Par Taoufik Bourgou*
En un mois, il est possible de tracer la ligne d’horizon d’un règne qui sera forcément problématique pour la Tunisie. L’échec de l’expérience qui a démarré avec cette nouvelle législature est inévitable.
Cette élection, la présidence qui en est issue, la chambre dont le pays a hérité sont un anachronisme qui achèvera d’envoyer le pays dans un sort peu enviable. Dans l’euphorie de l’élection présidentielle, la décence voulait qu’on attende avant de se prononcer. Nous étions sceptiques et réticents, nous sommes désormais dans les premières certitudes aucun péril majeur guette le pays. Le devoir est de le souligner avant qu’il ne soit trop tard.
Les gestes et les postures depuis un mois montrent que nous sommes dans une inversion du pouvoir, voire même dans une usurpation du pouvoir présidentiel et des prérogatives du chef du gouvernement par le président de l’ARP. Nous sommes d’ores et déjà dans une crise de régime qui confine au coup d’Etat constitutionnel. Zbidi en avait fait état. Ghannouchi l’a fait.
Kaïs Saïed est inexistant, incapable de jouer le moindre rôle. La raison est simple. Sa tendance à rogner par lui-même son propre domaine. En un mois, il a été incapable d’occuper sa fonction qui, rappelons-le se concentre sur la diplomatie et la défense du pays.
Aucune présence internationale, aucune visite et surtout l’absence totale d’une doctrine diplomatique, hormis quelques affirmations limitées qui confinent au slogan. Sur le plan de la défense, nous sommes dans un vide total de concept stratégique, soulignant l’ignorance totale du domaine.
Dans ce cas, le domaine réservé du chef de l’Etat, la personnification du pays, viennent de lui échapper définitivement. En déficit de charisme, incapable de peser sur la scène nationale, ne jouant que sur l’émotion collective, entouré de médiocres conseillers, il a perdu l’initiative. Il risque de passer un mandat en courant d’air et sans consistance.
En face, Ghannouchi, pressé par le délabrement de l’économie, sait que son temps est compté. Il n’a qu’une seule marge : faire de la Tunisie le passage obligé que va emprunter la Turquie vers la Libye et vers l’Algérie. Un corridor qui fera de la Tunisie une Eyala turque trois cent quinze ans après avoir quitté le giron turc. La recolonisation et la ré-othmanisation du pays sera sa seule échappatoire. Néanmoins, sans un concours immédiat et massif de la part des Turcs et des Qataris, il n’y a aucune option économique viable pour le chef d’Ennahdha.
Le piège d’une élection sans programmes, d’une présidence sans prétentions, d’un Ghannouchi sans contre-pouvoirs vient de se refermer sur un pays où le dernier recours sera la rue.
*Magister Dixit.