Les bruits courent avec insistance, depuis quelques jours quant à un éventuel départ de Youssef Chahed. Un départ qui ne serait ni motivé par des considérations constitutionnelles, ni facultatif, ni encore moins voulu. De quoi s’agit-il alors ?
En effet, la question se pose surtout que Chahed semblait a été imperturbable, ces derniers temps, face à toutes les crises socioéconomiques et politiques tout en ayant l’air de dire : « j’y suis, j’y reste… »
Bien entendu, L’entourage, composé surtout de courtisans, affirment que c’est pour la stabilité gouvernementale – un argument brandi à tout bout de champ – et pour…sauver la Tunisie ! Vous avez bien lu : « pour sauver la Tunisie ». Plus encore. Youssef Chahed, lui-même, et ses courtisans n’arrêtent pas d’affirmer que sans le gouvernement, en place depuis bientôt deux ans et demi, l’Etat tunisien aurait fait faillite.
N’en parlons pas des nombreuses pages sponsorisées faisant l’éloge exagéré du chef du gouvernement lui faisant carrément le culte de la personnalité. La croissance de 2,5%, c’est lui. Les exportations record d’huile d’olive, c’est lui. Les affluences touristiques, c’est lui. L’annulation de la grève générale, c’est toujours lui. La résolution de la crise de l’enseignement, c’est encore lui. Et on en passe.
Mais la question qui se pose et s’impose est la suivante : Si légalement et constitutionnellement parlant, rien ne s’oppose à ce que le chef du gouvernement reste à son poste jusqu’aux prochaines échéances électorales, moralement et éthiquement, cela est très mal perçu car M. Chahed et son groupe sont impliqués dans la formation d’un nouveau parti, ce qui crée inévitablement des amalgames et des conflits d’intérêts entre sa mission essentielle qui est la gestion des affaires de l’Etat et des Tunisiens et celle secondaire de former un parti politique.
En effet, de par son statut, il n’est pas sur le même pied d’égalité que les autres partis. Pour preuve, des personnalités indépendantes et appartenant à d’autres formations politiques courent pour rallier le nouveau groupe alors qu’il n’a encore aucun contenu : ni programme économique, ni orientations politiques précises, ni idéologie… Rien ou si, tout le monde le surnomme le projet de Youssef Chahed.
Et quand on demande e qu’a fait M. Chahed, les Walid Jalled, Leïla Chettaoui et Sahbi Ben Fraj, défenseurs acharnés et farouches du projet, rétorquent : Il a eu le courage de dire qu’il s’oppose à Hafedh Caïd Essebsi et a entamé la guerre contre la corruption !… Et remarque importante, ce trio nous rappelle les propos vaseux qu’ils appuient, toujours par « comme a dit MONSIEUR le chef du gouvernement… Comme a dit si Youssef Chahed !!! Des fois, en l’espace de quelques minutes, ils nous sortent cette expression une dizaine de fois.
Toujours, moralement et éthiquement, ce gouvernement peut-il rester à La Kasbah jusqu’au scrutin de fin 2019 ? On rappelle que le gouvernement de Béji Caïd Essebsi avait organisé les élections de 2011 en s’engageant à ce qu’aucun de ses membres ne s’y présente. En 2014, Mehdi Jomâa en avait fait de même. Et lorsqu’il y a une insinuation qu’il pourrait se présenter, l’opinion publique l’en avait dissuadé. On parle même d’un retour précipité du secrétaire général de l’UGTT, à l’époque, Houcine Abbassi, de l’étranger pour le mettre en garde de vive voix contre cette tentation.
D’abord, parce qu’il avait signé un engagement à l’issue du dialogue national. Ensuite et surtout parce qu’il était chef du gouvernement en exercice et que cela allait créer des amalgames …comme c’est le cas maintenant.
A titre d’exemple, le séjour de Salim Azzabi, Mehdi Ben Gharbia et Sabrine Goubantini en France pour tenir une réunion avec la communauté tunisienne, en même temps que la visite officielle du chef du gouvernement à Paris a fait jaser plus d’un. La coïncide était voulue ou non, l’opinion publique a fait le rapprochement.
En effet, même si Chahed effectue une activité qui entre naturellement dans le cadre de sa mission, la confusion fait vite de s’installer dans les esprits. D’où l’hypothèse lancée par Rached Ghannouchi que le gouvernement de Chahed devrait logiquement partir et céder la place à un gouvernement de technocrates, juste pour les affaires courantes du pays et préparer les élections. Exactement comme cela était le cas pour le gouvernement de Mehdi Jomâa au sein duquel les compétences dépassaient, selon les experts, de loin, celles installées aujourd’hui à La Kasbah.
Or, tout le monde sait, que le Cheikh ne parle jamais en l’air. C’est-à-dire que l’idée avancée constitue, bel et bien, une éventualité sérieuse à prendre en considération. Il faut dire que dans les rangs du parti islamiste, on n’est pas trop confiant envers Youssef Chahed qui est en train de profiter du soutien d’Ennahdha depuis près d’un an, mais qui pourrait, le moment « opportun », faire volte-face et s’en démarquer.
Les réactions ne se sont pas fait attendre, Ajmi Lourimi, estime qu’un « gouvernement d’élections » est susceptible de provoquer le dénouement, le penseur Hamadi Ben Jaballah, connu pour sa pondération et par ses opinions pertinentes estime que, désormais, « le gouvernement de Chahed est fini » alors que Mongi Rahoui et Ayachi Hammami du Front populaire assurent que « le moment est venu pour le chef du gouvernement quitte La Kasbah… »
Les partisans de Chahed n’ont-ils pas clairement et publiquement qu’ils ne comptent pas poursuivre l’alliance avec Ennahdha et qu’ils espèrent obtenir les 109 sièges nécessaires pour gouverner en solo. D’ailleurs, c’est e gouvernement de Chahed qui vient de proposer un projet de loi instaurant le seuil de 5% pour faire son entrée au Parlement.
La morale et l’éthique veulent qu’on n’amende pas le code électoral au cours de la dernière année du mandat législatif, même si la loi est silencieuse à ce propos. Mais, l’expérience et les événements récents ont montré que Youssef Chahed a saisi toutes les opportunités lorsque la loi et la Constitution sont muettes.
D’ailleurs, les observateurs estiment que le chef du gouvernement a assez profité de l’avantage que lui procure sa présence à la tête de l’équipe de La Kasbah et qu’il est temps de quitter le pouvoir et de traiter d’égal à égal avec les autres formations politiques. C’est plus facile de trouver un gouvernement de technocrates pour 7 ou 8 mois avant les échéances électorales, mais ce sera sûrement plus ardu 2 ou 3 mois avant le scrutin.
Alors, saura t-il, enfin, écouter le bon sens et la logique et prouver que l’éthique et la morale, à vocation universelle et logique, sont parfois, voire souvent, plus importantes que les textes mis au point par des hommes à un instant bien déterminé dans un objectif bien fixé, donc obéissant à des calculs et à des intérêts étroits.