TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF – Khemaïes KRIMI) – Le dira-t-on jamais assez ? les problèmes que connaît, de nos jours, la Tunisie ne sont pas nouveaux. Ils sont anciens et récurrents. Des déficiences comme les déficits jumeaux, le déficit des entreprises publiques, les pénuries, le chômage, la prévalence de l’Etat arbitraire…, remontent aux années 60 et 70.
Elles sont devenues, ces derniers temps, visibles parce qu’elles se sont exacerbées par l’effet de la conjugaison de trois facteurs : le tarissement de l’argent public, l’insoutenabilité de la dette extérieure et l’incompétence des gouvernants.
Réfléchissant sur les causes qui ont conduit le pays à cette situation, les observateurs avertis de la chose tunisienne ont constamment pointé du doigt la tendance fâcheuse des gouvernants à ne pas tirer les leçons des erreurs commises et surtout à ne pas évaluer, dans les temps, les résultats des choix pris dans les domaines politiques et économique. Ils ont, constamment, donné l’impression d’avoir une aversion presque génétique pour l’évaluation. Ils ont laissé ainsi traîner les choses jusqu’au pourrissement.
A titre indicatif, il y a trois sphères que les gouvernants du pays n’ont jamais voulu évaluer.
Evaluer l’effectivité de l’exécution des budgets, une obligation
La première concerne le budget annuel de l’Etat. Cet acte de politique publique par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État comporte, en principe, quatre étapes pour sa finalisation : son élaboration par le gouvernement, sa discussion et son vote par le parlement, son exécution par le gouvernement et son évaluation par le parlement (clôture du budget).
Malheureusement cette dernière étape, voire l’étape la plus importante a été, jusqu’à ce jour, occultée par les pouvoirs qui se sont succédé à la tête du pays depuis son accès à l’indépendance. Pourtant, cette étape a pour vertu de mesurer le degré de réalisation des projets budgétisés et surtout l’effectivité de leur mise en œuvre. Généralement, la clôture des budgets annuels sont annoncés par une insipide dépêche de trois à quatre lignes, diffusée par l’agence officielle TAP.
Nécessité d’évaluer de nouveau le système coopératif Le deuxième mécanisme de développement que les gouvernants répugnent d’évaluer, ce sont les plans de développement. La Tunisie a connu une douzaine de plans depuis les années 60. Toutefois, au regard des résultats obtenus, particulièrement en matière d’infrastructures, de logistique et de création d’emplois et de valeur ajoutée, la Tunisie demeure un pays sous développée.
Son économie, peu intégrée, a été qualifié dans une étude effectuée sur l’informel en Tunisie par le grand économiste péruvien Hernando de Soto, « d’économie de pré-marché, voire une économie au niveau féodal où prédomine le secteur informel. Ce secteur a pour caractéristiques : l’anonymat, l’anarchie, l’inexistence de documents de propriété, les transactions en cash, l’évolution dans des sphères de non droit et de fraude fiscale.
Le troisième mécanisme que les gouvernants tunisiens n’ont pas évalué a trait aux modèles de développement suivis par le pays, depuis les années 60. Jusqu’ici la Tunisie a adopté deux modèles de développement : le collectivisme des années 60 et l’option pour l’off shore légalisé par la fameuse loi 72 qui a institué des avantages fiscaux et financiers au profit des industries exportatrices.
Le collectivisme a été diabolisé à tort, en ce sens, où dans toutes les économies du monde, le système coopératif ou le tiers secteur, continue d’exister aux côtés des secteurs privé et public. Ce qui n’a pas marché, c’est sa mauvaise conception et gestion. Le système coopératif est pratiqué, actuellement, avec beaucoup de succès dans plusieurs pays dont notre voisin le Maroc. La raison de ce succès est simple. Le collectivisme a été bien encadré juridiquement et bien expliqué aux bénéficiaires. Chaque partie y trouve son compte.
Urgence d’auditer l’offshore et d’évaluer son rendement
Quant à l’option pour l’offshore, ce modèle de développement qui est toujours en vigueur a eu pour démérite d’avoir favorisé l’implantation dans le pays d’une industrie de bout de chaîne, sans valeur ajoutée et sans réel transfert de technologie, des objectifs pour lesquels cette industrie a été pourtant créée.
Pis, cette option pour l’offshore et son corollaire l’institution de juteux avantages accordés aux sociétés exportatrices, a terni à un certain moment l’image de la Tunisie quand elle a été inscrite en 2017-1918, sur la liste des paradis fiscaux.
Morale de l’histoire : l’évaluation du rendement de cette option pour l’offshore est plus que recommandée d’autant plus que ce secteur pénalise la production nationale et vampirise chaque année les recettes de devises du pays par l’effet des sorties des dividendes en devises des 4000 entreprises qui opèrent dans le pays.
Par delà, cette évaluation succincte des différentes étapes par lesquelles est passée l’économie du pays, nous pensons, qu’après avoir expérimenté maladroitement le capitalisme d’état et l’encouragement sans discernement de l’offshore, le moment est le moment pour évaluer le chemin parcouru et se pencher sur le rapport «Cost benefit», voire sur les avantages et désavantages des décisions prises. C’est le moins qu’on puisse faire. A bon entendeur !!!