- Face au concurrent marocain, qui place ses têtes économiquement très bien faites, la Tunisie oppose une diplomatie d’administration et d’appareil…
- Les noms proposés à Paris, à l’UE, Madrid ou Berlin, sont des purs produits de «l’appareil» pour » vendre » la Tunisie en tant que couple « mer-soleil »
- Le jour où nous réaliserons l’ampleur de la fracture avec nos voisins en termes d’IDE et d’attractivité, parce que nous n’avons pas compris le «nouveau Yalta », le gap sera irrécupérable
La vraie ou fausse liste des nouveaux ambassadeurs de notre pays un peu partout dans le monde tombe dans l’irréel, tant notre diplomatie semble, encore une fois, mais cette fois-ci d’une manière hallucinante, vouloir fermer les yeux sur ce qui se passe dans le monde et principalement chez nos principaux partenaires économiques et surtout chez nos concurrents directs.
Sinon, comment analyser ce qui est proposé comme noms au président de la République. Des diplomates certes, pour certains des diplomates ayant occupé quelques chancelleries avec des fortunes diverses mais toutes loin, très loin du potentiel Tunisie, de l’exigence de l’heure avec, de surcroît, aucun acquis historique.
Les propositions qui émanent du chef de la diplomatie et du chef du gouvernement n’ont intégré, à aucun moment, ce que l’on attend d’un diplomate dans un monde et dans un environnement de ruptures. De ce que l’on attend d’une situation mondiale post-Covid qui ressemble, à plus d’un égard, à une continue conférence de Yalta où les nations, les plus averties, les plus entreprenantes et les plus en rupture, iront se servir.
Dans le monde d’aujourd’hui et de demain, les stratégies économiques sont nouvelles. Les défis sont nouveaux. Les enjeux également avec ce que cela comporte comme Investissements Directs Etrangers (IDE), des corrections des routes d’approvisionnement, de sous-traitance, de coopération, de développement « d’exit Asia » et, partant, de… création d’emplois. Le point focal sur lequel bute depuis toujours notre économie.
Nos frères et amis marocains l’ont immédiatement compris. Ils ont pris la mesure des bouleversements mondiaux depuis quelque temps, ils en récoltent les fruits et accentuent encore plus la tendance. Où en est la diplomatie marocaine par rapport à la nôtre ? Analysons le pourquoi des choses de ce qui est devenu « l’exemple marocain ». Chose qui, a priori, n’a pas été effectuée.
Prenez les ambassades de ce pays dans les cinq plus importants pays de l’Europe occidentale. Un banquier de premier plan à l’Union européenne à Bruxelles, qui vient juste de terminer fin 2019 le redressement d’une banque marocaine qu’il a hissée, en l’espace de quatre ans, sur le podium des banques marocaines.
Un consultant technique à la base, puis transformé en gestionnaire de l’un des plus grands projets du Royaume, en l’occurrence la zone franche, véritable Hub, de Tanger a été placé à Paris. Un financier de renom à Rome avec une grande expérience dans le consulting et la connaissance fine des filières économiques.
A Madrid, c’est une économiste de formation ibérique qui officie ; une économiste qui a été vice-présidente du Centre Nord-Sud du conseil de l’Europe et possède des relais considérables dans le domaine scientifique à Lisbonne et à Madrid. La seule diplomate de carrière est Zhour Alaoui qui a été pendant deux ans la présidente de la Conférence Mondiale de l’UNESCO, devenant la première femme arabe à occuper ce poste en soixante dix ans d’existence de cette organisation et honorant parfaitement son père, l’incontournable diplomate Moulay Driss Alaoui – excusez du peu.
Que l’on ne se le cache pas ! Le Maroc est notre premier concurrent dans le «nouveau Yalta » qui s’ouvre et qu’est ce que nous mobilisons pour contrer ces têtes économiquement très bien faites ? Nous opposons une diplomatie d’administration, d’appareil. Aucune rupture, aucun sens de la mesure du temps et des enjeux derrière lesquels nous courrons à perdre espoir parfois.
Les noms proposés à Paris, à l’Union Européenne- Bruxelles, Rome, Madrid ou Berlin, sont des purs produits de «l’appareil» qui continue de vendre la Tunisie en tant que couple « mer-soleil » et « ton deuxième pays » alors qu’à coté, c’est une logique économique implacable, une logique de filière, d’avantages comparatifs affinés, de connaissance profonde des tissus économiques, des opérateurs économiques de tout bord et surtout cette faculté à penser, discuter, respirer économie avec une compréhension macroéconomique et même parfois microéconomique, très pointue des enjeux.
Alors, si demain, la fracture avec nos voisins en termes d’IDE, d’attractivité, d’opérateurs qui arrivent et ceux qui partent devient plus salée, c’est que nous n’avons pas compris le «nouveau Yalta » et le jour où nous le comprendrons, le gap sera irrécupérable. Alors de grâce, si sur la colline du Hilton, on n’a pas vu venir cela, que Carthage, fidèle à son histoire, regarde différemment les défis et change la donne, pour tout ce qui touche à 95% de notre économie et de nos échanges. Il y va de notre salut.
La Rédaction