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Saïed est appelé à s’expliquer sur son choix catastrophique de Fakhfakh, le candidat le plus faible
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Il est impératif de changer carrément de cap et de concept de gouvernance lors de la prochaine étape
Jamais, au grand « J », la Tunisie n’a connue autant de précipitation d’événements et de rebondissements sur la scène politique.
L’affaire a démarré lorsque Elyes Fakhfakh avait déclaré, dimanche 14 juin, en réponse à une question de l’animateur, dans une interview diffusée en direct par la chaîne privée Attessia, qu’il avait des actions à hauteur de 20% dans une entreprise opérant dans le secteur de l’environnement, ayant un contrat avec l’Etat, tout en estimant que posséder des titres dans cette société ne relève pas d’un conflit d’intérêts.
«Vous voulez un chef de gouvernement sans activité antérieure qui se trouve à la maison ? », avait-il répliqué en substance avec arrogance et dédain. Et ce n’était pas étonnant de la part de l’homme le plus propre avec la personnalité la plus forte du pays n de la part de l’homme qui nous a été envoyé par le bon Dieu pour accomplir sa mission…
Ce n’était pas étonnant de la part de quelqu’un qui n’avait pas dépassé les 0,..% à l’élection présidentielle. Après les tentatives du parti se disant le chantre de l’honnêteté et de la « propreté », en l’occurrence Attayar et ses leaders non moins arrogants, les Mohamed Abbou, Samia Abbou, Hichem Ajbouni et autre…… de blanchir leur patron, e scandale n’a pas tardé à enfler et à prendre des dimensions insoupçonnées.
En effet, c’est devenu le « Fakhfakh Gate » malgré les menaces de faire taire tous ceux qui en ont parler et de les poursuivre en justice parce que, tenez-vous bien, Fakhfakh est « innocent et blanc comme neige », selon ses courtisans dont notamment les champions de la lutte contre la corruption et à leur tête, Monsieur Propre, Mohamed Abbou, auteur de la mise à la retraite d’office de 21 hauts cadres de la Douane, par un simple trait de stylo sans donner la moindre justification….
Or, le parti Ennahdha a voulu profiter de cette aubaine pour dicter ses conditions à Fakhfakh avec qui il était en conflit ouvert depuis sa prise de fonctions, mais qu’à cela ne tienne, Fakhfakh, fidèle à sa logique d’arrogance, a envoyé Ghannouchi et consorts sur les roses en refusant de leur accorder les concessions voulues par le par le parti islamise.
Le Fakhfakh Gate a été donc l’aubaine tant rêvée pour mettre la pression sur lui et sur Attayar et Echaâb. Et impatient de recevoir les « largesses », Ennahdha a cru bon de mettre une pression finale avec la déclaration laissant entendre que le « cheikh » était mandaté pour entreprendre les concertations nécessaires avec le chef de l’Etat et les représentants des parties pour mettre au point les scénarios du paysage partisan de l’après Fakhfakh.
C’est alors que Kaïs Saïed est entré en scène. Même s’il avait demandé, à deux reprises d’une façon informelle, à Fakhfakh de présenter sa démission, le président de la République s’est dans une colère noire contre Ennahdha et son chef, ce que Fakhfakh aurait pris probablement pour un soutien inconditionnel de « son » président.
En effet, moins de 24 heures après, il a annoncé, dans un communiqué officiel, sa décision d’effectuer un remaniement du gouvernement dans les jours qui viennent tout en laissant entendre que ce sont les ministres d’Ennahdha qui étaient ciblés par le changement en question.
On ouvre une parenthèse, ici, pour s’interroger sur le pourquoi de la désignation de Fakhfakh par Saïd alors qu’il avait trois autres sérieux candidats, des économistes chevronnés, mieux placés pour diriger le pays, en l’occurrence Ridha Ben Mosbah, Fadhel Abdelkéfi et Hakim Ben Hammouda.
On reviendra, dans un article prochain, pour répondre à cette question, mais toujours est-il qu’étant arrivé à ce véritable imbroglio, Kaïs est appelé, voire, obligé de justifier son choix de Fakhfakh, proposé uniquement par Tahya Tounès dirigé par…Youssef Chahed !
Acculé dans ses derniers retranchements, Ennahdha décide de passer à l’étape ultime, celle de demander au Parlement le retrait de la confiance à Fakhfakh. Et sans coup férir, pas moins de 105 signatures ont été collectées et apposées sur une motion déposée, mercredi avant 1h.
Devant cette éventualité de voir la main passer à Ennahdha, Kaïs Saïed semble avoir forcer « la main » à son poulain, Fakhfakh, de partir pour pouvoir, justement, garder la main et de proposer un nouveau candidat pour la formation du futur gouvernement.
Et ce n’est pas fini, Fakhfakh, démissionnaire et devenu, officiellement, simple chargé de liquider les affaires courantes du pays, semble avoir été pris par le démon de la spirale, « représailles et contre-représailles », a décidé de limoger les six ministres appartenant à Ennahdha et de les remplacer par des collègues à eux qui auront, ainsi, la charge de gérer deux portefeuilles en même temps.
Ce qui vient de se passer, en l’espace de quelques heures seulement, a été qualifié par les observateurs comme étant des « gamineries » (t’fourikh, selon le terme dialectal), les deux parties semblant se comporter dans une propriété privée et non pas en train de diriger les affaires d’un Etat dans un état piteux et au bord de la faillite, l’important pour elles étant de marquer des points et d’humilier son vis-à-vis.
Maintenant qu’on en est arrivé à ce stade de « décomposition » socio-politico-économique », il est temps de se ressaisir afin d’empêcher le navire de couler, d’où l’impératif de changer carrément de cap et de concept de gouvernance lors de la prochaine étape. Les Messieurs « Propres » se sont avérés incapables d’apporter un projet crédible de sauver le pays, tout réitérant la « chanson » de lutte contre la corruption, un crédo qu’a voulu jouer Youssef Chahed sans la moindre efficacité.
Ce dernier épisode a prouvé que les politiciens ne sont pas des hommes d’Etat et n’ont aucun sens de l’intérêt suprême de la patrie et des citoyens, mais ne cherchent qu’à récolter les dividendes de leur participation au pouvoir, d’où la nécessité de penser à une autre vision, celle du recours à une équipe de compétences du genre de celle qui a dirigé la Tunisie après le sit-in d’Errahil ayant suivi deux assassinats politiques
En effet, le dialogue social avait débouché en janvier 2014 à un gouvernement de technocrates qui avait réussi à faire vire au pays une année de relative accalmie et de certaines réalisations appréciables relativement par rapport à la durée courte d’un an seulement qu’ils ont passée aux commandes de la patrie.
Or, pour les quatre années à venir, nous avons besoin d’un team de choc qui s’occupera uniquement de l’opération de sauvetage du pays, loin des tiraillements politiques et idéologiques, un team de compétences crédibles avec un rayonnement auprès des instances financières internationales afin de mettre en place une stratégie de longue haleine sachant que même les quatre ans ne seront pas suffisants pour redresser la barre, mais au moins, on aura mis les nouvelles approches sur les rails pour sortir la patrie du spectre de la faillite qui la guette .
Une pareille orientation ne peut nous mener à bon port sans une prise de conscience généralisée exigeant des sacrifices de tous dans le cadre d’un exposé clair et transparent quant à une conduite saine des affaires en optant pour la transparence et l’obligation de résultats afin de tranquilliser le peuple et lui redonner confiance qu’il n’a jamais eue envers les gouvernants, plus particulièrement après 2011.
Noureddine HLAOUI