 milliards de dinars à fin 2022 contre 10 milliards de dinars une année auparavant, soit une progression de 48%
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) – L’expert en économie et ancien ministre des Finances, Hassine Dimassi a souligné, dans une déclaration à Universnews, que le recours à l’endettement intérieur ne profite qu’aux banques: «Ça ne pourrait être que dans l’intérêt des banques qui vont se retrouver de plus en plus rassurées, parce qu’elles ont la garantie de l’Etat», a-t-il expliqué.
C’est dans l’intérêt des banques
Dimassi a en outre indiqué l’Etat est très souvent considéré par les banques comme un emprunteur fiable et sans risque de non-remboursement contrairement à la catégorie des entreprises où le risque de défaut de paiement est très élevé, selon ses dires. Si nous croyons les chiffres, au cours de la dernière décennie, les bénéfices des banques, provenant des prêts octroyés à l’État tunisien sur le long terme, ont augmenté de 58,12%, ce qui est considéré comme très élevé et dépasse de loin le Maroc (23,6%) ou encore la France (10,23%).
L’ancien ministre des Finances a en outre indiqué que les banques préfèrent aujourd’hui prêter à l’Etat parce que cela rapporte beaucoup plus de bénéfices dans la mesure où le taux d’intérêt appliqué sur ces crédits est très important et il est de 7 à 8% sur les bons de trésor.
Il a en d’autre part, précisé que le recours à l’endettement intérieur a un gros impact sur le budget de l’Etat qui sera, à la fin, supporté par le contribuable, selon ses dires. « Avant la Révolution, le taux d’endettement sur le marché extérieur est inférieur à celui appliqué sur le marché interne. On emprunte sur le marché extérieur à des taux de 2 à 3% contrairement à aujourd’hui où le taux d’intérêt appliqué sur les emprunts internes est plus élevé que celui appliqué sur les emprunts levés sur le marché extérieur », a-t-il précisé.
Mise en garde contre la dépréciation du dinar
Il a pointé de doigt le recours excessif à l’endettement intérieur dans la mesure où cela réduira la capacité des banques au niveau du financement de l’économie réelle et du secteur privé.
Dimassi a considéré comme très grave le fait d’injecter par les banques des sommes colossales au profit de l’Etat et des entreprises publiques alors qu’il n y a pas un retour en termes de production et d’investissement: «L’Etat emprunte, auprès des banques, des sommes très importantes pour les injecter par la suite dans des secteurs non productifs», a déploré Dimassi, mettant en garde contre l’accélération de l’inflation et du coup la dépréciation du dinar tunisien vis-à-vis de la monnaie verte, ce qui est très grave pour l’économie nationale, selon ce qu’il a dit.
Il a par ailleurs exprimé son étonnement d’avoir injecté des fonds très importants dans l’Office tunisien des céréales sans qu’il soit productif: «L’office des céréales ne fait que collecter la production pour par la suite, la redistribuer», s’est-il exclamé, citant également les sommes colossales injectées dans la STEG ou encore dans la SONEDE et les sociétés de transport qui bénéficient de crédits sans avoir la capacité ni de produire ni de rembourser leurs dettes, selon ses dires.
19 milliards de dinars levés en local
En effet, l’Etat a levé, en 2022, sur le marché local 19 milliards de dinars sous forme de bons du Trésor et d’emprunt obligataire national. Par conséquent, le recours au refinancement de la BCT s’est intensifié pour atteindre près de 15 milliards de dinars à fin 2022 contre 10 milliards de dinars une année auparavant, soit une progression de 48%.
Selon le rapport de la banque centrale de Tunisie (BCT) sur la supervision bancaire pour l’exercice 2022, les financements bancaires octroyés à l’Etat et aux entreprises publiques ont poursuivi leur tendance haussière durant cette année, avec un accroissement annuel de 23,1% pour se situer à 31,4 milliards de DT soit 20,7% du total des actifs des banques contre 27,1 milliards de DT et 19,2% respectivement une année auparavant. Près de 72% de cet accroissement est expliqué par les souscriptions dans les nouvelles émissions de l’Etat sous forme de bons du Trésor et d’emprunts nationaux.