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Abdelkader Boudrigua : Malgré le stress hydrique et les changements climatiques, nous continuons à travailler de la même façon comme si rien n’est changé
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Nous avons besoin d’un système financier plus adapté aux évolutions mondiales et qui préconise une nouvelle façon de conduite des affaires
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Dorra Miled : un tourisme doit réfléchir à la gestion des déchets, à l’économie de l’eau et de l’énergie, à la réduction de l’emprunte carbone, à la préservation du patrimoine et au respect des habitants et des coutumes locales
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Aslan Ben Rejeb : La RSE ne peut pas être considérée comme une obligation car le vrai challenge est de convaincre l’opérateur économique d’aller au-delà de la simple sphère de bénéfice
TUNIS – UNIVERSNEWS A l’initiative du Cercle des financiers tunisiens (CFT), la première édition de «Carthage Impact forum» a été lancée, jeudi 22 février, à Tunis. Réunissant l’ensemble des acteurs de l’investissement d’impact : décideurs publics, banquiers, académiciens, investisseurs et systèmes de financement, cet événement annuel se positionne comme un espace de partage de connaissances et d’expérience du monde entier et de la région autour des questions et des challenges de l’investissement d’impact. Il aussi permit de mobiliser un large éventail de parties prenantes sur les enjeux critiques et la responsabilité des parties prenantes.
Le modèle de développement actuel ne marche pas !
Lors de cette rencontre, Abdelkader Boudrigua, président du CFT a déclaré que le modèle de développement actuel de la Tunisie ne fonctionne pas et que toutes les études, à l’échelle nationale ou internationale, ont montré qu’on est très loin des objectifs: «Nous avons tort avec la planète (…) Malgré le stress hydrique que nous vivons et les changements climatiques, nous continuons à travailler de la même façon comme si rien n’est changé (…) Nous continuons à consommer de l’eau bien qu’on soit conscient de la rareté de cette ressource», a indiqué Boudrigua, avant d’appeler à intégrer tous ces éléments dans nos réflexions et stratégies.
« Changer les systèmes oui ! Mais à quoi pourrait ressembler l’avenir ! Nous avons besoin d’un système financier plus adapté aux évolutions mondiales et qui préconise une nouvelle façon de conduite des affaires (…) Un système qui s’attaque aux inégalités et à la pauvreté et qui investit dans les solutions permettant de faire face aux crises sociales et environnementales tout en assurant une croissance économique durable et inclusive », a-t-il encore dit.
Un investissement d’impact
Et d’enchainer qu’aujourd’hui, nous avons besoin d’un monde où la finance joue un rôle central dans la résolution des défis sociaux et environnementaux auxquels la communauté mondiale est confrontée tels que la pauvreté, les inégalités et les changements climatiques. « Nous avons besoin d’un système économique et financier au service de tout, un système responsable sur les personnes et la planète et des investisseurs intégrant les considérations d’impact dans toutes les décisions », a-t-il encore précisé.
Selon lui, il faut réfléchir comment utiliser la finance comme une force pour le bien : « Un investissement d’impact est un investissement dont l’intention est de créer un impact social et environnemental positif et mesurable en plus d’un rendement financier : « Il fait que cette intentionnalité soit mesurée c-à-d qu’elle doit avoir un impact social ou environnemental dans le but de retrouver un résultat positif pour une communauté bien déterminée, il faut aussi que ces investissements communautaires soient plus larges et englobent d’autres investissements et activités cibles », a encore assuré Boudrigua, avant d’appeler à un changement fondamental dans la façon dont les entreprises, les investisseurs et les décideurs politiques conduisent les affaires.
Appel à privilégier les acteurs locaux
De son côté, Dorra Miled, présidente de la fédération tunisienne de l’hôtellerie a déclaré que la FTH et ses membres militent pour un tourisme plus inclusif, avec un retour aux vrais valeurs d’accueil et d’hospitalité propres à la culture tunisienne. Ainsi, la fédération œuvre pour le développement d’un tourisme durable permettant de préserver l’environnement, de promouvoir la culture locale et les retombées économiques positives pour les communautés locales.
Selon elle, le secteur de l’hôtellerie contribue à hauteur de 13,8% du PIB et offre 92 mille emplois en 2021.
Elle a en outre indiqué que la FTH s’est engagée dans le tourisme durable à travers la création d’une commission dont l’objectif est le développement du tourisme durable et ce depuis l’année 2017. Cette initiative est appuyée par des institutions publiques et des bailleurs de fonds étrangers.
Et d’ajouter dans le même contexte que le tourisme durable doit tenir pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs tout en respectant les besoins des touristes.
Selon elle, un tourisme doit réfléchir à la gestion des déchets, à l’économie de l’eau et de l’énergie, à la réduction de l’emprunte carbone, à la préservation du patrimoine et au respect des habitants et des coutumes locales. Ceci interpelle aussi de privilégier les acteurs locaux pour stimuler la croissance de la région.
Le PCN, pour renforcer la culture CRE
Quant à la représentante du programme national pour la conduite responsable des entreprises (PCN) Amira Klai a tenu à préciser que la Tunisie a officiellement adhéré, le 23 mai 2012, à la Déclaration de l’OCDE sur l’investissement international et les entreprises multinationales. Et d’expliquer que ce programme consiste à contribuer à la promotion de la Conduite Responsable des Entreprises (CRE) en Tunisie afin de garantir un climat d’affaires propice et de développer des investissements responsables.
Elle veillera également au renforcement de la culture CRE au sein des entreprises et de promouvoir les Principes directeurs de l’OCDE auprès des différents acteurs économiques incluant les organisations professionnelles et syndicales.
La RSE… une taxe déguisée
S’agissant d’Aslan Ben Rejeb, président de la CONECT, il a déclaré que depuis sa création, la responsabilité sociétale des entreprises est son ADN.
Il a critiqué le fait de considérer la RSE comme une obligation car le vrai challenge aujourd’hui est de convaincre l’opérateur économique d’aller au-delà de la simple sphère de bénéfice. Ainsi, il a fait remarquer que la RSE ne peut réussir que lorsque l’opérateur économique trouve qu’il y a un intérêt direct mesurable au-delà de faire comme les autres ou comme l’international. Cette approche ne va pas réussir si on impose la RSE aux entreprises (…) nous ne pouvons pas obliger personne à une action sociétale ou environnementale (…) c’est une taxe déguisée alors que cela nécessite une force de conviction.
Il a en outre indiqué que la CONECT considère la RSE comme un levier de l’économie circulaire et de l’investissement durable et qu’elle a été parmi les premiers ayant développé cette approche : «Aujourd’hui, on est à notre 9ème conférence RSE et on est arrivé jusqu’à la labellisation des entreprises RSE, ce qui permettra à l’entreprise tunisienne d’accéder aux marchés internationaux, principalement européen et canadien sans qu’elle soit labélisée par le pays cible. C’est une réalisation déjà qui a été faite à la CONECT», a-t-il encore précisé.
Ben Rejeb, a tenu à préciser que la responsabilité des entreprises prend aujourd’hui plusieurs dimensions, citant le stress hydrique, la dé-carbonisation et l’économie circulaire. « Ensemble avec le reporting, on arrive à faire marcher cette approche et être impactant au vrai sens du terme », a-t-il dit