TUNIS – UNIVERSNEWSLe Fonds monétaire international (FMI) va revoir à la baisse ses projections pour la croissance mondiale en 2022 et 2023, a annoncé la directrice générale, Kristalina Georgieva, et ce, lors de la réunion hybride des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G20) à Bali.
Ainsi, Kristalina Georgieva exhorte les dirigeants du G20 à se mobiliser face à des perspectives mondiales « exceptionnellement incertaines ».
Voici la déclaration intégrale :
« Je tiens à remercier le gouvernement indonésien pour son accueil, ainsi que la ministre des Finances Sri Mulyani Indrawati et le gouverneur Perry Warjiyo pour leur gestion avisée des réunions du G20 dans un contexte mondial de plus en plus difficile.
J’aurais souhaité que les perspectives économiques mondiales soient aussi radieuses que le ciel de Bali ; ce n’est malheureusement pas le cas. La situation s’est considérablement assombrie et l’incertitude est exceptionnellement élevée. Les risques de détérioration contre lesquels le FMI avait déjà lancé des mises en garde se sont concrétisés.
La guerre en Ukraine s’est intensifiée, exerçant des pressions supplémentaires sur les prix des matières premières et des denrées alimentaires. Le resserrement des conditions financières mondiales est plus important que prévu. Enfin, les perturbations liées à la pandémie et les nouveaux goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pèsent sur l’activité économique.
En conséquence, nous annoncerons dans le courant du mois une nouvelle révision à la baisse de nos projections pour la croissance mondiale en 2022 et 2023, dans la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale. En outre, les risques de détérioration demeureront et pourraient s’aggraver, en particulier en cas de persistance de l’inflation, ce qui nécessiterait des interventions encore plus poussées des pouvoirs publics, qui pourraient avoir des répercussions sur la croissance et exacerber les effets de contagion, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement. Les pays dont le seuil d’endettement est élevé et la marge de manœuvre limitée seront confrontés à des tensions supplémentaires. La situation au Sri Lanka, par exemple, est un signal d’alarme.
En outre, les pays émergents et les pays en développement ont enregistré des sorties de capitaux soutenues pendant quatre mois consécutifs. Ils courent désormais le risque de voir anéanties trois décennies de rattrapage des pays avancés, et même de prendre davantage de retard ».
Comment manœuvrer dans cet environnement particulièrement difficile ? Je distingue trois priorités :
« Premièrement, les pays doivent faire tout leur possible pour faire baisser l’inflation, faute de quoi, la reprise pourrait être compromise et le niveau de vie des personnes vulnérables se dégrader davantage. La bonne nouvelle est que les banques centrales sont passées à l’action. La politique monétaire est de plus en plus synchronisée : plus des trois quarts des banques centrales ont augmenté les taux d’intérêt, à 3,8 reprises en moyenne. L’indépendance des banques centrales est essentielle au succès de ces mesures, ainsi qu’une communication claire et une approche fondée sur les données.
Deuxièmement, la politique budgétaire doit appuyer, et non entraver, les efforts des banques centrales pour maîtriser l’inflation. Il s’agit d’une tâche complexe. Face au ralentissement de la croissance, certaines personnes auront besoin d’un appui renforcé, et non moindre. La politique budgétaire doit ainsi réduire la dette tout en prévoyant des mesures ciblées pour soutenir les ménages vulnérables confrontés à de nouveaux chocs, notamment en raison de la hausse des prix de l’énergie ou des denrées alimentaires.
Troisièmement, un nouvel élan de coopération mondiale sera essentiel pour faire face aux multiples crises auxquelles la planète est confrontée. Nous avons besoin du leadership du G20, en particulier pour répondre aux risques liés à l’insécurité alimentaire et à un niveau d’endettement élevé. À cet égard, je me félicite que la sécurité alimentaire soit un thème central de ces réunions. L’insécurité alimentaire est synonyme de faim pour des millions de personnes. Il s’agit pourtant d’un problème qui peut être résolu. De concert avec les dirigeants de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de la Banque mondiale, du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le FMI appelle la communauté internationale à intensifier ses efforts et à collaborer pour venir en aide aux personnes dans le besoin, lever les restrictions à l’exportation, promouvoir la production alimentaire et investir dans une agriculture résiliente face au changement climatique.
Un leadership mondial fort est également nécessaire pour s’attaquer au fléau de l’endettement élevé, qui a atteint des sommets sur plusieurs années. Plus de 30 % des pays émergents ou en développement sont en situation de surendettement ou s’en rapprochent. Pour les pays à faible revenu, ce chiffre atteint 60 %. Compte tenu du resserrement des conditions financières et des dépréciations des taux de change, le service de la dette constitue un fardeau très lourd, voire insupportable pour certains pays.
Dans ce contexte, il est primordial que le cadre commun du G20 tienne ses promesses. Il est encourageant de constater que les trois comités de créanciers de l’Éthiopie, du Tchad et de la Zambie se réunissent cette semaine. Nous devons obtenir des résultats. Le monde entier nous regarde.
De nouvelles règles et de nouveaux échéanciers devraient être établis pour le cadre commun. Il est également important d’étendre la couverture aux pays ne bénéficiant pas de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD). J’engage vivement le G20 à définir ensemble la marche à suivre et à agir sans délai. La situation de la dette se détériore rapidement et un mécanisme efficace de résolution de la dette doit être mis en place.
De manière plus générale, le G20 est essentiel pour relancer les efforts collectifs visant à réaliser les ambitions mondiales communes. Il s’agit notamment de faire avancer la réaffectation de droits de tirage spéciaux (DTS) afin d’amplifier l’effet de la récente allocation de DTS que le FMI a effectuée pour un montant de 650 milliards de dollars.
Je me félicite du rôle moteur joué par le G20 pour aider le FMI à mettre en place un nouvel instrument, le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, avec près de 40 milliards de dollars de promesses de dons. Le moment est venu de transformer ces promesses en contributions effectives afin que ce nouveau fonds fiduciaire soit opérationnel d’ici l’assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale, en octobre. L’urgence de l’appui à nos pays membres vulnérables pour relever les défis structurels à long terme, en particulier ceux liés au changement climatique et aux pandémies, ne saurait être plus grande.
Je tiens également à remercier les membres du G20 qui ont déjà annoncé au FMI des ressources de prêt pour le fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, à hauteur de près de 8 milliards de DTS (10,5 milliards de dollars), soit environ les trois quarts du montant nécessaire. Je suis convaincue que d’autres promesses seront faites prochainement.
Pour terminer, nous ne pouvons pas perdre de vue la crise la plus urgente de toutes : le changement climatique. Il est impératif d’accroître les ressources financières consacrées à la transition climatique, et il est essentiel que les États signalent clairement leur volonté de décarboner leur économie. La baisse des prix de l’énergie offre aux pays une opportunité d’accélérer la tarification du carbone ou des mesures équivalentes.
Le FMI continuera d’appuyer le G20 sur ces priorités et sur d’autres. Je me réjouis de vous retrouver à notre prochaine réunion en octobre 2022 ».
I.Z. d’après communiqué