« Nous sommes à -9% de croissance, nous venons d’être dégradé dans la notation souveraine, une dette record à 100% du PIB, un chômage à niveau jamais atteint de 17,4% sans parler de celui des diplômés du supérieur, balance commerciale fortement négative, décrochage scolaire exponentiel (plus de 100 000 élèves), migration clandestine qui ne peut être stoppée… Bref, la liste pourrait être prolongée. En résumé le tableau national est plus laid que celui de La Duchesse de Metsys. », dixit Kais Mabrouk, spécialiste en enseignement supérieur et en éducation.
Un triste constat qu’il a voulu concrétiser à travers un sondage réalisé sur le réseau social professionnel LinkedIn intitulé « Pensez-vous que la manifestation d’hier à Tunis était utile pour donner un nouveau souffle au pays ? ».
Contacté à ce sujet, Kais Mabrouk précise : «Il faut d’abord préciser que ce sondage, réalisé sur LinkedIn est différent des autres réseaux sociaux comme Facebook par exemple. Autrement-dit, on bénéficie d’un engagement fort de tout un réseau professionnel qui est avisé immédiatement de tout ce que l’on publie. On a eu plus de 200 votes dans ce sondage. »
Il a tenu également à préciser que les sondés appartiennent à une catégorie socioprofessionnelle spécifique (cadres supérieurs, startupeurs, enseignants…).
« Ce sondage prouve qu’une grande majorité des gens sont défavorables à cette initiative. Ils n y trouvent pas un réel intérêt par rapport à la situation actuelle. Il y a des efforts et des priorités qui sont plus urgent qu’un exercice de show. Autre chose : c’est que le gouvernement actuel supposé technocrate et le parti Ennahdha ne font qu’un. Telle est la perception des cadres » a ajouté dans ce contexte M. Mabrouk.
Selon-lui, la démonstration de force auprès des intellectuels n’a pas été fructueuse, contrairement au citoyen Lambda qui constitue le grand public ou la masse. Avec le relais des médias on a bien vu qu’Ennahdha a montré sa capacité à mobiliser les gens et à montrer son soutien populaire à travers le soutien de milliers de manifestants. Mais vis-à-vis de l’intellectuel tunisien ou des gens éduqués, c’est une manifestation de faiblesse !
A cela, il s’explique : « La force ultime d’un parti politique avec la capacité à mobiliser des gens dans la rue à l’instar de l’UGTT qui arrive grâce à son poids et à sa crédibilité, à attiser la ferveur populaire. Cependant, ces pratiquement sont généralement utilisées par l’opposition. Aujourd’hui, l’assemblée est aux mains d’Ennahdha et on l’a vu lors du dernier passage au vote. Même le gouvernement Mechichi, n’a pas eu le même nombre de votes quand il s’est présenté comme les 4 ministres de remplacement.
Continuant sans sa lancée, Kais Mabrouk précise qu’un parti qui a le gouvernement et l’assemblée dans sa poche, s’est même contenté de faire en sorte que Kais Saïed soit un président d’obédience Nahdhaouie.
L’Etat profond est en train de se métamorphoser de l’époque RCDiste en passant vers les soutiens d’Ennahdha. Se sentant déstabilisé, le parti a voulu encore une fois montrer sa force. Aujourd’hui, je pense qu’Ennahdha doute et ceci est la preuve de fin de vie d’une légitimité globale.
« Finalement, Ennahdha refait tout ce qu’elle a reproché au RCD (remplissage de bus, paiement de manifestants…). D’un point de vue politique, c’est une belle conclusion. Finalement, tous les prétendants au pouvoir convergent vers les mêmes résultantes. Et c’est là ou le sondage est déterminant, c’est que ce genre de manifestations ou d’envahissement d’espace public, au détriment des règles de distanciation sociale et sanitaires imposées par le gouvernement lui-même ! Un paradoxe en soi… » conclu-t-il.