• « La priorité numéro 1 doit être la poursuite des mesures de confinement essentielles et le soutien au système de santé ».
• Aux USA, le PIB peut se contracter jusqu’à 15% au second trimestre.
• En France, le PIB s’est effondré de 6% au 1er trimestre, le pire score depuis 1945.
Kristalina Georgieva, la patronne du Fonds Monétaire International ( FMI ), prévoit une récession mondiale en 2020. Ce n’était pas l’hypothèse retenue il y a encore quelques semaines. Le revenu par habitant va reculer dans 170 pays.
« Les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression » de 1929. C’est le sombre pronostic posé, hier jeudi 9 avril 2020, par la directrice générale du FMI sur l’impact de la pandémie du coronavirus sur l’économie mondiale.
« La croissance mondiale va devenir fortement négative en 2020 », a déclaré Kristalina Georgieva, sans avancer de chiffres.
« Il y a tout juste trois mois, nous nous attendions à une croissance du revenu par habitant pour 160 de nos pays membres en 2020. Aujourd’hui, (…) nous projetons que plus de 170 pays vont expérimenter une contraction du revenu par habitant », a-t-elle précisé lors de son discours prononcé en amont des réunions de printemps qui se tiendront en mode virtuel, par vidéoconférence, la semaine prochaine.
Alors que le coronavirus n’en finit pas de se propager dans le monde, les pays sont confrontés « à une incertitude extraordinaire sur la profondeur et la durée de cette crise », a-t-elle insisté.
En conséquence, le Fonds anticipe au mieux une « reprise partielle » en 2021 à condition que la pandémie s’estompe au second semestre de cette année et que les mesures de confinement puissent être levées pour permettre une réouverture des commerces, des restaurants, une reprise du tourisme et de la consommation.
Au contraire, 2021 pourrait s’avérer « pire » que 2020 si la pandémie devait durer. Sans surprise, ce sont les travailleurs les plus précaires qui souffrent le plus. Aux Etats-Unis, ce sont 10 millions de personnes qui ont pointé au chômage pour les deux dernières semaines de mars.
Les pays à faibles revenus ou émergents en Afrique, en Amérique Latine et en Asie « sont à haut risques », a en outre poursuivi Mme Georgieva.
Au cours des deux derniers mois, les sorties de capitaux depuis les économies émergentes se sont élevées à quelque 100 milliards de dollars, soit plus du triple que pour la période équivalente de la crise financière de 2008.
Bien que l’impact économique soit particulièrement sévère, Kristalina Georgieva a estimé qu’il n’y avait pas de dilemme à avoir entre sauver la vie des populations et sauvegarder les moyens de subsistance.
Pour elle, la priorité numéro 1 doit être de « poursuivre les mesures de confinement essentielles et de soutenir les systèmes de santé ».
Elle a en outre exhorté à continuer de protéger les personnes et les entreprises avec des mesures budgétaires et financières ciblées telles que les subventions de salaires, les reports d’impôts, l’extension de l’assurance chômage.
« Nous devons éviter que des pressions sur les liquidités ne se transforment en problème de solvabilité », ce qui laisserait « une cicatrice sur l’économie mondiale qui rendrait bien plus difficile la reprise ».
8.000 milliards de dollars
Elle a aussi appelé les gouvernements à préparer la reprise. Ceci nécessite d’envisager « avec prudence » le moment où les restrictions seront levées.
Selon elle, à mesure que les plans de stabilisation de l’économie vont prendre effet et que l’activité des entreprises va commencer à se normaliser, il faudra agir « rapidement pour dynamiser la demande », via « une action budgétaire coordonnée ».
Le FMI a rappelé qu’il disposait de 1.000 milliards de dollars de capacités de prêt.
Elle a aussi comptabilisé que les pays avaient au total pris des mesures d’aide économique représentant environ 8.000 milliards de dollars.
Aux Etats-Unis, première économie du monde, le président Donald Trump a déjà promulgué un gigantesque paquet d’aides de 2.200 milliards de dollars. Pour autant, avec l’arrêt forcé de l’activité d’une multitude de petites entreprises, certains économistes s’attendent à une contraction du Produit intérieur brut allant jusqu’à 15% au deuxième trimestre.
En France, les premières données ont fait apparaître un effondrement du PIB de 6% au premier trimestre, soit la pire performance trimestrielle depuis 1945.
Parallèlement, les principaux instituts économiques allemands ont prévu que l’Allemagne, principale économie de la zone euro, plonge de 9,8% au deuxième trimestre, soit le double de la contraction enregistrée au premier trimestre 2009 ayant suivi la crise financière.
Quatre priorités face au coronavirus
Pour faire face, la patronne du FMI énumère quatre priorités:
-D’abord contenir la pandémie et soutenir les systèmes de santé. Selon elle, ceux qui disent qu’il y a un compromis à trouver «entre sauver des vies et sauver les moyens de vivre» présentent «un faux dilemme». Soutenir la reprise économique passe d’abord par la préservation de la santé des populations, affirme Kristalina Georgieva.
-Deuxième priorité : protéger les ménages et les entreprises avec les mesures budgétaires et financières adaptées.
-Troisième priorité : réduire les risques de contagion pour la finance mondiale.
-Enfin, soutenir la reprise, notamment en stimulant la demande.
Pour relever ces défis, le FMI dresse l’inventaire de son arsenal. Il dispose dune capacité de prêts de 1000 milliards de dollars. Son comité directeur vient par ailleurs d’approuver le doublement de sa ligne de financement d’urgence, à 100 milliards de dollars. De quoi répondre aux 90 pays qui ont déjà frappé à sa porte. Le Fonds s’engage aussi à trouver des solutions pour les pays dont l’endettement les exclut d’une aide du FMI selon les règles en vigueur avant la pandémie.
Le FMI dévoilera mardi prochain ses dernières prévisions économiques qui risquent d’être entachées d’incertitudes comme jamais. En attendant, la Bulgare nommée l’an dernier à la tête du Fonds pour succéder à Christine Lagarde, annonce que 170 des États membres devraient subir un recul du revenu par habitant. Il y a trois mois, rappelle la directrice générale, le FMI prévoyait au contraire une progression du revenu par habitant pour 160 pays. De son côté, la Banque mondiale, institution voisine du FMI à Washington, dans un rapport publié jeudi, annonce une probable récession en 2020 pour l’Afrique subsaharienne. Ce qui constituerait une première depuis un quart de siècle.
Kristalina Georgieva a diffusé cette intervention selon l’habitude du Fonds, en «lever de rideau» de la traditionnelle semaine d’assemblée de printemps du FMI et de la Banque mondiale.
Celle-ci est prévue la semaine prochaine. Ce millésime 2020 sera évidemment tout sauf traditionnel puisque les ministres des Finances et les banquiers centraux des 189 États membres se retrouveront par écrans interposés. Avec la gestion de la pandémie de Covid-19 comme point de l’ordre du jour écrasant tout le reste.