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Vous êtes, peut-être, le chef de gouvernement de la dernière chance. Nous ne vous demandons pas la lune
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Rien qu’en faisant redémarrer la CPG, rouvrir la vanne d’El Kamour, rétablir l’autorité de l’Etat, rappeler les mosquées à leur mission strictement morale, la patrie vous sera reconnaissante
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Allez- vous vous rendre, chaque mercredi, au KOUTTAB pour recevoir votre réprimande et votre pensum ??
En exclusivité pour Univers News, notre cher ami, grand écrivain et communicateur, Abdelaziz Kacem cette lettre qu’il adresse directement au chef du gouvernement, Hichem Mechichi avec l’espoir qu’il en tire un minimum d’enseignements et de conseils que nous considérons comme positifs pour la suite de sa mission à La Kasbah :
« Les aléas d’une révolution qui n’en est pas une vous ont confié le gouvernail d’un navire qui prend l’eau de toutes parts. Vous voilà devant un tableau de bord où tous les voyants sont au rouge.
Vous savez mieux que quiconque la gravité de la situation où le pays est empêtré : problèmes socioéconomiques sans perspective de solution, chômage doublé d’une culture de non-travail, des bandes de malfaiteurs immobilisent des secteurs entiers de production, d’autres malfrats insécurisent les rues, des mosquées-usines continuent de fabriquer des bombes humaines à retardement, l’Éducation est sinistrée, une cinquième colonne tente de livrer la Tunisie à un Sultanat zombiesque, le cercle des pays frères et amis se rétrécit et je ne sais quelles autres calamités sont tapies dans les recoins du tunnel.
Vous êtes, peut-être, le Chef du Gouvernement de la dernière chance. Nous ne vous demandons pas la lune. À l’impossible nul n’est tenu. Ce que vous pouvez, en revanche, c’est d’essayer de calfater les avaries, en usant de toutes les prérogatives que la Constitution vous confère.
Rien qu’en faisant redémarrer la CPG, rouvrir la vanne d’el Kamour, rétablir l’autorité de l’État sur les rues de nos villes et villages, rappeler la mosquée à sa mission strictement morale, la patrie vous sera reconnaissante.
Jusque-là, en nommant deux conseillers dont la compétence et la crédibilité ne sont plus à démontrer, vous avez prouvé votre volonté de vous entourer d’hommes capables de vous aider à redresser la barre. Mais les deux collaborateurs que vous avez, à bon escient, choisis font partie des « Azlems », appellation impropre et imbécile, pour désigner les dignitaires du régime déchu. Pour cette « maldonne », vous voilà convoqué à Carthage et vertement sermonné devant des millions de téléspectateurs.
Vous n’êtes pas un potache pris en défaut par le magister. Vous êtes le Chef du Gouvernement, agissez et réagissez en tant que tel. De même, vos ministres n’ont pas à subir d’humiliantes remontrances télévisées. Il faut que cessent ces mélodrames, voire ces psychodrames mal mis en scène. La Carthage de la dynastie prestigieuse des Barca, celle des illustres écrivains autochtones de la latinité, celle aussi du grand Bourguiba, mérite un peu plus de respect et d’humilité.
Dans l’immédiat, quelle est votre stratégie ? Allez-vous vous rendre, chaque mercredi, au kouttab, pour recevoir votre réprimande et votre pensum ? Allez-vous rompre les amarres ? Allez-vous chercher refuge au port de « Bahr al-dhulumât» (Mare tenebrarum) ? Nul ne peut choisir à votre place. Mais au cas où vous voudriez prendre votre envol, la majorité des citoyens serait à vos côtés. Je n’en veux pour preuve que le tollé général qu’a suscité l’humiliation imméritée dont vous avez été l’objet.
Un dernier conseil. Ne vous laissez pas écraser par la lourde tâche, ni vous impressionner par des références surannées. Réservez un peu de temps pour la lecture. D’ores et déjà, je vous suggère de lire le livre (sous presse) de Hela Ouardi, sur les errements tragiques du deuxième Prince des croyants. Il est édifiant.
À supposer que Omar Ibn al-Khattab ait été le calife exemplaire dont parle une hagiographie, pour le moins, exacerbée, il demeure un anachronisme sans rapport ni apport au quotidien des Tunisiens.
Veuillez transmettre l’expression de ma sympathie à MM. Taoufik Baccar et Mongi Safra. »
A.K