-
Course contre la montre entre partisans « accélérateurs » et prudents « ralentisseurs »…
Le traitement du Coronavirus par la Chloroquine soulève des polémiques monstres surtout en France où les partisans de son utilisation immédiates et ceux qui réclament la prudence en attendant que des études plus poussées soient effectuées
En effet, malgré des études fragiles, le médicament à base de chloroquine est inclus dans les essais «officiels ». La pression monte pour demander son recours massif et immédiat tandis que d’autres voix incitent à la prudence. Le Haut-conseil de santé publique, et l’Organisation mondiale de la santé ont demandé sa prescription uniquement pour les formes graves, et sous surveillance hospitalière.
L’OMS a condamné, lundi 23 mars, l’administration de médicaments aux malades du Covid-19 avant que la communauté scientifique ait reconnu leur efficacité. Elle a mis en garde contre « les études réduites » pouvant créer de « faux espoirs ».
En France le Haut-conseil de santé publique a recommandé de ne pas utiliser l’antipaludique chloroquine sauf pour les formes graves, et « sur décision collégiale et surveillance médicale stricte ». Le gouvernement va prendre un arrêté pour encadrer le recours à ce traitement.
L’hydroxychloroquine, qui est utilisée pour les essais cliniques contre le Covid-19, est un dérivé de la chloroquine. Le médicament, commercialisé en France par Sanofi sous le nom de Plaquenil est essentiellement utilisé pour des traitements antirhumatismaux (polyarthrite rhumatoïde) ou contre le lupus (maladie auto-immune). La posologie varie de 400 mg à 600 mg/jour (pour un adulte) en début de traitement et diminue ensuite.
Les principaux effets secondaires à long terme sont des affections de la rétine. Mais des surdosages peuvent provoquer des problèmes cardiaques et respiratoires potentiellement mortels. Comme pour la plupart des produits de cette classe, la dose efficace est proche de la dose toxique, d’où le réel danger de toute automédication.
Des résultats prometteurs, des études critiquées
Avec ces recommandations, difficile de ne pas y voir une adresse au professeur marseillais Didier Raoult, qui a suscité la polémique et quelque peu tordu le bras aux autorités sanitaires françaises et à l’OMS pour faire de la chloroquine (ou plutôt de l’hydroxychloroquine) le médicament incontournable dans la quête effrénée d’un traitement au coronavirus.
Relayant une étude chinoise montrant des prometteurs résultats « in vitro, Dr Raoult publie sur Internet une vidéo titrée : « End Game », mais depuis retirée. D’près lui, l’hydroxychloroquine, sur laquelle il avait lancé un essai clinique, nous sauverait du coronavirus. L’emballement médiatique est immédiat.
Le 18 mars, le Dr Raoult présente sa propre étude, lors de laquelle les patients reçoivent de l’hydroxychloroquine associée ou non à un antibiotique : les résultats sont apparemment spectaculaires. Mais immédiatement critiqués par la communauté scientifique.
Il faut dire que la recherche n’a porté que sur 20 patients et n’a pas respecté les règles méthodologiques. « On ne peut rien en conclure », modèrent de nombreux scientifiques. Mais l’écho est si fort que la piste ne peut être négligée.
La chloroquine est incluse en dernière minute, en accord avec un OMS réticent, dans le vaste essai clinique européen piloté depuis la France. L’essai d’au moins 3 200 patients (dont 800 Français) devait porter sur trois médicaments, il en testera quatre.
« Pour les cas les plus graves »
En fin de semaine dernière, l’affaire a pris une tournure plus politique, Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR a exhorté le gouvernement à « ne pas prendre de retard » et à donner de la chloroquine à tous les patients présentant des complications.
Son proche, le Nantais Jean-Luc Harousseau, ex-président de la Haute autorité de Santé renchérit : «C’est la guerre, on ne va pas attendre qu’il y ait 1 000 morts. On n’a rien à perdre », estimant cependant que le médicament ne devrait être prescrit qu’à l’hôpital.
Pour sa part, le ministre de la Santé Olivier Véran affirmait : « Ministre de la santé, j’ai le devoir de respecter l’exigence scientifique et sanitaire pour toute décision de traitement» précisant que les premières indications seraient là dans quinze jours.
Mais la pression monte et les risques d’usage abusif aussi. Dimanche soir 22 mars, le même ministre a insisté : « le Haut conseil à la santé publique recommande de ne pas utiliser la chloroquine sauf pour les cas graves, et sous décision collégiale des médecins. »
Le premier ministre, Edouard Philippe, en personne, est monté au créneau en déclarant :« Des essais cliniques, qui ont porté uniquement sur 24 patients, ne peuvent pas permettre une mise sur le marché de la chloroquine dans des conditions normales. C’est pourquoi nous allons poursuivre les recherches sur cette molécule et sur d’autres ».