- Kaïs Saïed pousserait à faire dépasser le délai constitutionnel pour pouvoir désigner lui-même la personnalité de son choix.
- Quelle sera la riposte de Rached Ghannouchi face à un Saïed qui s’avère difficile à manœuvrer ?
- Soutenu par Ennahdha, Jemli ne tiendrait pas compte des avis de Saïed et ferait un passage en force en soumettant la composition gouvernementale au vote de confiance
Le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli a déclaré, à l’issue d’une entrevue avec le président de la République Kaïs Saïed, que l’annonce de la composition du gouvernement ne se fera pas aujourd’hui vendredi 27 décembre 2019.
Et d’ajouter qu’il a informé le chef de l’état d’avancement des négociations en cours pour la formation d’un gouvernement composé d’indépendants comme il l’avait annoncé auparavant.
Habib Jemli s’est dit déterminé à procéder à une vérification de la compétence et de l’intégrité des candidats et à leur position apolitique, formant le vœu d’annoncer la composition de l’équipe gouvernementale dans les plus brefs délais.
A rappeler que M. Habib Jemli avait entamé, depuis le 19 novembre, à Dar Dhiafa à Carthage, des concertations autour de la formation du futur gouvernement.
Cette annonce a été faite par Habib Jemli, le visage blême, ce qui confirme les bruits ayant couru quant à l’existence d’un clivage entre la présidence de la République et le parti Ennahdha qui a proposé Habib Jemli en tant que chef de gouvernement chargé.
Le contenu de la déclaration laisse entendre clairement la touche de Kaïs Saïed, car l’indication concernant « la vérification de la compétence et de l’intégrité des candidats et à leur position apolitique » qui ne peut être la vraie volonté de M. Jemli, mais probablement, voire certainement celle du chef de l’Etat qui pousserait, selon les observateurs à faire dépasser le délai constitutionnel pour pouvoir désigner lui-même la personnalité de son choix.
Or, ce que nous savons et comme le stipule la Constitution, le président de la République a son mot à dire, seulement pour les deux ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Et encore puisque c’est juste à titre consultatif et sans droit de véto.
Et aux dernières nouvelles, le président de la République aurait, outre les réserves émises concernant les deux portefeuilles de la Défense et des Affaires étrangères, revendiqué le rattachement de la Coopération internationale au département des Affaires étrangères ainsi que des objections émises concernant certains noms pour d’autres postes.
Or, selon les milieux proches d’Ennahdha, Habib Jemli, à part une possible révision des noms pour les deux ministères sus indiqués, ferait un passage en force, avec le soutien du patron d’Ennahdha, en soumettant le gouvernement au vote de confiance à l’ARP.
Ainsi, la crise de confiance et les clivages entre les deux têtes de l’exécutif s’installent d’une manière précoce laissant présager d’une quinquennie très difficile à gérer et à mener jusqu’à son bout, sachant qu’il est préférable de prendre l’avis des sommités parmi les spécialistes de droit constitutionnel afin de trancher quant à la possibilité pour le président de la République d’avoir un avis obstructif à propos de la formation du gouvernement.
Et tout état de cause, les analystes sont persuadés que le bras de fer est engagé entre le président de la République et le président d’Ennahdha et de l’Assemblée des représentants du peuple. Et tout indique que Kaïs Saïed n’a pas digéré le camouflet que lui avait fait subir Rached Ghannouchi en refusant de poursuivre les négociations avec les deux partis d’Attayar et d’Echaâb. Et conseillé par un staff dont certains seraient réputés par leur caractère revanchard, M. Saïed vient, donc, de rendre la monnaie à l’homme fort d’Ennahdha.
Noureddine HLAOUI