Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre
TUNIS – UNIEVRSNEWS Lors de la commémoration du 23 ème anniversaire du décès du leader Habib Bourguiba, le 6 avril dernier à Monastir, le président Kaïs Saïed a clairement rejeté l’accord négocié par le gouvernement Bouden avec le FMI.
Malgré toutes les pressions internationales et non des moindres, Mmes Meloni et Leaf, Mrs Blinken et Borell, le Président n’a pas cédé. Son principal argument : l’accord avec le FMI affectera en premier le pouvoir d’achat de la classe la plus modeste. Et il a raison. Sans mesures d’accompagnements – ciblées ou non – et qui ont un coût budgétaire, cette classe subira une dégradation substantielle de son pouvoir d’achat.
L’argument : un défaut de la Tunisie sur le remboursement de la dette extérieure. Aujourd’hui nos réserves en devises étrangères sont à un niveau de 95 jours d’importations. Elles étaient de 122 jours à la même période l’année dernière au cours de la laquelle le gouvernement a bâti sa loi de finances sur un accord avec le FMI qui n’a pas été conclu. Nous avons consommé 27 jours de réserves en devises grâce notamment à la bonne tenue des transferts des TRE (Tunisiens résidants à l’étranger) et aux recettes du tourisme.
Les résultats du premier trimestre de l’année 2023 confirment cette tendance avec une dynamique soutenue des recettes des TRE et du tourisme (des packages unitaires à + 6% en € et des stop sale !, du jamais vu depuis plusieurs années). D’ailleurs ces recettes couvrent le service de la dette extérieure du premier trimestre avec un excédent de 450 millions de dinars. En outre la bonne orientation des échanges de biens et de marchandises fait que le déficit du commerce extérieur est en net recul. Avec tout de même un petit bémol pour le reste de l’année : la mauvaise récolte céréalière nous imposera des importations plus importantes de blé et dérivés et le rebond du prix du baril de Brent, après la décision surprise des pays de l’OPEC + de retirer plus de 1 million de barils de la production journalière de pétrole, affectera nos importations énergétiques.
Toutes choses égales par ailleurs et sans l’accord du FMI qui débloquerait conséquemment d’autres financements extérieurs, nous terminerions l’année avec des réserves en devises entre 65 et 70 jours. Donc on est loin du défaut de paiement de la dette extérieure en 2023. Il y aura, certes, une pression sur la tenue du dinar et la BCT apportera certainement la réponse adéquate par un tour de vis supplémentaire de sa politique monétaire. Le taux directeur atteindra vraisemblablement le niveau de 9% d’ici la fin de l’année.
Se préparer pour 2024 et 2025.
L’échéancier de remboursement de la dette extérieure connaîtra un pic en 2024 et en 2025. Il faudra absolument s’y préparer dès aujourd’hui et compter sur nous-mêmes.
Structurellement : abandonner le laxisme budgétaire et revenir à une gestion plus rigoureuse des dépenses publiques pour revenir à un déficit budgétaire en dessous des 3% d’ici 2025, avec surtout un excédent primaire à partir de 2024 pour infléchir le ratio de la dette publique. Il est impératif de réviser en profondeur la politique salariale publique en y insérant la productivité comme critère principal d’augmentation salariale. Il demeure entendu que la révision de cette politique salariale se fera par la négociation avec les partenaires sociaux.
Conjoncturellement : après le rejet de l’accord avec le FMI il y a une opportunité en 2023 pour décréter une amnistie fiscale et de changes. Ce sera une amnistie ponctuelle sur les recettes non déclarées et les devises du marché parallèle pour les ramener vers le circuit formel tout en instaurant des gardes fou pour éviter le blanchiment. Il s’agit d’inciter le secteur informel d’aller vers le secteur formel.
On pourra s’attendre à des recettes conséquentes compte tenu des différentes évaluations qui mettent le secteur informel dans des proportions plus ou moins importantes de la richesse nationale produite.