TUNIS – UNIVERSNEWS – L’Economie solidaire et sociale (ESS), branche de l’économie qui concilie activité économique et équité sociale souffre toujours de l’instabilité réglementaire et des humeurs des politiques.
Réclamée avec beaucoup d’insistance depuis le controversé changement du 14 janvier 2011, l’économie solidaire et sociale, a été légalisée et systématisée conformément à une loi promulguée, le 10 juin 2020, au temps du gouvernement Elyès Fakhfakh. Malheureusement, jusqu’à ce jour, c’est-à-dire trois ans après, les textes d’application portant création des sociétés d’économie sociale et solidaire (SESS) n’ont pas pu voir le jour.
Pourtant, au regard des multiples avantages qu’ils engrangent en matière de création d’emplois, (quelque 300 mille postes) et d’impulsion de l’investissement local à travers la création de milliers d’entités de services et de production, ces textes d’application auraient dû bénéficier de la priorité absolue.
L’ESS, d’un point de vue purement économique, est la panacée idéale pour répondre, en cette période de récession inflationniste, aux besoins d’une catégorie, souvent défavorisée et marginalisée de la population, à l’instar des centaines de milliers d’habitants des zones enclavées de l’intérieur, des diplômés du supérieur sans emploi et des communautés laissées-pour-compte des quartiers suburbains. Concrètement, ces communautés marginalisées vont s’associer dans des coopératives et des mutuelles pour créer leurs propres emplois et leurs propres sources de revenus.
Malheureusement en dépit du bien-fondé universel de l’ESS, le nouveau maître de Carthage, Kaïs Saïed ne l’entendait pas de cette oreille. Il a mis à profit le coup de force constitutionnel, du 25 juillet 2021, pour imposer, le 20 mars 2022, par décret présidentiel, à l’occasion de la célébration du 66ème anniversaire de l’indépendance, son propre projet.
Les « ahlia » ne seraient que des SESS
Il a promulgué un décret-loi portant réglementation des «Charikat Al Ahlia», sociétés sociales à base communautaire, qui rappellent dans leur fonctionnement les SESS.
Ce nouveau texte sur les »Charikat ahlia » est venu semer la confusion. Ces sociétés communautaires, expérimentées avec succès dans un grand pays comme le Brésil et dans un tout petit pays comme le Sultanat d’Oman, ne seraient, au final, que des structures relevant de ce qu’on appelle le Tiers secteur, autre appellation de l’économie sociale et solidaire, lequel secteur devrait, dans une économie saine, concurrencer, légalement, les secteurs public et privé.
Comble de l’incohérence du maître de Carthage, il n’a pas prévu dans la nouvelle Constitution du 25 juillet 2022, ce tiers-secteur aux côtés des secteur public et privé. Si cette omission vient prouver quelque chose, elle vient attester que le fondateur des « Charikat Ahlia » n’y croit nullement. Conséquence : logiquement, ces structures vont disparaitre au terme du mandat de Kaïs Saïed. On l’aura dit…
Si on se réfère à certaines analyses crédibles, la loi sur l’économie sociale et solidaire du 10 juin 2020 et le décret-loi sur les « charikat Alahlia » sont des textes sans lendemain. Et pour cause.
Selon l’économiste Hédi Zaïem, l’ESS, développée à tort dans les textes précités comme « un correctif social » et comme une “branche à but non-lucratif“, n’a aucun avenir. Elle doit être, d’après lui, perçue, comme « une économie sociale de marché », c’est-à-dire une branche où la performance et la rentabilité sont exigées, comme c’est le cas en Occident.
Pour lui, le principe économique est simple, « toute activité économique, voire toute activité créatrice de richesses, pour être attractive pour toute personne qui veut louer sa force de travail ou placer son argent, doit susciter impérativement un intérêt lucratif, sinon elle n’a aucune chance de perdurer ».
Morale de l’histoire : les politiques sont en train de faire perdre aux Tunisiens un temps précieux surtout lorsqu’on sait que l’Economie sociale et solidaire a pour vertu de s’accommoder avec les récessions économiques et d’intervenir là où les secteurs public et privé ne peuvent pas le faire.
Brahim