Le gouvernement turc, dirigé par le président autocratique Recep Tayyip Erdogan, a réprimé la liberté de la presse dans le pays et a exercé un contrôle presque total sur les médias turcs pendant de nombreuses années. Cette année, il s’est lancé dans une tentative de contrôler ce que les médias étrangers rapportent sur les développements en Turquie.
La semaine dernière, le Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTUK), qui est le chien de garde de la radiodiffusion en Turquie, a donné un délai de 72 heures aux services turcs des médias internationaux Voice of America (VOA), German Deutsche Welle (DW), et Euronews pour demander une licence. Le délai était accompagné de la menace que s’ils ne se conformaient pas et n’obtenaient pas les licences de diffusion en ligne, ils seraient interdits de diffusion en Turquie. Le régulateur a le droit d’aller en justice, à l’expiration du délai, et de fermer les sites Web.
Dans une déclaration, la Voix de l’Amérique a déclaré qu’elle ferait de son mieux pour s’assurer que son public en Turquie « ai un accès gratuit et ouvert à Internet si son service turc est bloqué par le gouvernement ».
Commentant cette décision, le journaliste Ilhan Tasci, du parti républicain d’opposition, qui est également membre du RTUK, a déclaré : « Cette décision signifie que pour la première fois, les radiodiffuseurs internationaux sont devenus la cible du chien de garde des médias en plus des médias régionaux. Elle constitue à tous égards une ingérence directe dans la liberté de la presse. »
En effet, selon un règlement publié en juillet 2019, les fournisseurs de services de médias et les opérateurs de plateformes de transmission Internet qui souhaitent fournir des services radiophoniques ou audiovisuels sur Internet sont tenus d’obtenir une licence ou une autorisation du Conseil supérieur de la radio et de la télévision selon le type de service qu’ils fournissent.
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, diverses plateformes de streaming, dont Netflix et Amazon Prime, ont demandé et obtenu des licences. Cependant, c’est la première fois que le gouvernement utilise cette autorisation pour les sites d’information.
Erdogan a utilisé cet outil comme stratagème pour renforcer la censure, imposant fréquemment des sanctions punitives aux stations de télévision et de radio indépendantes et aux sites Web qui critiquent le gouvernement turc.
Comme le souligne un rapport de Human Rights Watch publié en octobre 2020 : « La crise de la liberté de la presse en Turquie s’aggrave dans un contexte de captation croissante des médias par l’État, du manque d’indépendance des institutions de régulation et d’une nouvelle loi sur les médias sociaux conçue pour réprimer la liberté d’expression… Les plateformes de médias sociaux, ainsi que les sites d’information en ligne, sont parmi les derniers bastions du journalisme critique en Turquie après la prise de contrôle des médias grand public par l’État. »
L.M