- L’émergence de nouvelles forces engendre de nouvelles donnes
Après avoir longtemps maintenu le flou quant à la prise en main de Tahya Tounès par Youssef Chahed, ce qui était un secret de polichinelle malgré les tentatives de maintenir un pseudo-suspense, les dés ont fini par être jetés avec l’annonce officielle du plébiscite « offert » au chef du gouvernement lors de la tenue, samedi soir, de la réunion du Conseil national
A cette occasion, on a connu le trio d’hommes forts de cette formation politique, en l’occurrence, Youssef Chahed, président du parti, Salim Azzabi, secrétaire général, et Kamel Morjane, ex-chef du parti AL Moubadara, nouvellement fusionné avec Tahya Tounès, président du Conseil national.
Après ces annonces, des questions s’imposent quant à la nouvelle physionomie du paysage partisan et du paysage politique officiel. En effet, Youssef Chahed va-t-il être candidat pour la présidentielle ou se contentera t-il d’une éventuelle victoire de son parti aux prochaines législatives pour prétendre à une reconduction à La Kasbah ?
D’ici là, Youssef Chahed décidera t-il de rester à la tête du gouvernement ou de démissionner ? Dans le deuxième cas, comment procédera t-on ? Est-ce faisable de nommer un des ministres en tant que chef du gouvernement par intérim juste pour gérer les affaires courantes ? Ce qui reviendrait à dire que le cabinet gouvernemental continuera, d’une manière indirecte, à obéir aux ordres de M. Chahed.
En tous les cas, on se dirige vers des schémas aussi complexes qu’inhabituels, sans parler de l’éthique morale. Sera-t-elle respectée ou bafouée. Car, entre ce qui n’est pas interdit par la loi et qui ne l’est pas par les valeurs morales, il y a tout un monde.
D’ailleurs, on se pose la question si la manière de créer le parti Tahya Tounès est moralement et éthiquement légale ou non, dans le sens où ce mouvement a été fondé par des membres du gouvernement dont la majorité, sauf les ministres d’Ennahdha, bien évidemment, font déjà partie du staff dirigeant de Tahya Tounès ?
D’habitude, une équipe crée un parti politique pour parvenir au pouvoir. Or, Tahya Tounès a vu le jour grâce à l’équipe rapprochée du patron de La Kasbah, ce qui n’a pas manqué de créer des amalgames avec interférences et des conflits d’intérêt entre les deux.
Bien entendu, les Salim Azzabi, Walid Jellad et bien d’autres nous répétaient qu’ils n’ont jamais utilisé les moyens de l’Etat en parlant, générales d’outils matériels, notamment des bus, mais ils oubliaient que les aspects moraux ont beaucoup plus d’impact.
Maintenant que les jeux sont faits avec la naissance de ce nouveau-né dans le paysage partisan, quel avenir l’attend ?. Au départ, les porte-voix du parti tablaient sur une victoire écrasante avec plus de 109 voix à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour pouvoir mener à bien leur projet.
Or, jusqu’à présent et à deux mois du démarrage officiel de la campagne électorale, Tahya Tounès semble très loin d’obtenir cette majorité absolue, sachant qu’il n’a publié aucun programme de quelqu’ordre que ce soit : politique, social ou économique. Par contre, on a vu une véritable ruée de personnalités annonçant leur adhésion audit parti.
Toutefois, et selon la majorité des récents sondages, Tahya Tounès et son chef, Youssef Chahed traînent dans les intentions de vote, devancés par des personnalités et des partis qu’on ne soupçonnait pas d’être à la pointe, il y a à peine deux ou trois mois.
Ceci veut dire que les grands noms – théoriquement – ne font pas le succès d’un parti. Au contraire, on semble oublier qu’il faut bâtir autour d’un projet. Ce qui n’est pas le cas de Tahya Tounès, construit à partir d’un gouvernement qui se targue d’avoir sauvé la Tunisie, mais dont l’image et le bilan sont gravement ternis par ce qui est ressenti par le commun des citoyens qui, eux, votent et décident de leurs gouvernants.
Il faut dire que force est de reconnaître que la majorité écrasante des partis en présence, à part quelques uns dont le Parti destourien libre (PDL), n’ont pas publié leur vision et leurs programmes pour les cinq années à venir.
Par contre, chaque jour apporte son lot d’alliances ou fusions, réelles ou possibles avec l’espoir de réunir le maximum de notoriétés croyant à tort qu’une constellation de vedettes leur assurerait la victoire
C’est dans cet esprit qu’on parle, ces temps-ci, d’une nouvelle initiative de Béji Caïd Essebsi en vue de réunifier les rangs de ce qu’il appelle le « Nida historique » et de la grande famille centriste englobant, le Nidaa, Machrou et Tahya Tounès, mais d’ores et déjà, une œuvre pareille est semée d’embûches dans le sens où rien ne peut entrepris sans la mise à l’écart du « fiston », rejeté par tous, à savoir le clan de Toubel et Salma Elloumi, par Youssef Chahed et Tahya Tounès, par Machrou, etc. Et d’un !
Ensuite, cette initiative arrive trop tard sans oublier que BCE n’a plus son aura d’antan, sachant qu’il est absent de la scène depuis déjà plusieurs mois. Et de deux !
Et puis, plusieurs forces ont émergé et qui sont en train de changer les donnes de fond en comble. On citera, Abir Moussi et son PDL, Nabil Karoui, Aich Tounsi, Attayar démocratique conduit par Mohamed et Samia Abbou. D’ailleurs, ces partis et ces personnalités caracolent en tête des sondages. Et de trois !
En tout état de cause, et même s’il est difficile, dès-à-présent, sur les perspectives et les chances des uns et des autres lors des prochaines échéances électorales, on peut dire sans se tromper que la lutte s’annonce serrée et que rien ne sera plus comme en 2014 sans oublier que les 1,5 millions, environ, de nouveaux inscrits sur le registre électoral sont de nature à tout faire « chambouler ».
Noureddine HLAOUI