Tawfik BOURGOU*
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Il n’est pas pensable qu’un seul Etat, Israël en l’occurrence ait pu agir seul, mais la validation par l’administration américaine de telle attaques sont nécessaires
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L’administration américaine ne pouvait pas ne pas être au courant, via la centrale du renseignement d’une telle attaque qu’elle a autorisé
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Il est vraisemblable aussi que certains « services amis » des services israéliens ont pu mettre à disposition du Mossad une ou plusieurs plateformes opérationnelles
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Cette opération force l’Iran et ses alliés à réagir s’ils veulent maintenir un semblant de crédibilité.
TUNIS – UNIVERSNEWS – Les explosions à distance de « pagers » (bippers), de talkies-walkies et vraisemblablement d’autres objets techniques fonctionnant par batteries au Liban et en Syrie (vraisemblablement en Iran aussi), opérées par les services de renseignements et l’armée israélienne aboutissent à trois conclusions momentanées et partielles, mais qui montrent que le Moyen-Orient est un champ de guerre totale : la technique employée et son caractère inédit, les complicités au moins américaines, la probable explosion du Moyen-Orient à la suite d’une attaque israélienne qui a atteint principalement des citoyens libanais, des femmes, des enfants.
La technique utilisée pour faire exploser à distance les fameux bippers n’a pas été encore précisée et donc peu de certitude quant au modus operandi. Il parait néanmoins incertain qu’il s’agit d’un simple piégeage par de mini-charges explosives, opérées à distance à un moment donné et bien longtemps après la mise à disposition des boitiers. Il est impensable que des centaines de mini-charges, aient pu être dissimulées en attendant d’être actionnées des semaines, voire des mois après la mise en service des bippers. Aucun service de renseignement, ni aucune armée n’auraient risqué de piéger des boitiers et d’attendre l’heure H avant d’actionner les explosions. Le risque que le stratagème soit découvert était trop grand. Une simple panne, une perte d’un des boitiers, un choc non voulu aurait déclenché une des charges et aurait très certainement alerté les autres utilisateurs.
Il est vraisemblable que l’action à distance ne ciblait que les batteries qui, en raison de leurs compositions, soumises à une sollicitation à distance, pourraient avoir chauffé et occasionné de graves blessures et des morts. Subsiste une question pour l’heure non résolue. A quel type de sollicitation peut-on soumettre, à distance, ces appareils pour les amener à une surchauffe et à une explosion incendiaire ? S’il s’agit par exemple d’appels simultanés, concentrés et dirigés. Dans ce cas précis, il n’est pas pensable qu’un seul Etat, Israël en l’occurrence ait pu agir seul dans le cadre d’une guerre électronique, l’aide logistique et technique, mais aussi la validation par l’administration américaine de telle attaques sont nécessaires et ce même s’il devait s’agir d’une interception des bippers et de leurs piégeages avant leur livraison à l’Iran et au Hezbollah. Là aussi, la complicité des fabricants taiwanais devient évidente et pose la question de la contrepartie d’une telle aide prodiguée par les taiwanais aux israéliens.
Malgré ses rapides dénégations, l’administration américaine ne pouvait pas ne pas être au courant, via la centrale du renseignement d’une telle attaque qu’elle a autorisé, ne serait-ce que pour mettre à l’abri ses officiels, militaires et citoyens au Moyen-Orient.
Ce type d’actions est partagé avec des « services amis » d’abord dans le cadre d’une coopération, souvent aussi pour un partage des frais financiers et techniques de l’opération. Il est vraisemblable aussi que certains « services amis » des services israéliens ont pu mettre à disposition du Mossad une ou plusieurs plateformes opérationnelles pour exécuter un plan d’une telle ampleur.
Dernier point et non des moindres, celui de l’inéluctable riposte du Hezbollah. Malgré le « gap » technologique, le décalage de moyens, de capacités entre l’arc chiite d’un côté, les israéliens et les américains de l’autre, il est impensable que l’Iran et le Hezbollah ne réagissent pas, sauf à disparaitre totalement. Cette opération force l’Iran et ses alliés à réagir s’ils veulent maintenir un semblant de crédibilité.
Depuis le Liban, en Syrie et en Irak, un cycle de violence semble se déclencher à nouveau et une confrontation Iran-Israël directe ou indirecte semble désormais inéluctable. Dans ce Moyen-Orient en processus de démolition depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003, c’est un cran de plus qui vient d’être enclenché vers une déflagration d’une rare ampleur. Cette opération force l’Iran et ses alliés à réagir s’ils veulent maintenir un semblant de crédibilité.
T.B.
*Politologue