- Le taux de participation des hommes était de 67,63% contre 32,37% pour les femmes aux élections locales
- Les candidatures de la gent féminine aux élections locales ne sont que de 12 % et le paysage politique laisse entrevoir les contours d’un conseil local masculin
- ONU-Femmes note que, selon la trajectoire actuelle, il faudra 130 ans pour atteindre l’égalité des genres aux postes de pouvoir les plus élevés
- Il ne faut pas répéter les erreurs d’un féminisme au masculin. Les femmes sont concernées en tant que femmes mais aussi en tant que citoyennes
Interview de Bassam Maatar, président d’ATIDE
TUNIS – UNIVERSNEWS (Nat) – Dans la sphère politique, la participation féminine se raréfie. Le taux de participation des hommes était de 67,63% contre 32,37% pour les femmes aux élections locales. Ces élections ne font pas exception. Lors des législatives anticipées de 2022, seuls 32,36% des femmes s’étaient dirigées vers les bureaux de vote, selon les résultats finaux annoncés par l’ISIE en janvier 2023.
Un faible taux de participation des femmes
Le président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), Bassem Maatar, est revenu sur l’organisation des élections locales en prévision de l’établissement de la seconde chambre du Parlement. Il a souligné à UNIVERSNEWS que « La nouvelle loi a supprimé les disparités relatives à la parité hommes-femmes qui figuraient dans la précédente loi électorale, laquelle visait à garantir une représentation égale des hommes et des femmes dans les assemblées élues de Tunisie. Le mode de scrutin de listes qui permettaient aux femmes de bénéficier de la parité horizontale et verticale a été aboli, remplacé par un scrutin uninominal (sur les personnes) et n’a pas tenu compte des propositions de la société civile. La disparité est significative entre le nombre de femmes et d’hommes candidats. La participation de la gent féminine aux élections locales ne représente que 12 % de l’ensemble des candidats. Le paysage politique laisse entrevoir la domination d’un conseil local masculin. Les conditions ne sont pas propices aux femmes autant que pour les hommes et ne garantissent pas une égalité des chances ».
Le Président d’ATIDE a ajouté que « plusieurs facteurs peuvent expliquer la faible présence des femmes dans les élections locales, notamment les difficultés liées à la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. La femme vit une situation difficile valorisant le rôle de l’homme dans l’espace public, professionnel et dans la gestion de la communauté, au détriment de celui de la femme. Cette situation lui conférera un rôle de figurante, puisqu’elle n’aura que très peu de chances d’être élue. Et puis, il ne faut pas oublier les régions intérieures. Il faut prendre en considération la culture et l’état d’esprit qui prévalent dans certaines régions de la Tunisie. Il y a encore des gens qui n’admettent pas de voir une femme tête de liste. A mon sens, si la femme mérite d’être élue, elle le sera, on n’a pas besoin de recourir de cette manière à la parité, ou aux quotas. Les femmes candidates n’ont pas aussi accès à un financement pour leurs campagnes. Elles sont amenées à compter sur leurs propres moyens ou sur des fonds privés. Or les femmes ne disposent pas des mêmes moyens d’accès à la richesse par rapport aux hommes. D’autres facteurs peuvent expliquer la faible présence des femmes dans les élections locales, notamment les difficultés liées à la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, politique ou associative et la persistance de comportements sociaux valorisant le rôle de l’homme dans l’espace public, professionnel et dans la gestion de la communauté, au détriment de celui de la femme. Ceci sans oublier la discrimination et la violence contre les femmes. Pourtant, de nombreux arguments plaident en faveur de l’implication des femmes dans la vie politique et publique. »
Amener l’électorat féminin à voter
L’enjeu sera aussi d’amener l’électorat féminin à voter. Il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à l’égalité des genres en politique à l’échelle mondiale, malgré des résultats positifs évidents. ONU-Femmes note que, selon la trajectoire actuelle, il faudra 130 ans pour atteindre l’égalité des genres aux postes de pouvoir les plus élevés. En janvier 2023, 34 femmes dans 31 pays occupaient le poste de chef d’État et/ou de gouvernement ; 22,8 % des ministres étaient des femmes, 13 pays avaient atteint le quota de 50 % ou plus de femmes dans leur gouvernement ; et dans les parlements nationaux, seulement 26,5 % des membres des chambres uniques ou basses étaient des femmes.
La marche vers une participation égale a été douloureusement lente. Malgré une légère augmentation des chiffres au fil des années, les femmes continuent de faire face à des discriminations et à des obstacles, notamment en raison de normes culturelles et sociales, ainsi qu’à un accès limité aux ressources financières pour participer pleinement aux processus de prise de décision.
Faut-il adopter des mesures telles que des quotas, de la discrimination positive et d’autres dispositions spéciales temporaires pour accroître la participation des femmes ? Cependant, ces interventions seules ne suffisent pas à atteindre la parité des genres et comme, a affirmé Lilia Labidi, psychologue et anthropologue, et militante féministe « les femmes devront se faire entendre autrement, en créant notamment des lobbies pour peser sur les mentalités, l’opinion publique et l’Assemblée. Il ne faut pas répéter les erreurs d’un féminisme au masculin. Les femmes sont concernées en tant que femmes mais aussi en tant que citoyennes, et elles ne doivent surtout pas rater le coche de la révolution. »
M.S.