TUNIS – UNIVERSNEWS – Parmi les dysfonctionnements scandaleux dont souffre l’économie du pays, figure en bonne place l’absence d’harmonie entre les déclarations des ministres et celles des hommes de terrain (chercheurs, responsables régionaux, cadres techniques…). Tout se passe comme si chaque partie évoluait dans un bantoustan. C’est ce qu’on peut appeler de manière un peu exagérée la « bantoustanisation » de l’administration tunisienne.
A titre indicatif, la gouvernance du ministère de l’Agriculture est une parfaite illustration de cette absence de coordination. Lors de ces sorties en public, l’actuel ministre donne l’impression qu’il est en totale déconnexion du reste des acteurs de son département.
Pour preuve, en participant, le 27 octobre 2022, à Tunis, à une “table verte”, manifestation organisée par l’ambassade d’Italie en collaboration avec l’agence italienne pour la coopération de développement, sur les programmes de recherche susceptibles de renforcer les techniques de production pour protéger les écosystèmes et améliorer leur capacité à mieux s’adapter aux changements climatiques, l’actuel ministre de l’Agriculture a déclaré que son département «œuvre à développer un programme de recherche dans le domaine des semences permettant de préserver les variétés locales et de créer de nouvelles variétés hautement productives et susceptibles de résister à la sècheresse et aux maladies fongiques».
Les chercheurs ont un autre point de vue
Un mois avant cette manifestation des responsables d’établissements de recherche relevant de ce ministère déclaraient lors d’une table ronde sur « les semences et la sécurité alimentaire » que ces recherches ont été accomplies et que leurs résultats n’attendent que le feu vert politique pour être exécutés.
Fayçal Ben Jeddi, Directeur général de l’Institut National Agronomique de Tunisie (INAT) a affirmé que « la recherche en Tunisie en matière de semences est en avance de plusieurs dizaines d’années. Ses résultats sont disponibles. Il suffit de les valoriser ».
Pour sa part, Sanaa Medimagh directrice au labo des grandes cultures de l’Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT), a déclaré que l’adaptation au changement climatique et à la diminution de la pluviométrie a été pour l’INRAT une opportunité pour développer de nouvelles variétés plus résistantes.
En témoignent d’après elle, les programmes lancés au sein de l’INRAT, pour l’amélioration génétique des variétés pour la production de nouvelles variétés de cultures plus résilientes à la sécheresse. Il s’agit de la création de nouvelles variétés paysannes et de croisement de céréales (blé +orge, blé +seigle).
Pour elle, « les variétés résilientes ayant un système racinaire plus développé qui aide la plante à absorber plus d’eau que les variétés avec un système racinaire moins développé et permettre une croissance de la plante ».
Morale de l’histoire : conscients du fait qu’« un pays qui ne produit ses propres semences est un pays qui va à la dérive» les chercheurs n’ont pas chômé. Ils ont fait leur job et ont mis au point des stratégies pour développer la filière.
Cela pour dire au final qu’autant le ministre tient, à l’adresse de sponsors, donateurs et bailleurs de fonds étrangers un discours plein de promesses vagues et de professions de foi, sur un sujet aussi stratégique que les semences, autant les chercheurs tiennent un discours pragmatique et précis sur le sujet.
Ils rappellent tout simplement aux décideurs qu’en matière d’industrie semencière, les résultats de recherche sont disponibles dans les laboratoires, mais c’est l’absence de volonté politique et de vision stratégique qui font que la filière des semences ne soit pas assez développée dans le pays.
Brahim