Par Ridha ZAHROUNI
TUNIS – UNIVERSNEWS (TRIBUNE) – Depuis des décennies, le dossier de la réforme de notre système éducatif demeure un sujet d’actualité. Les mêmes sérénades et doléances reviennent inlassablement : amélioration des conditions de travail des enseignants, réduction des programmes et du temps scolaire, entretien des infrastructures, résolution du problème de la surpopulation des classes, amélioration des conditions de vie dans nos établissements scolaires, lutte contre la violence et les cours particuliers, responsabilisation des parents et des enseignants, et augmentation des moyens financiers etc. On s’interroge régulièrement sur l’identité de l’école de demain : républicaine, citoyenne, inclusive, ou de la deuxième chance ainsi que sur la place des langues dans notre système éducatif. Pourtant, il est surprenant de constater que personne ne s’inquiète réellement de l’immobilisme dans lequel ce dossier est enlisé depuis des années. Nous continuons d’espérer des résultats différents tout en utilisant les mêmes approches. Et jamais il n’a semblé pertinent d’institutionnaliser ce dossier, une démarche pourtant essentielle pour le soustraire au marasme de la gestion du quotidien et de l’incompétence et lui donner un vrai sens et une véritable direction.
Une perspective stratégique nécessaire pour mettre le processus sur la bonne voie
Sur le plan politique et stratégique, reconnaissons d’abord que tous les systèmes éducatifs à travers le monde ont pour mission principale d’éduquer et d’instruire les enfants, afin de les préparer à devenir les femmes et les hommes de demain. L’école tunisienne ne doit aucunement échapper à la règle. Les États ont le devoir de garantir à tous leurs citoyens le droit à l’éducation et à l’enseignement, avec le concours de la société. Ces droits fondamentaux, inaliénables, distinguent l’Homme de l’animal, notamment par sa capacité à percevoir le sens de la vie et à développer sa philosophie basée sur des valeurs, des droits et des obligations dans les sphères individuelles, familiales et sociétales. Pour concevoir l’école de demain, celle qui a fait couler tant d’encre, il est impératif de définir l’Homme de demain : celui que nous espérons voir nos enfants devenir, et la société dans laquelle ils évolueront.
L’éducation doit servir tout simplement pour former le citoyen du monde
L’école doit impérativement ambitionner pour la formation du citoyen du monde, respectueux des valeurs et des éthiques universelles, conscient de ses droits et devoirs, et capable de s’intégrer dans n’importe quelle société. Ce citoyen doit être en mesure de travailler, de produire et de subvenir à ses besoins, partout et à tout moment. Sans ces conditions, on ne saurait parler de liberté, d’indépendance, d’utilité ou encore de dignité individuelle. La société dans laquelle cet individu évoluera doit garantir à tous ses citoyens justice, sécurité, stabilité, épanouissement et espoir en des jours meilleurs. En effet, l’individu constitue la base de la cellule familiale, laquelle forme, avec d’autres, la colonne vertébrale de la société. Faillir à l’éducation et à l’instruction de l’individu mettrait en péril l’avenir de toute la collectivité. Cette vision de l’éducation dépasse la simple réforme administrative ou émotionnelle. Elle exige une réflexion sérieuse sur la façon de transmettre à nos enfants l’instruction requise et sur la façon de réaliser les objectifs assignés à notre système éducatif.
Un cursus scolaire structuré en phases d’enseignement successives.
Sur le plan organisationnel et opérationnel, notre parcours scolaire est structuré en étapes successives : préscolaire, primaire, préparatoire, secondaire, puis l’enseignement supérieur ou la formation professionnelle. L’élève doit rester au cœur du système éducatif, véritable pilier autour duquel tout doit graviter. Chaque étape représente à la fois une finalité en soi et une préparation pour la suivante, guidant progressivement l’apprenant vers les niveaux d’instruction requis. Ces étapes, réparties sur un nombre défini d’années, proposent un enseignement diversifié et complémentaire dans des matières qui interagissent entre elles. L’objectif est d’offrir à l’élève des acquis solides pour qu’il puisse avancer avec mérite d’une année à l’autre. Pour atteindre cet objectif, des ressources humaines qualifiées et une logistique performante sont essentielles.
Eviter le piège des solutions magiques
Cette vision élémentaire de la mission éducative met en lumière les dangers des solutions globales souvent présentées comme des remèdes magiques à tous les problèmes du système éducatif. Bien qu’attractives, ces promesses risquent d’aggraver la situation. Les solutions proposées sont fréquemment empreintes d’émotion, d’intuition et de superficialité, sans étude approfondie ni prise en compte des besoins spécifiques de chaque étape du cursus éducatif. Une approche cohérente et efficace doit s’appuyer sur une vision claire des exigences propres à chaque niveau d’instruction, tout en intégrant des dénominateurs communs et fondamentaux, notamment : un personnel enseignant compétent et motivé ; une gouvernance transparente et efficace du secteur; des infrastructures scolaires fonctionnelles et bien entretenues ; un cadre de vie agréable et stimulant dans les établissements scolaires ; des relations harmonieuses, responsables et collaboratives entre les différents acteurs de la communauté éducative etc.
Un projet non ou mal planifié, tout en demeurant un souhait… est voué à l’échec
En conclusion, il est crucial de comprendre que la mission essentielle de l’école est d’accompagner l’apprenant dans une progression continue. Cette progression doit viser l’acquisition des connaissances, compétences, méthodes de travail et savoir-vivre, nécessaires pour lui permettre à la fois d’améliorer sa propre qualité de vie, de vivre en harmonie avec la société et de contribuer à son développement. Pour mener à bien cette mission, des éléments fondamentaux sont indispensables : des enseignants qualifiés, des espaces adaptés, des outils pédagogiques appropriés, des programmes bien conçus, un temps scolaire structuré et des dispositifs d’évaluation efficaces.
Il est impératif dans la logique de la mise en œuvre de ce méga projet de ne pas confondre les différentes dimensions de l’action éducative et de ses portées : stratégie et opérationnel, long terme et court terme, planification et exécution, aspects matériels et immatériels, subjectivité et objectivité, intérêts individuels et collectifs. Ces confusions, malheureusement fréquentes, fragilisent les décisions et compromettent l’efficacité de nos réformes éducatives.
R.Z.
Président de l’Association tunisienne des parents et des élèves