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« 9 ans après, les démocrates tunisiens ont été sanctionnés et déshonorés à cause de leur incurie face à la misère… »
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« Comment sortir de la dépression politique, si ce n’est par la constitution d’une société qui répond à l’obscurantisme et restaure la dignité de l’homme ?…»
« Dommage, Tunisie, la dépression démocratique », est le dernier né des livres de Hélé Béji à paraître le 17 octobre 2019 chez l’édition Gallimard. Cet écrit traite de l’ingérence militaire des puissances occidentales, telle que nous l’avons vécue ces dernières années, dans le sens où elle a porté la marque d’une nouvelle religion impériale, la démocratie. Ses conséquences sur l’embrasement islamique ont été tragiques. Mais la Révolution tunisienne fut un événement à part, libre, souverain.
Traitant de ce qui se passe en Tunisie, en particulier, l’auteur estime que neuf ans après, les dernières élections populaires ont sanctionné massivement les démocrates tunisiens, déshonorés par leur incurie face à la misère. Les islamistes et les modernistes alliés n’ayant ni l’un ni l’autre empêché le désastre, les indignés de la pauvreté les ont chassés par les urnes.
Mais l’alternance électorale, ajoute Hélé Béji, annonce le sombre scénario d’une « dictature démocratique », doublée d’une fascisation religieuse et envenimée par la faillite économique qui ébranle la paix civile.
L’Occident n’est pas épargné par cette imbrication, conclut-elle, de l’extrémisme islamique et de l’échec du progrès, partout en correspondance. La Tunisie est un révélateur de cette néo-démocratie paradoxale, où la religion, de gré ou de force, est désormais inséparable de sa représentation démocratique.
Dans une présentation plus personnalisée, Hélé Béji écrit, en substance : «Une expérience beaucoup plus cruelle que celle du colonialisme nous attend, celle de la guerre impitoyable avec notre vie sauvage.
Ce qui n’avait pas été assimilé par la domination coloniale ne l’a pas été par la modernité nationale, ni par la Révolution, ni par la démocratie. L’islamisme armé vient nous rappeler que le travail ne fait que commencer, et qu’en réalité, nous l’avons esquivé.»
Pour récapituler, Hélé Béji précise que la Révolution tunisienne de 2011, née du sentiment de dignité et de justice d’un peuple, fut celle de la spontanéité. Elle a aussi ouvert une voie alternative à l’ingérence démocratique occidentale, aux accents de nouvelle croisade, qui n’a fait que raviver dramatiquement l’islamisme radical.
Elle s’interroge, aussi : « Mais qu’a fait la Tunisie de ce grand moment de son histoire ? ». Neuf ans après, au cœur d’une crise politique et sociale aiguë, Hélé Béji dresse le constat d’un échec, qui dépasse les frontières de la seule Tunisie. Comment sortir de cette dépression politique, si ce n’est par la constitution d’une société qui, trouvant en elle-même une réponse à l’obscurantisme, restaure la dignité de l’homme ?
Bon à savoir, par ailleurs, que Hélé Béji a publié bien d’autres essais. On citera, notamment : « Une force qui demeure », (Arlea, le 16 janvier 2006), « Islam Pride, derrière le voile » (Gallimard, le 10 février 2011), « L’œil du jour » (Elyzad Poche, le 6 juin 2013) et « Désenchantement national ; Essai sur la décolonisation » (Elyzad Poche, le 20 mars 2014).
Noureddine HLAOUI