- L’amendement réduit la peine de prison à 2 ans et une pénalité estimée à 20% du montant, à dépénaliser les chèques ne dépassant pas 5 mille dinars et à plafonner les chèques à 30 mille dinars
- La nouvelle loi prévoit la suspension de la peine et l’annulation des frais et des pénalités, si l’émetteur règle le problème durant la période d’incarcération
- Seulement 30% des demandes de l’ANPME prises en compte alors que d’autres propositions, dont la suspension de la peine de prison, n’ont pas été pris en comptes
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF – Red.) – Le projet de loi amendant et complétant certaines dispositions du code du commerce a été adopté, dans la soirée du mardi 30 juillet 2024 sous la Coupole du Parlement, avec 127 voix pour, deux abstentions et une voix contre. Le projet de loi se compose de six chapitres, dont trois ont été amendés. Les différents chapitres ont été votés au total par 125 députés.
Les principaux amendements ont porté sur la révision globale des articles du Code de commerce relatifs au chèque sans provisions, dont notamment l’amendement de l’article 411 par la modification de la criminalisation et du régime des peines décidées. La révision des dispositions concernant le délit d’émission de chèque sans provisions vise, entre autres, à renforcer la responsabilité des institutions financières, améliorer les pratiques bancaires et développer les fonctions économique et sociale des banques.
Désormais, l’amendement du Code de commerce réduira la peine de prison à 2 ans et une pénalité estimée à 20% du montant, à dépénaliser les chèques ne dépassant pas 5 mille dinars et à plafonner les chèques à 30 mille dinars.
Avant cet amendement, la peine de prison s’élève à 5 ans par chèque rejeté. Les nouveaux textes auront un effet rétroactif, ce qui fait que les nouvelles dispositions touchent ainsi les personnes actuellement en prison.
S’agissant des détenus honorant leurs engagements financiers lors de leur incarcération, la nouvelle loi prévoit la suspension de la peine et l’annulation des frais et des pénalités. Ainsi, les poursuites judiciaires ne peuvent désormais être engagées que par le bénéficiaire du chèque et d’une manière systématique, comme avant.
Sanctionner la fraude intentionnelle
Dans une déclaration ce mercredi 31 juillet 2024 à Universnews, Abderrazak Houas, porte-parole de l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (ANPME), a annoncé que 30% seulement des demandes de l’Association ont été satisfaites alors que le reste des propositions, dont la suspension de la peine de prison n’ont pas été pris en comptes : « Malheureusement, la peine de prison est maintenue pour les émetteurs de chèques sans provisions dont le montant dépasse 5 mille dinars », a-t-il regretté.
Il a par ailleurs indiqué que dans les pays développés à l’instar de la France, le Canada et la Suisse, la peine de prison a été levée sur les chèques en bois mais tout en gardant la peine de prison dans certains cas comme la falsification ou l’utilisation frauduleuse d’un chèque : « C’est seulement dans le cas où la fraude est intentionnelle qu’on peut autoriser la peine de prison et ça devrait être criminalisée par la loi, même en dehors de cette loi relative aux chèques sans provisions », a-t-il dit.
Abderrazak Houas a toutefois évoqué deux points positifs à savoir la réduction de la peine de prison à deux ans et la dépénalisation des chèques ne dépassant pas 5 mille dinars. Avant, la loi prévoit une peine d’emprisonnement de 5 ans et une amende de 40% du montant du chèque en cas d’émission d’un chèque sans provisions. Des poursuites civiles seront toutefois engagées contre les chèques sans provisions de moins de 5 mille.
Il y a toujours des risques
Globalement, il a qualifié cette loi de positive étant donné qu’elle va donner une bouffé d’oxygène aux PME bien que cela ne va pas trop durer, selon ses dires. Et d’expliquer que la nouvelle loi exige à l’émetteur de chèque sans provisions, en cas de défaillance, de payer dans une durée de trois ans : 20% devront être remboursés durant la première année et le reste (80%) dans deux ans, ou bien payer 10% durant la première année puis rembourser le reste (90%) durant les deux autres années.
A ce titre, le président de l’ANPME a fait remarquer que cette échéance reste tributaire de la situation économique dans le pays et de la situation financière du propriétaire de la PME surtout que ce dernier est soumis au gel bancaire et ne peut pas bénéficier des lignes de financements mises en place par le gouvernement et les différentes institutions bancaires et établissements de crédit : « Selon lui, tout cela reste tributaire des lois et des législations dans la mesure où les entreprises font face à des difficultés financières énormes ce qui fait que même si elles payent leurs dues, elles risquent de ne plus reprendre leurs activités », a assuré Houas, avant d’appeler à ne pas mettre tout le monde dans le même sac, parce que la situation financière diffère d’une PME à l’autre : Des entreprises sont en cessation d’activités et d’autres ont déclaré la faillite, selon ce qu’il a dit.
Numériser les transactions commerciales
Malgré certaines défaillances, Houas n’a pas manqué d’afficher son optimisme, estimant qu’il y aura certainement d’autres changements et que l’association va continuer de défendre les intérêts des PME et travailler sur d’autres projets de loi dont l’article 411 jusqu’à la levée de la pénalisation carcérale des chèques sans provisions et l’intégration des chèques électroniques qui va mettre à terme à tous les dépassements.
« Si nous voulons vraiment lutter contre le marché parallèle, il faut numériser les transactions commerciales et aller à l’e-facture, l’e-chèque et à l’e-déclaration tout en veillant à ce que tous soient liées les uns aux autres.
Il est à noter à ce propos que la Banque centrale de Tunisie a recensé, en 2023, 417 mille chèques rejetés, représentant 1,65% du total, pour diverses raisons. La valeur de ces chèques rejetés a été estimée à 3,5 milliards de dinars, équivalant à 2,84% de la valeur totale des chèques dans les opérations de compensation.
Le rejet des chèques est attribué à des défauts de forme (0,5%) ou à un manque de fonds suffisants pour les couvrir (1%), selon la même source.