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Plus de 500 mille PME classées par la Banque centrale, dont 50 mille agriculteurs!
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Les PME sont en faillite et ne peuvent plus payer.
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En Tunisie, le taux moyen de la PME est de 18 mois et au-delà de cette durée, elle disparait.
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Environ 74 mille entreprises ont fermé leurs portes, soit un taux de mortalité d’entreprises de 39%.
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Aujourd’hui, nous travaillons avec des règlements qui dépassent un siècle.
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En Tunisie, nous faisons un code pour l’investissement pour pouvoir échapper à certaines législations
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Des lobbies économiques veulent imposer leur loi pour que l’économie n’échappe pas à leurs pouvoirs.
—- Interview exclusive d’Abderrazak Houas, porte-parole de l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (ANPME) —
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) – 72,2% des PME sont en cessation d’activités, plus de 92% se trouvent actuellement en situation de faillite, 90,3% font l’objet de poursuites judiciaires pour l’émission de chèques sans provision et 31,9% font l’objet d’un redressement fiscal. Des statistiques inhérentes qui font froid dans le dos et qui n’ont nullement besoin d’une longue dissertation ou d’explication pour tirer la sonnette d’alarme. Ce n’est pas d’ailleurs la première fois qu’on entend parler de ces chiffres ! La situation est certes alarmante, mais à qui en parler lorsque le gouvernement fait la sourde oreille !
Ce qui est bien pire encore, c’est que plus de 500 mille PME (279 personnes physiques et 192 personnes morales et 50 mille agriculteurs) sont classées par la Banque centrale de Tunisie (BCT) et ne peuvent plus avoir un crédit en raison de leur défaut de remboursement des prêts et le refus du système bancaire de les rééchelonner malgré la restructuration en 2015 des banques publiques et le pompage d’environ 700 millions de dinars en leurs faveurs. C’est ce qu’a confié d’ailleurs à Universnews, le porte-parole de l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (ANPME) Abderrazak Houas.
Ces mêmes personnes sont désormais classées dans les catégories 3 et 4, là où elles sont strictement interdites d’accéder à toute institution financière y compris la poste. Un constat qui n’est pas vraiment surprenant dans la mesure où la PME est, depuis toujours, classée comme présentant un risque environnemental et social élevé.
Il a par ailleurs déploré la marginalisation des PME alors qu’elles représentent 97,7% du tissu industriel tunisien et peuvent avoir un énorme potentiel si le contexte et le climat général de l’investissement s’améliorent en leur faveur.
Houas a par toutefois exprimé son étonnement de voir le PLF 2024 consacrer une ligne de crédit de 20 Millions de dinars au profit des PME : « A qui profiteront ces 20 MDT ! Plus que la moitié des PME sont classées par la Banque centrale (…) Elles sont accablées par des dettes cumulées depuis un bon nombre d’années (…) Elles sont aujourd’hui incapables de payer leurs dettes (…) plusieurs ont déclaré la faillite et mis la clé sous la porte. », a-t-il dit.
La survie de 99,6% des PME dépend des banques
Il a d’autre part, accusé l’Etat d’encourager l’informel à travers ses lois et ses règlements handicapants pour la PME, appelant ainsi à actualiser la base de données des entreprises : « certaines n’ont pas déclaré la fermeture car cela exige le paiement», a-t-il dit.
Par rapport à l’amnistie fiscale décidée par le gouvernement dans le cadre de la LF 2024, le porte-parole de l’Association à déploré la mise en place de telle mesure alors que les PME sont en faillite et ne peuvent rien payer, appelant cependant à supprimer carrément les dettes des PME pour reprendre un nouveau rythme.
Il a en outre indiqué, citant les chiffres de l’Institut National des Statistiques (INS), que sur les 168 mille entreprises privées créées entre 2019 et 2021, environ 74 mille ont fermé leurs portes, soit un taux de mortalité d’entreprise de 39%. Entre 2019 et 2021, le nombre des entreprises fermées a enregistré une hausse d’environ 24%. Durant la seule année 2021, 120 mille entreprises ont mis la clé sous la porte.
Encore, des pénalités qui se payent en franc
Il a contredit ceux qui pensent que la pandémie du Covid-19 est la cause principale de la dégringolade de la situation des PME en Tunisie : « La pandémie sanitaire a certainement impacté les PME mais son impact était très minime par rapport à l’ensemble des législations et des lois en vigueur qui sont extrêmement handicapantes et qui ne garantissaient pas la survie des entreprises, selon ses dires. En Tunisie, le taux moyen de survie de la PME est de 18 mois et au-delà de cette durée, elle disparait. Pire encore est que la survie de 99,6% des PME dépend des banques selon une enquête effectuée par l’association sur un échantillon de 1500 entreprises.
Abderrazak Houas n’a pas manqué l’occasion pour également exprimer son étonnement de voir, aujourd’hui, les PME travaillent avec des lois et des réglementations qui remontent à plus de 100 ans: «Aujourd’hui, nous travaillons avec des règlements qui dépassent un siècle. Il y a des lois dans le commerce et plusieurs autres domaines qui sont soumises à des ordres du haut du pouvoir comme la loi réglementant les laboratoires», a-t-il assuré.
Il a aussi cité comme exemple, le commerce illicite, également soumis, selon lui, à des lois et des pénalités qui se payent en franc. Il a pointé de doigt tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la Révolution : «Aucun n’a pris l’initiative de changer la donne et de faire évoluer les lois», a-t-il déploré.
Il a dénoncé l’émergence, à chaque fois d’un nouveau code pour l’investissement, alors que plusieurs pays ne l’ont pas, parce qu’ils ont des lois qui encouragent et stimulent l’investissement. «En Tunisie, nous faisons un code de l’investissement pour pouvoir échapper à certaines législations et parce qu’on sait très bien que nous avons une bureaucratie très complexée et des lois qui handicapent l’investissement», a encore expliqué Houas, avant d’appeler à revoir les lois en vigueur.
Des lobbies qui voulaient imposer leurs lois
«Il n’y a aucune volonté pour changer les lois», a indiqué Houas, citant l’article 411 du Code de commerce, relatif aux sanctions des chèques sans provision dont on en parle depuis 2020 en vain.
Outre les lois et l’ensemble des législations, il a pointé de doigt les lobbies économiques qui veulent imposer leur loi, pour que l’économie n’échappe pas à leurs pouvoirs. «Ces gens ont du pouvoir dans l’économie et ne veulent pas la laisser échapper à leur contrôle», a-t-il encore dit.
Il a mis au défi les autorités en place de pouvoir supprimer toutes les autorisations en vigueur: «Certaines autorisations, au moins 50%, ne peuvent pas être supprimées et à jamais car derrière chaque autorisation, il y a un groupe qui en bénéficie», a souligné Houas, appelant à mettre en place un cahier de charges sans barrières d’entrée et laisser les gens travailler, produire et investir, ce qui requiert, entre autres, la libéralisation de l’économie, selon ses dires.