TUNIS – UNIVERSNEWS (Agriculture – M.S.) – La grenade est sans doute le fruit vedette des tables d’automne des familles tunisiennes. A la fin de leurs repas les Tunisiens ne trouvent pas mieux en cette période que d’éplucher quelques grenades et savourer ses succulents pépins au goût juteux et appétissant mais surtout aux vertus innombrables pour la santé…
Les étalages des marchés sont garnis de différentes variétés de grenades. Ce fruit est omniprésent sur les rayons des commerces sous forme de jus, de concentrés, de confitures. L’heure est à la cueillette de ces fruits à Gabès, Testour, Béja et Nabeul. La récolte a bousculé toutes les estimations atteignant les 23 mille tonnes à Gabès. Cette année, la récolte des grenades devrait enregistrer une baisse pour se situer à 96 mille tonnes contre 102 000 tonnes au cours de la saison écoulée.
Le président de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche à Gabès, Habib Dhiab a souligné que la production de grenades cette année est estimée à 20 mille tonnes, ce qui représente une baisse de trois mille tonnes par rapport à l’année précédente. « Cette diminution est due à la sécheresse et à l’augmentation des températures. Les oasis de la région de Gabès sont exposées à de réels dangers en raison de l’expansion urbaine et la faiblesse des ressources hydrauliques sans oublier le manque d’entretien ».
Il est vrai que la récolte n’est pas fructueuse et loin de rendre le sourire à leurs propriétaires. Et pour cause, le fruit s’est altéré avant maturation et tombe à même le sol avant d’être récolté. La récolte des grenades débute au mois de septembre, lorsque les fruits présentent une couleur caractéristique jaune orangée virant sur le rouge et qu’ils ne sont pas encore fendus. Elle intervient en moyenne 135 à 160 jours après la floraison, selon les variétés et les conditions climatiques.
17 variétés produites en Tunisie
L’absence de la pluviométrie n’a pas favorisé une bonne maturation du fruit rouge, dont tout un chacun se délecte de ces grains rouge-vermeil. C’est une activité lucrative pour son propriétaire de l’argent mais qui exige également des frais à engager comme l’achat des fertilisants, l’irrigation et le transport. Décidément, les fellahs essayent par tous les moyens de comprimer leurs dépenses et surtout la main d’œuvre jugée chère. C’est pourquoi, on emmène ses enfants pour atténuer les frais car on risque parfois de laisser des plumes.
La Tunisie compte près de 17 variétés produites tout au long des quatre mois de récolte. El’gabsi, Ez’zahri, El’kalaai, et El’hammouri constituent des variétés précoces de grenades. Elles mûrissent et sont cueillies en septembre. En octobre, c’est au tour des variétés dites El khadhri, El chalfi, El tounsi, El djébali, El beldi, El mezzi, El zaghouani et landolsi d’être cueillies. El chétoui et Ennabli mûrissent, quant à elles, au mois de novembre. Enfin, les variétés El blahi et El karsi sont tardives : on les cueille en décembre. Toutefois, la grande variabilité observée rend assez difficile le choix rationnel des variétés à utiliser et pourrait engendrer une grande hétérogénéité au niveau de la production et contribue à l’extinction de plusieurs types locaux. L’absence de normes bien définies d’irrigation et de fertilisation laisse apparaître beaucoup de problèmes de productivité des arbres et qualité des fruits. L’éclatement des fruits est un phénomène continu et constitue l’un des problèmes majeurs surtout dans les oasis où existent les contraintes de tour d’eau. Le grenadier résiste bien à la sécheresse, mais nécessite une irrigation correcte pour produire convenablement
De grandes opportunités d’exportation
Les grenades tunisiennes sont appréciées par plusieurs pays voisins. Les variétés les plus exportées sont : Gabsi et Tounsi. Les grenades sont exportées essentiellement vers la Libye, la Hollande, la France, l’Italie, le Qatar et le Nigéria. Au milieu d’une concurrence très rude à l’international, la grenade tunisienne est toujours en quête d’une valorisation digne de ses qualités mais surtout au niveau d’un fruit aux mille bienfaits. Ce fruit n’est pas juste un dessert mais peut être utilisé en cosmétique dans la composition de certaines crèmes de visage ou d’anti-âge, en tant que jus, ou en fameux sirop de grenadine si connu et reconnu. On le conseille aussi bien contre l’hypertension et sa décoction est souvent recommandée pour des brûlures gastriques et les vers solitaires. L’huile extraite est aussi utilisée pour soulager les rougeurs cutanées d’origine allergique ou d’intolérance au soleil, dit-on. Ce qui est sûr c’est qu’il contient en plus de l’eau et des calories, des glucides et des lipides, de la vitamine A, B1, B3, C.…, en petites quantités dans chaque 100 grammes. Pour que la Tunisie puisse améliorer sa position à l’international, la filière devra devenir plus compétitive au niveau de la productivité, la logistique, les standards de qualité et le marketing.
Problème de label de qualité
Dans ce contexte, les labels de qualité peuvent jouer un rôle important comme outils de différenciation. Pour l’instant, la production biologique couvre seulement 70 hectares en Tunisie, malgré la grande demande pour ce type de certification. D’autres labels sont également peu répandus. La seule indication géographique reconnue de la filière, celle de la «Grenade de Gabès» n’est pas utilisée en commerce, tandis que la future appellation d’origine contrôlée pour la «Grenade de Testour» n’est pas encore enregistrée. La grenade de Gabès AOC est un produit de terroir qui a pu regrouper les producteurs de plusieurs villes et villages des oasis littorales de Gabès qui se trouvent à des distances allant jusqu’à 60 km entre elles couvrant Mareth, Ghannouche, Gabès et Métouia. L’unicité de la Grenade de Gabès a été officiellement reconnue par l’Etat tunisien à travers l’octroi d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) en avril 2021. L’AOC est un label officiel certifiant la conformité du fruit aux exigences spécifiques de qualité, d’origine, de savoir-faire et de traçabilité.
De nouvelles perspectives s’ouvrent également devant cette filière, à travers la commercialisation de nouvelles variétés de grenades, à l’instar de celles destinées à la transformation. Ce qui permettra de créer de nouveaux débouchés industriels et une forte valeur ajoutée à ce produit et ses dérivés.