- Environ 8 200 cadres supérieurs, 2 300 ingénieurs, 2 300 enseignants-chercheurs, 1000 médecins et pharmaciens, et 450 informaticiens ont quitté le pays en 2018
- Plus d’un million de personnes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur quittent chaque année le continent africain
- La Tunisie classée en 2020 au deuxième rang des pays arabes en matière de fuite des cerveaux, après la Syrie
- La Tunisie perd chaque jour 18 ingénieurs qualifiés… soit 6500 chaque année
- Manque de compétences dans les administrations tunisiennes résultant la fuite de l’élite scientifique, notamment les ingénieurs
TUNIS – UNIVERSNEWS (Interview) – La fuite ou « l’exode des cerveaux » qui désigne la migration vers les pays développés des travailleurs qualifiés ou hautement qualifiés ne cesse de prendre de l’ampleur en Tunisie, faisant perdre à la Tunisie l’une de ses ressources les plus rares, qui n’est autre que le « capital humain ». Selon l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), plus d’un million de personnes issues du continent africain et titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur quittent chaque année leur pays d’origine pour partir vers les pays du Nord, plus attractifs en matière de salaire et de niveau de vie.
Ainsi, pour les cas de la Tunisie, elle était classée en 2020 au deuxième rang des pays arabes en matière de fuite des cerveaux, après la Syrie. Environ 8 200 cadres supérieurs, 2 300 ingénieurs, 2 300 enseignants-chercheurs, 1 000 médecins et pharmaciens, et 450 informaticiens ont quitté le pays en 2018, d’après l’Office des Tunisiens à l’étranger.
On perd chaque jour 18 ingénieurs qualifiés
Dans une interview accordée à Universnews, le président de l’ordre des ingénieurs, Kamel Sahnoun a mis en garde contre la migration de l’élite et des compétences scientifiques tunisiennes notamment dans les rangs des ingénieurs sous l’effet des avantages et privilèges accordés pour eux par les pays étrangers.
Dans le détail, il a indiqué que chaque jour, la Tunisie perd 18 ingénieurs qualifiés, soient 6500 chaque année, qualifiant ce chiffre de catastrophique et alarmant surtout qu’annuellement, le nombre des diplômés des écoles d’ingénierie est estimé entre 8000 et 8500 ingénieurs. « Chaque année, l’Etat tunisien investit des sommes colossales dans la formation des ingénieurs pour en fin les envoyer à l’étranger, soit en Afrique, en Amérique, en Australie ou encore dans les pays du Golfe. », a-t-il dit.
Et d’ajouter que les ingénieurs tunisiens sont sollicités à l’étranger pour plusieurs raisons, d’une part parce que la formation publique dans ce domaine jouit d’une bonne réputation et d’une excellente qualité et d’autre part parce que les ingénieurs tunisiens s’intègrent facilement et rapidement dans toutes les économies du monde entier.
On investit pour les pays étrangers
Kamel Sahnoun a en outre expliqué que les ingénieurs tunisiens préfèrent aller travailler à l’étranger et profitent de la première opportunité qui leur est offerte parce qu’ils veulent travailler dans de bonnes conditions professionnelles et aussi pour des raisons financières.
Selon ses déclarations, l’ingénieur coûte à l’Etat tunisien pas moins que 100 MDT, ce qui représente environ 650 MDT offerts chaque année aux pays étrangers. Pire est que la Tunisie est en train d’exporter les compétences et les qualifications qui sont considérées comme l’un des piliers de l’économie tunisienne. « Ce montant de 650 MDT peut servir pour construire un hôpital, une université ou encore une autoroute », a-t-il estimé.
Il a cité l’exemple du Maroc qui avait décidé durant les années 70 du siècle précédent, dans l’ère de Hassan II, d’aligner la stratégie de développement du pays sur l’évolution du secteur de l’ingénierie car ils se sont rendus compte que seuls les ingénieurs peuvent changer la donne dans le pays et pouvoir réussir tout éventuel plan de développement dans le pays. Et d’expliquer que suite à cette nouvelle approche, les ingénieurs marocains ont aujourd’hui des salaires 4 fois plus élevés que les ingénieurs tunisiens. De même, les salaires des ingénieurs jordaniens sont deux fois plus élevés que ceux en Tunisie.
C’est le seul secteur n’ayant pas bénéficié d’augmentation
Le président de l’ordre des ingénieurs, Kamel Sahnoun a tenu dans le même contexte à indiquer que le secteur d’ingénierie est le seul qui n’a bénéficié d’aucune augmentation exceptionnelle depuis la révolution contrairement aux autres secteurs ayant bénéficié de trois ou quatre augmentations. Et d’ajouter que depuis la révolution, le pouvoir d’achat des ingénieurs en Tunisie a fortement chuté.
Il a cité l’exemple des entreprises publiques où le nombre des ingénieurs ayant quitté leurs postes devient beaucoup plus élevé, faisant remarquer à ce propos que, lorsqu’ils quittent leurs postes, les ingénieurs sont remplacés par des personnes qui n’ont pas ni les compétences ni les qualifications adaptées et cela ne peut que créer une administration non adaptée aux changements et au développement technologique.
Il a dans le même contexte déploré le manque de compétences dans les administrations tunisiennes résultant à la fuite de l’élite scientifique, notamment les ingénieurs.
Face à ces problématiques, le président de l’ordre des ingénieurs, Kamel Sahnoun a appelé à accorder de l’intérêt aux compétences tunisiennes notamment aux ingénieurs, comme source de développement pour le pays.