
• La nouvelle proposition de loi ne permet pas au gouvernement d’emprunter sans limites et sans restrictions
• La majorité des députés mettent en garde contre ce projet de loi
• Mohamed Souilem : l’amendement des statuts de la banque Centrale et ce faux problème de son indépendance n’est pas vraiment une priorité pour le pays
• Aram Belhadj : ce projet de loi tel que proposé par les députés, vise à dépouiller l’autorité monétaire du pays de son indépendance
TUNIS – UNIVERSNEWS – L’amendement du Statut de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) refait surface et cette fois-ci, il semble que c’est le dernier épisode. C’est une question prioritaire pour la cheffe du gouvernement, Sarra Zâafrani Zenzri qui a réuni l’un des conseils des ministres pour examiner la question tant évoquée par le chef de l’Etat qui n’a pas cessé d’ailleurs de mettre en cause l’indépendance de cette institution financière qui devrait, selon sa vision, prêter directement au Trésor public pour éviter les emprunts coûteux par l’intermédiaire des banques. L’assistance était composée des parties concernées, la ministre des Finances, Mechket Slama Khaldi et du gouverneur de la BCT, Fethi Zouhair Nouri, ce mardi 25 mars 2025,
Zenzri a recommandé d’accélérer la révision de la loi selon une approche intégrée permettant de moderniser la gouvernance financière et favoriser un développement économique soutenu. Elle a également souligné l’importance de l’autonomie financière de l’État et la réduction de l’endettement, appelant ainsi à un engagement collectif pour bâtir un système financier solide et résilient.
On ignore toutefois si l’Etat tunisien va maintenir cet amendement du mois d’octobre 2024, qui modifie et complète la loi n°35 du 25 avril 2016, ou va ajuster certains articles. Cette copie élaborée par 27 députés proches du pouvoir a fait l’objet de controverses. Selon des experts en la matière, cette version ferra la Banque Centrale de Tunisie un simple département de l’Assemblée des représentants du peuple. En effet, la Banque centrale, en vertu de ce projet de loi, sera autorisée à acheter des obligations d’État aux banques et à prêter directement au Trésor jusqu’à 3% du PIB, avec des échéances supérieures à cinq ans.
Des obligations pour la Banque Centrale
Une fois approuvée, cette loi obligera la Banque Centrale à utiliser systématiquement les devises étrangères pour rembourser la dette extérieure et avoir l’approbation de la Commission des Finances de l’ARP pour tout emprunt tout en veillant à ce que ce taux d’intérêt soit déterminé en accord avec le gouvernement.
La nouvelle proposition de loi portant révision du statut de la BCT ne permet pas aussi au gouvernement d’emprunter sans limites et sans restriction de la Banque centrale de Tunisie. Elle stipule ainsi que le service de la dette (principal et intérêts) des prêts libellés en devises est automatiquement financé par les réserves en devises détenues par la BCT, sans recourir à de nouveaux prêts, sous réserve que les réserves mentionnées soient supérieures ou égales à 90 jours d’importation au jour de la saisie.
A cette époque, le député du bloc parlementaire « La ligne nationale souveraine », Youssef Tarchoune a défendu bec et ongles, cette proposition de loi, soulignant que la politique monétaire de la Tunisie est liée à sa politique financière. Selon lui, les objectifs économiques d’un pays sont déterminés par la politique financière du gouvernement et que la BCT est une institution, parmi d’autres, qui œuvre pour réaliser ces objectifs.
Il a tenu en outre à préciser que la fonction de la BCT ne doit pas être limitée à la préservation des prix. Selon ses déclarations, le contrôle de l’inflation se fait à travers la révision des taux d’intérêt et l’emprunt intérieur se fait, auprès des banques nationales qui empruntent à leur tour auprès de la BCT, avec un taux d’intérêt bien défini.
Ce n’est pas une priorité
Mis à part certains nombre de députés ayant soutenu cette proposition parlementaire, nombreux sont ceux qui ont mis en garde contre ce projet de loi. Dans une déclaration récente à Universnews, l’ancien directeur général de la politique monétaire auprès de la Banque centrale de Tunisie, Mohamed Souilem a déclaré que l’amendement des statuts de la banque Centrale et ce faux problème de son indépendance n’est pas vraiment une priorité pour le pays, avant d’estimer que le statut de cette institution d’émission est récent et date de l’année 2016 et que tous les articles étaient conçus tout en se référant aux meilleures pratiques déjà adoptées à l’échelle internationale.
Il est vrai, selon lui, que l’Etat a des contraintes de trésorerie et peut être des problèmes de liquidités pour honorer ses obligations financières surtout qu’après l’une importante échéance de crédit d’un milliard de dollars à payer fin janvier 2025 sur le marché financier international, s’ajoute à un autre remboursement de 700 millions d’euros en 2026, mais cela n’autorise pas, selon ses dires, de recourir à des solutions de facilités qui risquent de toucher à l’indépendance et à la crédibilité de la Banque centrale.
De son côté, le docteur en sciences économiques, Aram Belhadj a estimé que ce projet de loi tel que proposé par les députés, vise à dépouiller l’autorité monétaire du pays de son indépendance afin permettre un financement plus facile du Trésor.
Et d’ajouter que l’amendement du statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT) est une option juste pour lui permettre de financer le budget de l’État et rien d’autre, et non pas dans le cadre d’une approche globale permettant à la BCT de jouer un rôle central dans les questions de croissance et développement.
Selon lui, il est élaboré, selon une approche qui comporte de nombreux risques pour l’économie du pays.