TUNIS – UNIVERSNEWS – Au commencement cette déclaration de Sihem Nemsia, ministre des finances. Cette dernière a révélé aux medias, le 3 novembre sur la chaîne privée Attassia, que le Conseil national de la fiscalité a évoqué «l’idée d’instaurer un impôt sur la fortune, principalement, sur le patrimoine immobilier, en attendant d’approfondir le mode d’application de cette taxe dite également du patrimoine».
Elle a noté que l’orientation, actuellement, dans le monde, privilégie, justement, l’impôt sur l’argent, plutôt que sur les bénéfices et les revenus, et s’il va y avoir un impôt sur la fortune, ce sera dans le cadre de la réalisation de la justice sociale et concernera notamment les biens immobiliers. Le principe est simple, selon elle, « celui possède le plus payera plus d’impôts ».
En fait, on a commencé à cogiter sur cette fiscalité du patrimoine ou taxation du patrimoine lors de la période de confinement sanitaire imposé par le Covid-19. Ce type de fiscalité a été identifié comme une piste à explorer pour relancer la croissance après la pandémie. Qu’en est-il exactement ?
Ce type de fiscalité se définit comme étant l’ensemble des impôts prélevés sur la détention de capital (impôt sur la fortune, taxe foncière…) et sur la transmission de capital (changement de propriétaires, droits d’enregistrement et de succession…).
Toujours sur le plan théorique, ces divers impôts sont calculés à partir de l’importance du patrimoine transmis ou détenu (ce qui suppose pour la plupart de ces impôts d’en estimer la valeur).
Concrètement, la taxation du patrimoine peut prendre trois formes : la taxation des revenus du patrimoine (intérêts, loyers, royalties…), la taxation du stock de patrimoine et la taxation de la transmission du patrimoine (au décès ou au court de la vie).
Des partisans de sensibilité gauchiste
En Tunisie, cette taxation est réclamée, à gorge déployée, par toutes les forces de sensibilité de gauche. Leur argumentaire est simple. Elles considèrent inadmissible que le PIB du pays soit réalisé seulement par 5% de la population, représentant les plus fortunés du pays. D’où l’impératif de les taxer fortement, et ce, «dans un souci, d’équité, de justice et de solidarité sociale», selon Mme Nemsia et le FMI.
Globalement, «ce type d’impôt est présenté par le législateur comme un outil de redistribution des richesses, évitant au pays de se retrouver dans une situation de blocage due à une augmentation des inégalités ».
En d’autres termes, l’administration fiscale estime que la possession d’un patrimoine important permet par exemple d’emprunter à de meilleurs taux compte-tenu d’un risque moindre pour la banque qui effectue le prêt.
C’est l’argument dit de justice sociale, conçu comme un moyen de lutter contre le «cercle d’accumulation». Le possesseur de capital, grâce à son capital, capte du capital qui vient s’ajouter à son capital et lui permet de capter toujours plus de capital.
Les patrons craignent la non-transparence et autres choses…
Pour leur part, les néolibéraux du pays sont également appâtés par la taxation du patrimoine. En théorie, il s’agit, pour eux, de renforcer le mécanisme du marché visant à exproprier ceux qui profitent de rentes.
Le but recherché est d’accroître par la fiscalité la sanction par le marché des comportements non-rentables, voire des patrimoines non productifs (logements secondaires fermés, œuvres d’art, antiquités, collections de tous genres…). L’idéal d’un impôt sur le patrimoine, serait pour eux un impôt qui taxe les patrimoines improductifs.
En Tunisie, les patrons sont toujours méfiants de toutes les réformes que leur propose l’administration. Les représentants de la centrale patronale ont déclaré aux médias «craindre que l’impôt sur la fortune ne se transforme en une mesure populiste, destinée plutôt à connaître le patrimoine et les biens de chacun».
Certains hommes d’affaires tunisiens pensent que l’institution de cette taxe du patrimoine risque de provoquer une fuite des capitaux. La France a connu ce phénomène avec la migration d’artistes fortunés (Johnny Holiday, Gérard Depardieu…) vers d’autres pays plus avantageux fiscalement.
Un impôt contre-productif et désincitatif
A titre indicatif, à ce sujet, le débat est encore vif en Europe. Ainsi « posséder un château pour s’y promener tout seul est particulièrement non rentable, mais l’impôt sur le patrimoine peut forcer son propriétaire à obtenir un rendement en y organisant des visites ».
Pour ces mêmes néolibéraux, la forte augmentation des patrimoines, ces dernières années, par l’effet de la hausse du prix des actifs financiers et immobiliers (hausse des marchés d’action, bulle immobilière), devrait être une raison valable pour initier une fiscalité sur les patrimoines, afin de dissuader la recrudescence de l’économie de rente.
En général, dans le monde, peu de pays ont mis en place un impôt sur le patrimoine. La fiscalité du patrimoine reste relativement marginale comparée aux autres formes de taxation.
Le plus souvent la règle suivie, quand c’est le cas, consiste à imposer le patrimoine aux fins de toucher une minorité de grandes fortunes (comme en France) ou de le généraliser à tous les ménages (comme en Suisse, Suède et Norvège).
Les quelques succès enregistrés en la matière sont signalés en Suisse, au Norvège, en Espagne et en France où ce type d’impôt est prélevé de façon annuelle.
Brahim