• Le nouveau chef de l’Etat devrait remettre les pieds sur terre et s’adresser au peuple
• Saïed devrait avoir une position nette face au lynchage dont font l’objet certains journalistes, notamment ceux d’Al Hiwar
La Tunisie a un nouveau président, le septième depuis l’indépendance.
Il s’appelle Kaïs Saïed et il remporté le scrutin haut la main. Un plébiscite, diront les uns, un raz-de-marée, diront les autres.
Profitant d’une mobilisation générale et maximale lors du second tour, le nouveau chef de l’Etat a obtenu 2 777 000 mille voix, soit un taux de plus de 72% alors que son adversaire du jour, Nabil Karoui a eu 1 100 000 voix, soit à peine 27%.
L’écart est énorme et un pareil écart est très rare dans les élections démocratiques. En France, à titre d’exemple, c’est uniquement lorsqu’il y a un candidat de l’extrême droite que le président vainqueur peut se targuer d’un score pareil.
Chez nous, en 2014, le défunt Béji Caïd Essebsi avait obtenu 55% suite à un vote utile rassembleur contre Ennahdha. Alors, pourquoi une telle ampleur en faveur de K.S ?
Il faut reconnaître, d’abord, que Kaïs Saïed s’est classé en tête des 26 candidats au premier tour. Pour le second tour, en plus de son propre réservoir, il a bénéficié des reports des voix des autres candidats dont notamment d’Ennahdha, d’El Karama, du Tayyar, d’Errahma, d’Echaâb, de Tahia Tounès et, probablement, certaines petites autres formations indépendantes. Et la question qui se pose : Toute l’explication se trouve résumée par ces facteurs.
Bien entendu, il faudrait y jouter, un facteur hautement déterminant, à savoir l’incarcération de Nabil Karoui qui était alors, déjà candidat, et ce pour un dossier encore en instruction, donc sans jugement, ni même un procès, mais uniquement par la volonté d’un ou de deux juges qui ont été, par la suite, désavoués par une sentence de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction du pays qui a fait une véritable démonstration sans la moindre équivoque quant au caractère complètement nul de la décision de la Cour d’Appel de Tunis.
C’est à se demander si le ou les magistrats ayant émis le mandat de dépôt peuvent dormir la conscience tranquille après qu’un citoyen ait passé plus de quarante jours sous les verrous et après avoir changé, peut-être, son destin de fon en comble.
Bien entendu, le candidat Karoui, souffrait d’une mauvaise réputation puisqu’il est soupçonné d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Certains ont vite fait de le de le juger et de le condamner comme tel oubliant que jusqu’à présent, toutes les personnes arrêtées par Youssef Chahed, il y a deux ans et demi, se sont avérées innocentes, excepté Chafik Jerraya, lui aussi innocenté de l’accusation la plus grave, mais sui reste détenu dans une autre affaire relativement banale de faux et usage faux.
Pour revenir au plébiscite en question, Kaïs Saïed devrait être conscient de sa juste valeur et remettre les pieds sur terre dans le sens où la majorité de ceux qui l’ont élu, ne sont pas des adeptes de ses concepts, mais plutôt un électorat prônant l’Islam politique et le fanatisme extrémiste d’El Karama, que le nouveau président de la République accueille à bras ouverts sans la moindre nuance.
Il y a, certes, un bon nombre de jeunes qui croient en les idéaux du Constitutionnaliste, mais ils sont encore à peine visibles sans oublier que le nouveau chef de l’Etat, lui-même, demeure énigmatique.et avare en apparitions et en déclarations.
C’est vrai qu’il ne cesse de nous répéter que sa devise reste celle du « peuple veut », un slogan populiste et inapplicable, à moins qu’on va lâcher les Ricoba, Deghij, Abdellatif Aloui, Yusri Daly, Maher Zid, Rached Khiari et autres Ridha Jawadi et el leur chef, Seifeddine Makhlouf, ainsi que toute la horde des anciens des LPR pour se charger de l’exécuter.
D’ailleurs, on a eu un avant-goût amer de ce qui nous attend en voyant les agressions et les violences perpétrées contre des journalistes impunément en pleine avenue Bourguiba juste après la proclamation des résultats annonçant la large victoire de Saïed.
Et si tous les deux millions 770 mille ayant voté Saïed descendaient dans la rue pour scander : « le peuple veut » tout en exigeant la mise en œuvre immédiate de ce slogan ?!!!
Quant à l’autre slogan cher à Kaïs Saïed est celui faisant de la cause palestinienne une priorité absolue au même titre, voire plus, que les revendications sociales du peuple tunisien, sachant que le nouveau président de la République Tunisienne, à chaque fois qu’il parle de la Palestine, ne se contrôle plus et tombe dans une crise d’hystérie allant jusqu’à assimiler les éventuels partisans de la normalisation avec Israël à ceux ayant commis la haute trahison, donc passibles de la peine capitale.
Donc, sur ce thème bien précis, qu’apporte t-il de plus à part une répétition des mêmes paroles. Et on aimerait bien savoir comment Kaïs Saïed peut-il passer à l’action sur ce volet ?!!!
En tout état de cause, accordons à Kaïs Saïed, qui constitue un véritable phénomène de par l’engouement qu’il suscite, un préjugé favorable avec l’espoir qu’outre le capucin qu’il boit quotidiennement, il va livrer le fond de sa pensée et la réalité de son programme, car les Tunisiennes et les Tunisiens en ont marre des « paroles paroles » et veulent, plutôt, actions concrètes aptes à les faire sortir du carcan de la médiocrité dans lequel ils baignent.
Sans oublier de lui réclamer des positions claires vis-à-vis des intégristes extrémistes qui le soutiennent car on n’accepte plus ce souhait de « bienvenue » à tous ceux l’appuient et même ceux qui ne le soutiennent pas. Un cliché qu’il répète à tout bout de champ.
Et avant de finir, on lui réclame à M. Saïed une position nette face au lynchage dont font l’objet certains journalistes, notamment ceux d’Al Hiwar. N’est-ce pas le président de la République qui est le garant des libertés publiques et individuelles ?!
Noureddine HLAOUI